La littérature sous caféine


jeudi 28 juin 2007

Best Of Bac Français 2007 (3ième et dernière)



(Photo : métro de Shanghai, nov 2004)

7) – Que peux-tu me dire sur le Siècle des Lumières ?
- Euh… C’est le siècle où on a inventé l’électricité ?

8) - Dans ce commentaire je vais pas faire de plan, parce que vous voyez, en fait, c’est pas trop mon truc…

9) Entendu en salle des profs :
- Quand j’ai écris à François Hollande pour protester contre la réforme Allègre, qui prévoyait la réduction des heures de français en collège, avec le résultat que vous connaissez, vous savez ce qu’il m’a répondu ? « Quand vous critiquez le PS, vous faites le jeu de la réaction… » Eh bien quand j’ai ainsi compris que Hollande était un stal’ (ndr : un Stalinien), j’ai déchiré ma carte du parti…

10) Entendu en salle des profs, encore :
- Un inspecteur nous a clairement annoncé, pour la correction du brevet cette année dans le 93, qu’il s’agissait d’un « brevet social »…
- C’est-à-dire ?
- C’est-à-dire qu’on est prié de ne pas noter en dessous de la moyenne.

11) Lu dans l’écrit d’invention d’une copie du bac :
« Cela m’avais boulverssement énervé… »

mercredi 27 juin 2007

Best Of Oraux Bac Français 2007 (2)



4) – Alors, que peux-tu me dire sur Don Juan ?
- Euh… C’est le maître qui était valet avant…
- Ah bon ?
- Ah non, je me trompe de pièce… Euh…
- Peux-tu me citer une autre pièce de Molière ?
- Une autre pièce de Molière ?... Euh… Les Fables de la Fontaine ?...

5) – A propos des Philosophes des Lumières, peux-tu me dire quelque chose à propos de la Révolution Française ?
- La Révolution… Bah les gens ils commençaient à comprendre des choses… C’est ça… Ils commençaient à comprendre des choses… Je pourrais pas vous dire quoi exactement… Mais ils commençaient à piger…

6) – Dans ce poème, on remarque des huitains, des quatrains… et puis… euh… des deuzains…

(Photo : ambiance rue poussérieuse en Argentine)

lundi 25 juin 2007

Jésus-Christ Superstar (Bach, Longin, Faure)



Hier, dans une petite église de banlieue, la Passion selon Saint Jean chantée par un chœur du 11ième arrondissement.

La musique de Bach nous saisissait tous, évidemment, mais il y avait le texte, aussi, que nous avions sous les yeux… Puissance incroyable de cette Passion, je veux dire, puissance littéraire, indépendamment de son caractère sacré… Densité de l’émotion, densité du sens…

O grand amour, amour démesuré qui t’a mené sur ce chemin de tourments ! Je vivais dans la joie et les plaisirs du monde, et toi, tu dois souffrir !

… et je ne connais d’ailleurs pas de poème, de texte philosophique ou de roman qui présente une telle évidence sublime…

Contemple, mon âme, avec un plaisir tourmenté, avec le cœur à demi étouffé d’un poids amer, ton bien le plus grand dans les souffrances de Jésus, contemple comme, des épines qui le piquent, fleurit la fleur qui ouvre le ciel. De son arbre aux fruits amers, tu peux cueillir bien de doux fruits, aussi ne te lasse pas de le contempler.

Evidence presque terrifiante ! Je me souviens de ma lecture de Longin, l’auteur ayant théorisé le Sublime dans son petit opuscule du 3ième siècle... Déjà l’auteur prenait pour exemple d’émotion esthétique accomplie ces quelques passages bibliques…

Mon sauveur bien aimé, laisse-toi questionner maintenant que tu es cloué en croix et que tu t’es toi-même écrié : tout est consommé ! Suis-je libéré de la mort ? Puis-je, par ton supplice et ta mort, hériter du royaume des cieux ? Est-ce la rédemption de la terre entière ? De douleur, tu ne peux rien dire, mais tu inclines la tête et tu déclares silencieusement : oui !

Dans l’église, il y avait devant moi une petite vieille arrivée à un tel état d’épuisement qu’elle paraissait sur le point de s’effondrer à chaque nouvelle envolée du chœur. J'avais peur qu’elle nous lâche… Mais ça doit être beau de mourir sur une Passion de Bach, et bien plus noble encore que dans les bras d’un être aimé : nous avons tous en mémoire ce Président Edgar Faure décédé d’un spasme au-dessus d’une femme de mœurs légères…

Maintenant j’aurai de la mort sublime une toute autre image : celle d’une vieille dame aux cheveux frisottés, basculant vers l’avant alors qu’elle succombe à l’émotion d’un contre-ut sur des paroles aussi saisissantes que :

O Christ, Fils de Dieu, fais, par ta souffrance amère, que constamment soumis à toi nous évitions tout vice. Que nous méditions avec fruit ta mort et sa cause, et que, faiblement, nous t’offrions nos sacrifices.

samedi 23 juin 2007

Best Of Oraux Bac Français 2007 (1)



(Photo : une colline dans le Nord-Ouest de l'Argentine, août 2005)

1) – Pouvez-vous m’expliquer ce que signifie le mot « dédain », à la ligne 8 ?
- Euh… Vous pourriez me le dire pour que ça m’aide ?...

2) – Quelles sont les métaphores présentes dans le texte ?
- Euh… Vous pouvez développer votre question, parce que là je vois pas…

3) – Vous me ferez un commentaire du texte de Nathalie Sarraute extrait de Enfance.
- Oh non, pas celui-là ! Juré, c’est vraiment le seul que je peux pas… Vraiment… Je sais pas, le coup des deux personnes qui dialoguent… J’ai bloqué… Le blocage intégral… Je pouvais pas avec ce texte… Tous les autres je les ai adorés, mais celui-là… Tous les autres vous voyez j’ai appris les poèmes par cœur, et les pièces de théâtre j’ai appris à les jouer, je les joue même à la perfection vous voyez…

jeudi 21 juin 2007

La sensualité grasse (Proust et Colette passent le bac)



J’écoute les candidats au bac me lire leurs commentaires (souvent brefs), et je me surprends à trouver certaines phrases des textes que j’ai sous les yeux particulièrement belles. Parfois je résiste difficilement à l’envie de poser aux élèves des questions du genre : « Trouvez-vous cette phrase réussie ? Vous émeut-elle ? D’où vient sa beauté ?... »

Je me retiens pourtant et je cherche en moi-même la réponse, par exemple avec cette expression de Marcel Proust, dans le fameux texte de la madeleine :

« Les formes – et celle aussi du petit coquillage de pâtisserie, si grassement sensuel sous son plissage sévère et dévot – s’étaient abolies, ou, ensommeillées, avaient perdu la force d’expansion qui leur eût permis de rejoindre la conscience. »

Ou bien ce bout de phrase de Colette, extrait des Vrilles de la Vigne :

« Nous avons galopé, aboyé, happé la neige au vol, goûté sa suavité de sorbet vanillé et poussiéreux… »

Qu’est-ce qui peut expliquer, d’ailleurs, qu’une même exigence stylistique, chez deux auteurs, ait terriblement vieilli chez l’un, et merveilleusement passé l’épreuve du temps chez l’autre ?

Si je relis les phrases citées de Proust et de Colette, je trouve que le premier n’a pas pris une ride, et je trouve à la seconde un côté définitivement désuet (bien que je sois un grand admirateur de sa prose chargée). Pourquoi donc le « grassement sensuel » de Proust passe-t-il mieux que « la suavité de sorbet vanillé et poussiéreux » de Colette ? Peut-être Colette en fait-elle en fait un peu trop…

mercredi 20 juin 2007

Mes couilles sur un plateau



J’achève la lecture, distrayante, de Sexus Politicus (Deloire/Dubois, chez Albin Michel), cette longue recension d’anecdotes sur la vie sexuelle de nos hommes politiques. J’ai surtout retenu quelques bons mots :

« Après la victoire contre Balladur en 1995, Villepin s’était exclamé en privé : « Ceux-là, on les a baisés avec du gravier ! » » (p24)

« Selon l’historien Michel de Decker, « le comte d’Evreux avait épousé une femme très jolie vue de dos » » (p57)

« A propos de deux hommes politiques, dont l’un avait épousé la femme de l’autre, Couve de Murville persiflait, en parodiant le langage militaire : « Ils ont servi dans le même corps. » » (p78)

Bernadette Chirac, à propos de Marie-France Garaud : « Moi, elle me prenait pour une parfaite imbécile… Son tort a été de ne pas se méfier assez de moi. On ne se méfie jamais assez des bonnes femmes. » (p137)

« En 1986, Chirac est excédé par son homologue britannique, Margaret Thatcher : « Qu’est-ce qu’elle veut encore, la ménagère, mes couilles sur un plateau ? » »

« Pour l’empêcher de le quitter, Balkany l’aurait menacée avec une arme de poing dans son appartement boulevard de Courcelles à Paris. Mieux, un 357 Magnum à la main, il lui aurait imposé une fellation. (…) Il concède qu’il possède une arme, mais jure qu’elle se trouve à la campagne. (…) Isabelle Balkany vient au secours de son mari, avec cette phrase désormais célèbre dans les arcanes de la politique : « Mon mari n’a jamais eu besoin d’un revolver pour se faire tailler une pipe. » » (p317)

Au final, et au risque de paraître moralisateur, je trouve difficile d’éprouver de l’admiration pour cette armée d’hommes politiques toutes couilles devant, prêts à n’importe quelle extravagance pour s’en taper le maximum. C’est amusant, mais ça ne les grandit pas vraiment… Non seulement on peut s’effrayer qu’ils aient l’air de travailler si peu, mais je me suis surpris à trouver de la noblesse aux quelques-uns qui ne cèdent (apparemment) pas à la tempête rose : des De Gaulle, des Jospin…

lundi 18 juin 2007

Banga/Cotton



1) Pot de fin d'année dans une classe adorable du lycée Cotton de Montreuil, la Seconde Arts Appliqués...

- Bon, vous amènerez du banga pour le pot de fin d'année ?

- De quoi vous parlez Monsieur ?

- Bah du Banga, du jus d'orange, quoi !

- Eh mais Monsieur, on a changé de siècle ! On dit plus Banga ! On dit Oasis !

2) Premier aperçu des perles du Bac Français 2007 :

Dans un commentaire sur un texte de Monfreid :

"Dans ce texte on a un pleonasme "elle le suivait en tout lieux", il y a des aliterations en "s" qui montre que la gazelle est bien eduquée..."

samedi 16 juin 2007

Ce soir, l'hécatombe



Si je fais le bilan de ma saison théâtrale 2006-2007, du point de vue du nombre de morts, cela donne :

- Hedda Gabler, d’Ibsen : un suicide + un suicide déguisé en rixe
- Trois sœurs, de Tchekhov : un suicide déguisé en duel
- Platonov, de Tchekhov : quelques morts, dont un suicide (si mes souvenirs sont bons)
- Naître, d’Edward Bond : plusieurs morts par balle + une scène de charnier + le massacre du corps d’un enfant
- Psychose, de Sarah Kane : un suicide

Il n’y a que la pièce de Thomas Bernhard, Au But, qui n’ait pas mis en scène de mort violente, encore que l’épouse parle longuement de l’agonie de son mari et qu’il s’agisse beaucoup de désespoir et de dégoût.

Comment justifier une telle hécatombe ? Sans doute la bonne vieille catharsis d’Aristote (il faudrait d’ailleurs faire des sondages, tiens, pour savoir si les spectateurs se sentent purgés à la sortie d’une pièce…), sans doute aussi le fait qu’on présente sur scène des raccourcis de nos destins et qu’il est donc inévitable d’aborder la question de la mort… Mais que la mort prenne si souvent sur scène la forme du suicide ? Peut-être une question de maîtrise de soi, donc aussi de sa fin...