La littérature sous caféine


lundi 23 janvier 2017

La tension raciale chez Camus (Kamel Daoud, "Meursault contre-enquête")

Je me suis toujours dit qu’il existait un point aveugle dans l’œuvre d’Albert Camus, une œuvre que je trouve par ailleurs magnifique : ce qu’on pourrait appeler la tension raciale dans l’Algérie coloniale. Une tension raciale que Camus décrit parfois mais sans qu’elle paraisse ne le concerner vraiment, ou alors de manière inconsciente. C’est évidemment spectaculaire dans L’Etranger. Le crime central dans ce roman y est souvent décrit comme provoqué par le sentiment d’absurde – le narrateur lui-même se complait dans cette explication-là – mais personne ne semble remarquer, l’auteur en premier, que le crime pourrait être justifié par quelque chose de beaucoup moins avouable, à savoir la haine que pouvait éprouver le Français d’Algérie pour ces Arabes anonymes qu’il percevait, partout dans l’espace public, comme menaçants.

« Le premier homme » évoquera, plus tard, de manière plus explicite, cette tension-là, mais sans s’y attarder. Et la fameuse chanson de Cure inspirée par le roman, « Killing an Arab », aura toujours suscité le malaise en révélant, de manière assez maladroite, le sens caché qu’il est permis de voir assez spontanément dans l’intrigue de Camus.

Quoi qu’il en soit, je me suis toujours étonné qu’on ne s’interroge pas davantage sur cette dimension de l’œuvre et je n’ai donc pas été surpris qu’un romancier, Kamel Daoud, prête la parole précisément au personnage tué par Meursault, cet Arabe sans nom, vite tué, vite enterré, oublié derrière les considérations métaphysico-poétiques du narrateur. Pour être plus précis, c’est au frère de ce personnage qu’il donne vie, un frère dont le seul but sera de rendre à la victime anonyme sa dignité. Je n’ai pas été surpris non plus par le succès de ce « Meursault, contre-enquête » (Actes Sud, 2014), un peu comme s’il venait combler un manque que tout le monde avait à l’esprit sans trop oser le dire.

L’exercice littéraire est réussi, court mais intense, marqué par une singulière mélancolie. Les colons en prennent pour leur grade mais aussi l’Algérie contemporaine, dont l’auteur souligne les beautés comme les manquements – surtout les manquements, d’ailleurs. Au point que l’on retrouve paradoxalement un même sentiment d’absurde, même s’il ne se pare plus des beaux atours de la philosophie.

Dans l’une des pages les plus belles, et pas la moins audacieuse, le narrateur – frère, donc, de l’Arabe tué par Meursault – décrit par exemple en termes caustiques les vendredis de prière :

« Nous sommes vendredi. C’est la journée la plus proche de la mort dans mon calendrier. Les gens se travestissent, cèdent au ridicule de l’accoutrement, déambulent dans les rues encore en pyjama ou presque alors qu’il est midi, traînent en pantoufles comme s’ils étaient dispensés, ce jour-là, des exigences de la civilité. La foi, chez nous, flatte d’intimes paresses, autorise un spectaculaire laisser-aller chaque vendredi, comme si les hommes allaient vers Dieu tout chiffonnés, tout négligés. As-tu constaté comme les gens s’habillent de plus en plus mal ? » (Edition Babel, page 78)

lundi 16 janvier 2017

L'angoisse du vingtième siècle

Cette année je dois conduire beaucoup et j’en profite pour m’offrir de grandes rasades musicales… Je découvre ainsi une partie de la création contemporaine et je suis surpris par l’atmosphère générale qui s’en dégage : un véritable climat d’angoisse. Se rendent-ils compte, tous ces compositeurs talentueux, qu’ils reproduisent certains des codes des musiques de film d’horreur ?

mardi 10 janvier 2017

Le dernier exploit de Michel Déon

J’ai rencontré Michel Déon lors de la sortie d’Autoportrait du professeur chez Gallimard en 2010. Nous signions dans la même salle notre service de presse et après quelques paroles aimables je lui ai offert le livre. Quelques jours plus tard, il m’écrivait un petit mot dans lequel il s’effrayait de mon constat sur l’éducation nationale et me suggérait des solutions politiques à peine avouables ici. A plusieurs reprises, je l’ai croisé par la suite dans les environs de chez Gallimard ou à diverses séances de dédicace. Toujours affable, d’une exquise politesse assez rieuse, il détonnait par son grand âge dans des cénacles où l’on finissait toujours par louer sa jeunesse d’esprit.

J’avoue l’avoir découvert à ce moment-là, et je préfère d’ailleurs ses derniers livres (Cavalier, passe ton chemin), que je trouve plus denses, plus ciselés, à ceux qui ont fait son succès (comme Un Taxi mauve), dont le romanesque assez délié a tendance à m’ennuyer. Quoi qu’il en soit, je n’ai pas été étonné qu’il reçoive tant d’éloges après sa mort. Il est finalement assez rare que des écrivains qui ont eu leur heure de gloire, et qui incarnent un moment dans l’histoire littéraire française, restent aussi sympathiques. Que Pierre Bergé, qui devait avoir en horreur ses idées politiques, et qui n’a pas pour habitude de serrer la main de ses ennemis, se fende d’un message admiratif, cela n’est d’ailleurs pas banal !

lundi 2 janvier 2017

Mauriac très sage dans un siècle furieux

Le charme de François Mauriac tient autant à sa prose élégante et à sa peinture de la bourgeoisie bordelaise qu’à son curieux entêtement à écrire de jolis romans très classiques, et cela au cœur de ce 20ème siècle qui se sera tant amusé à déconstruire les intrigues, à pilonner les personnages, à rendre impossible tout discours. Propos limpides, ligne claire… Quelque chose de délicieusement daté dès la publication !

« Tant que nos trois petits demeurèrent dans les limbes de la première enfance, notre intimité resta donc voilée : l’atmosphère chez nous était pesante. Ton indifférence à mon égard, ton détachement de tout ce qui me concernait t’empêchaient d’en souffrir et même de le sentir. Je n’étais d’ailleurs jamais là. » (Le nœud de vipères, 1933, Chapitre VII)

lundi 12 décembre 2016

Faulkner : cousu, décousu

Il y a vraiment deux tropismes dans l'oeuvre de Faulkner: une tendance à brouiller les cartes, les chronologies, les noms, les références, cette sorte de démembrement du style faisant à la fois sa rudesse et sa beauté ; et un goût plus classique pour la narration, proposant volontiers de longs morceaux de pure tension romanesque. Dans certains romans, l'une des tendances prend le pas sur l'autre ("Le bruit et la fureur" privilégie la confusion mentale, "Lumière d'août" prend des allures épiques). Mais, à l'échelle de l'oeuvre, les deux paraissent s'équilibrer. N'est-ce pas cet alliage singulier qui a fait son succès ?

lundi 5 décembre 2016

La maturité

Signes imparables de maturité:

- J'écoute au moins autant d'opéra que de hip-hop.
- Je lis très attentivement des classiques qui datent de plusieurs siècles, voire de plusieurs millénaires.
- J'accompagne mes repas de champagnes millésimés.
- Je m'intéresse aux plantes et aux oiseaux.

mercredi 30 novembre 2016

Les livres sur la drogue sont-ils bons ?

"Nous allons aujourd'hui étudier des extraits d'un livre qui parle de drogue, de sexe et de désespoir. Et c'est un chef-d'oeuvre !"

Un étudiant, à la fois très sincère et très étonné:

"Mais, Monsieur, comment peut-on parler de chef-d'oeuvre puisqu'il s'agit de drogue ?"

mardi 29 novembre 2016

"Pourquoi tout le monde parle des petits Blancs" (Thomas Mahler, Le point, 17.11.16)

« L'Amérique les nomme hillbillies, rednecks ou white trash. Moi, je les appelle voisins, amis et famille. » Phénomène éditorial de ces derniers mois aux États-Unis, l'émouvant Hillbilly Elegy raconte l'enfance de J. D. Vance chez les « péquenots blancs » du Kentucky et de l'Ohio. Après être passé par les marines, l'auteur, aujourd'hui âgé de 31 ans, a intégré la prestigieuse université de Yale et est devenu investisseur dans la Silicon Valley. Mais, à l'image d'un Édouard Louis, ce transfuge de classe se souvient des siens et de son enfance chaotique dans une autobiographie qui est avant tout le portrait d'un « groupe en crise ». Avec empathie mais sans complaisance, J. D. Vance décrit la crise des valeurs, les addictions (alcool et drogues), la peur du déclin, le fatalisme social et la méfiance absolue envers les élites qui font de cette classe la plus pessimiste, de loin, aux États-Unis. « Bien plus de la moitié des Noirs, Latinos et Blancs ayant fait des études s'attendent à ce que leurs enfants réussissent mieux qu'eux. Mais parmi les classes populaires blanches, seuls 44 % partagent cet espoir. Encore plus surprenant, 42 % de ces Blancs pensent que leur vie est moins prospère que celles de leurs parents », écrit-il.

C'est cette Amérique, et notamment celle de la Rust Belt (une partie du nord-est des Etats-Unis) abritant les « reliques de la gloire industrielle américaine », qui aurait propulsé Trump à la Maison-Blanche, enterrant l'Amérique post-raciale de Barack Obama. Un véritable « whitelash » ou « retour de bâton blanc », selon l'expression d'un chroniqueur de CNN devenue virale. Dès le lendemain de l'élection, Hillbilly Elegy s'est à nouveau hissé en tête des ventes sur Amazon, confirmant la critique prophétique de The Economist : « Vous ne lirez pas un livre plus important cette année sur l'Amérique. » « Trump a bien cerné cet électorat, en tapant à la fois sur la classe politique et en proposant un refuge identitaire face à l'immigration », décrypte Corentin Sellin, agrégé d'histoire et auteur d'une analyse clairvoyante pour l'Ifri (Institut français des relations internationales) sur le vote de la classe ouvrière blanche. « Et en plus, Trump s'est affranchi du politiquement correct et des règles de bienséance que cette working class juge imposés par les élites. »

L'américaniste Sylvie Laurent a consacré un livre, Poor White Trash, à l'archétype de la « raclure blanche » qui traverse la littérature (William Faulkner, Harper Lee), le cinéma (John Boorman) ou la musique (Eminem) US. Elle se méfie des discours hâtifs qui veulent que les petits Blancs aient couronné Trump. « La figure du petit Blanc est un mythe, ça ne correspond pas à une réalité sociologique. Les salaires les plus faibles aux États-Unis ont majoritairement voté pour Clinton. Les supporteurs de Trump, ce sont les classes moyennes blanches qui stagnent et ont peur de la relégation. Ceux-là s'identifient à cette figure du petit Blanc, dans le sens où ils appartiennent à une culture dominante qui a l'impression qu'elle va perdre son statut de norme. » « Le groupe social-racial qui pense qu'il ne pourra plus vivre le rêve américain, c'est la classe populaire blanche, ce ne sont pas les plus pauvres qui sont afro-américains », confirme Corentin Sellin. « Ils ont une lecture mythifiée du passé et déformée du présent. Aujourd'hui, il y a certes une vraie Amérique très pauvre, white trash, comme chez les Blancs ruraux de la région minière des Appalaches. Là-bas, Trump y a fait des scores de dictateurs à plus de 80 % des voix. Sauf que ce sont des régions extrêmement peu peuplées. Ce n'est pas cette Amérique miséreuse qui a été la clé des élections, mais la classe moyenne blanche, où le discours de Trump a trouvé un écho important. Il a réussi à séduire sur une peur. Ce n'est pas forcément un déclassement vécu, mais craint pour les générations futures ».

Sous-entendus racistes

Si les États-Unis, nation d'immigration, se sont fondés sur les statistiques ethniques, le sujet a longtemps été un tabou dans une France se fantasmant en République indivisible. En 2013, c'est non sans hésitation que l'écrivain Aymeric Patricot publiait le précurseur Les Petits Blancs. Un voyage dans la France d'en bas (Plein Jour), où il partait à la rencontre de l'ouvrier d'Hénin-Beaumont, du paysan normand se sentant comme un « bouseux » quand il est de passage en ville ou des « visages pâles » en banlieue. Un livre sensible, sans caricatures, traversé par cette question : une conscience raciale se substituerait-elle à la conscience de classe ? Aymeric Patricot, de tendance sociale-démocrate, se souvient aujourd'hui de la gêne de certains médias. « Un mois après la publication, j'ai eu un entretien de deux heures avec Le Monde. La journaliste m'a dit : « Vous avez osé franchir le Rubicon. » Mais deux jours après, elle m'a rappelé pour me prévenir que la direction ne souhaitait pas en parler… À l'extrême gauche, tout est résumé par la question sociale. À l'extrême droite, tout est culturel et ethnique. Les partis modérés devraient aborder les deux questions. »

Pourquoi ce terme de « petits Blancs » ? « Hillbillies et rednecks peuvent se traduire par bouseux ou péquenots. Mais white trash n'a pas d'équivalent chez nous. Le meilleur, je pense, c'est petits Blancs, qui est plus doux. Ce qui m'a convaincu, c'est qu'il est largement utilisé en banlieue. » Prof en région parisienne pendant dix ans, Aymeric Patricot raconte avoir lui-même pris conscience de sa couleur de peau en salle de classe. « Pour paraphraser Beauvoir, on ne naît pas blanc, on le devient. Quand les Blancs représentent 95 % dans un pays, on ne se pose pas la question. Mais, en banlieue, quand vous avez seulement trois élèves blancs, on ne parle que de ça. Ce n'était d'ailleurs pas agressif, ça permettait au contraire d'apaiser les tensions. »

Depuis l'enquête d'Aymeric Patricot, l'expression a fait florès. Dans La France périphérique (Flammarion), le géographe Christophe Guilluy explique que « désormais, les politiques peuvent aussi prendre en compte une communauté qui n'existe pas, celle des petits Blancs. Officiellement, cet ensemble n'existe pas, puisque les Blancs ne sont pas une catégorie, mais les politiques sont conscients du poids électoral potentiellement majoritaire de ces catégories populaires d'origine française ou d'immigration ancienne. » Patrick Buisson ne l'a pas attendu. Dans La Cause du peuple (Perrin), il décrit comment en 2007 il a abreuvé le candidat Sarkozy d'études pour lui faire entendre « la voix du white trash » : « Ouvriers menacés par le déménagement de leur usine, techniciens déclassés, artisans et agriculteurs au bord de la faillite ou du suicide, mères célibataires surendettées, petits employés et néoprolétaires du tertiaire, précaires et temps partiels, il y avait là un éventail à peu près complet des gueules cassées de la mondialisation, dont les fameux petits Blancs et autres souchiens suivant la taxinomie établie par les médias. »

Aux États-Unis, l'électorat populaire blanc, traditionnellement démocrate, a commencé à émigrer vers les républicains à partir de la fin des années 1960, à la suite des luttes pour les droits civiques. « Nixon met en place la stratégie sudiste en envoyant des messages codés sur le fait qu'on va faire une politique économique et culturelle pour eux », rappelle Sylvie Laurent. « Il y a ainsi eu des sous-entendus racistes avec la critique des politiques de redistribution ou en répandant l'idée que les travailleurs blancs, eux, ne demandent pas d'assistance sociale. On ne le dit pas clairement, mais tout le monde comprend le message. » Longtemps, sur le plan de l'économie, il y a eu une convergence entre l'élite républicaine et la classe populaire blanche autour du libéralisme et du « moins d'impôts ». « Tant que l'Amérique était dominante, la classe populaire blanche était favorable au libre-échange, car il y avait l'idée qu'elle en sortirait gagnante. Mais, désormais, elle pense qu'en bas l'ouvrier mexicain lui pique les emplois et qu'en haut la multinationale chinoise est responsable des délocalisations. » Contrairement au millionnaire Mitt Romney qui avait un programme libéral classique, le milliardaire Trump a ainsi habilement surfé sur le protectionnisme.

« Ce qu'elle leur reprochait, c'est d'être laids »

En France, le divorce entre la gauche et ces « petits Blancs » daterait des années 1980. « Le petit peuple avait voté pour Mitterrand. Trente ans après, la séparation avec le PS est totale. La gauche s'est choisi un nouveau héros, l'immigré, elle s'est embourgeoisée culturellement et le coup de grâce a été porté en 2011 avec la fameuse note de Terra Nova estimant que le PS doit se baser sur une « France de demain, plus jeune, plus diverse, plus féminisée » », assure Aymeric Patricot. Conséquence : « Les petits Blancs sont trop blancs pour la gauche et trop pauvres pour la droite. » Les « sans-dents » de François Hollande n'ont pas arrangé les choses. « C'est un cliché sur les dents des pauvres Blancs. Il ne se rend même pas compte de son mépris social », estime Patricot. Mais le PS n'a pas le monopole des préjugés. Un Patrick Buisson vengeur raconte ainsi comment la première dame Carla Bruni était obsédée par les « ploucs » et « péquenots » : « Il s'agissait d'une appellation générique qui, dans son esprit, recouvrait différentes populations, dont le dénominateur commun était de partager des goûts pathétiques, des mœurs archaïques, ainsi qu'un regrettable attachement à leurs racines. À l'intersection des inquiétants « petits Blancs » et des caricatures sorties de l'imaginaire bienveillant de la gauche, les « ploucs » ne pouvaient cependant être rangés dans la sous-catégorie définie par Philippe Muray sous le terme de « ploucs émissaires ». Car la ploucophobie de Mme Bruni n'était en rien vindicative. N'ayant pas eu à se déprendre du messianisme prolétarien, elle ne partageait pas cette détestation libératrice du peuple-classe comme du peuple-nation, ce racisme anti-pauvres si répandu parmi les élites progressistes. Elle était simplement navrée que tant de Français fussent restés tributaires de l'instinctuel, du pulsionnel, du tribal. Elle ne leur en voulait même pas d'être les surgeons d'une longue histoire un peu trop chrétienne, un peu trop patriotique à son goût. Non, ce qu'elle leur reprochait, c'était d'être laids. »

Après la victoire Trump, les appels du pied envers ces « petits Blancs » qui n'ont aucune existence officielle dans les sondages devraient se multiplier. Marine Le Pen a été la première à saluer sa victoire sur Twitter, Nicolas Sarkozy se dit fier d'un électorat qualifié de « plouc » et le pourtant rocardien Manuel Valls s'est soudain souvenu qu'il « y a encore une majorité d'ouvriers et d'employés en France », expliquant qu'« il n'y a pas de mondialisation heureuse ou naïve »… Reste cette question essentielle : en ethnicisant le peuple, ne met-on pas encore plus en berne l'idéal républicain ? Pour Aymeric Patricot, le communautarisme est une réalité inévitable dans une société métissée : « Les universalistes nient ça. Mais plus les pays sont divers, plus les questions des races et communautés se posent. En Afrique du Sud, au Brésil ou aux États-Unis, c'est obsessionnel. Peut-être que, dans cent ans, on aura dépassé ça. Mais, en France, on découvre ça. C'est naïf ou hypocrite de penser que les gens ne vont pas se reconnaître en communautés. On ne peut pas à la fois vouloir la diversité et refuser d'en parler. Il faut nommer les choses sans agressivité et de manière apaisée. » Et comment s'adresser à ces petits Blancs sans verser dans le populisme nauséabond et jouer sur la concurrence communautariste ? Consulté tel un oracle par les médias américains désemparés de se découvrir si coupés d'une Amérique rurale, J. D. Vance avance plusieurs pistes. Il préconise une hausse des salaires comme l'incitation à la mobilité des travailleurs. Mais l'effort devra avant tout être culturel et pédagogique envers une population « socialement plus isolée que jamais ». Il faudrait, selon lui, la responsabiliser en ne la confortant pas dans l'idée fataliste que tout est de la faute « des politiques ou de multinationales sans visages ». De ce point de vue, Clinton et Trump ont été, aux deux extrémités, les pires des exemples. La première a affiché son mépris en qualifiant la moitié des partisans de son adversaire de « ramassis de gens pitoyables ». L'autre a, selon J. D. Vance, vu « ce qu'il y a de pire dans l'humain et a encouragé le pire chez les gens. » Aux politiques français de trouver le juste milieu...