La littérature sous caféine


lundi 20 novembre 2023

20 choses vues à Ibiza

Au club Ushuaïa, David Guetta est attendu comme le messie - je me demande s'il n'est pas le Français le plus connu au monde, même si peu doivent savoir qu'il est français / De véritables soirées privées s'organisent sur les terrasses, autour des piscines : des trentenaires bodybuildés, tatoués, torses nus, exhibant des bouteilles de Moët Luminous, invitent de jeunes femmes à les rejoindre ; ils ont pourtant déjà à leurs bras de belles femmes bronzées aux jambes interminables / La terrasse suivante, ce sont des artistes espagnols gays qui invitent des couples pour des photos de groupes ; l'un d'entre eux qui s'était tordu sur le sol en pauses lascives fait un malaise ; les vigiles l'évacuent en chaise roulante / En soirée, Espagnoles et Anglaises portent souvent d'invraisemblables robes filets sur des strings et des poitrines presque dénudées, et cela sans complexe / Les Français sont moins musclés et tatoués que la moyenne, les Françaises plus discrètes et moins vulgaires / Les jeunes Russes portent des barbes improbables et des polos cheap, mais ils sont grands et forts / Les seuls touristes à arborer des chapeaux de cow-boys sont des Allemands / On trouve en centre-ville des distributeur de sex toys et de cbd / A l’Ushuaïa le champagne est du Moët, au Pacha du Perrier-Jouët / Au Pacha, la tech house est démocratique ; la foule se presse, compacte, en piétinant sur place et en fixant le dj rayonnant des stroboscopes / Comme partout dans le monde, la proportion de Français augmente significativement dans les musées, les cathédrales, les vieilles villes... / Au milieu des chapelets et des images pieuses, on trouve des amulettes puniques / Quand je porte un chapelet en collier, le pauvre Christ se perd dans mes poils / L'accueil est généralement sympathique / Les cartes de tapas proposent des plats italiens et des clins d'œil à la cuisine française, notamment le camembert / Aux Deux Alpes il y avait beaucoup de gros chiens ; ici, beaucoup de petits / Les bougainvilliers, les acacias, les hibiscus ponctuent agréablement la ville / Le tourisme est international mais essentiellement occidental / Je ne sais quoi penser des combinaisons d'été pour hommes, cèderai-je à la mode l'année prochaine ? / La ville se partage en trois zones : la vieille ville, superbe ; les complexes touristiques, massifs et parfois réussis ; les quartiers modernes proprement espagnols, assez médiocres mais bien entretenus / Sur les plages on voit beaucoup de strings, de seins nus (cela se pratique-t-il encore en France ?), de corps tatoués et musclés / Chez les hommes, le mini slip est à la mode / A Turin je me croyais en Autriche, à Ibiza j’imagine à la fois en Grèce et à Miami / Sur le chemin du Pacha des Néerlandaises sniffent du poppers / Cela faisait longtemps que je n'avais pas pris une cuite en pleine soleil, à midi, sur un bateau plein de grosses Anglaises en bikini.

dimanche 29 octobre 2023

20 choses vues aux Deux Alpes

Puisque les gens viennent ici faire du vélo de descente, la culture se fait discrète : deux marchands de journaux faiblement achalandés, pas de concert ou de musée sinon sur la flore ou l’artisanat / Curieux contraste entre une population de grands sportifs et une nourriture grasse – raclettes, fondues, charcuterie… / Beaucoup de jeunes femmes ont des boucles dans le nez… Clin d’œil à la gent bovine ? / La station s’étend, grignote les flancs des proches collines, part à l’assaut des sommets. Cet appel vers l’or blanc réveille ma conscience écologique. / De même, la ruée vers les lacs de montagne effarouche les marmottes. Il faut sans doute venir très tôt pour les apercevoir / De temps en temps, malgré tout, on entend leur unique note, au timbre mêlé de rapace et de canard, criée d’un bord à l’autre des vallées / Le vélo de descente, c’est comme du Mario Kart mais on a vraiment peur dans les virages et on a vraiment mal quand on chute / L’intérêt, c’est qu’on aperçoit des marmottes du haut des télésièges / La population de la station mêle familles de sportifs, groupes d’adolescents, barmen anglais, Italiens en goguette, familles de Juifs orthodoxes – je ne m’attendais pas à retrouver, à 2000 mètres d’altitude, un échantillon si clairement dessiné de notre société multiculturelle / Frison-Roche, dont les romans hantent les vieilles bibliothèques, est en bonne place chez le buraliste – je le pensais disparu / Le chardon bleu se fait surnommer « la reine des Alpes » / Le nombre de chiens est anormalement élevé / On boit surtout de la bière aromatisée – beurk – et du Génépi – ça passe bien / Les villages pittoresques ont de beaux murs de lauzes mais, sur les toits, le zinc remplace l’ardoise / Autour de Besse, les versants sont parsemés de chapelles et d’oratoires témoignant de la présence assez récente d’un christianisme naïf, sans doute perçu comme nécessaire en ces terres isolées / Peu d’oiseaux, sinon les rapaces haut dans le ciel et quelques rouge-queue peu farouches / Sur les fleurs cohabitent étrangement bourdons et papillons / Les pentes escarpées, peu susceptibles d’être aménagées par l’homme, sont striées d’alignements de sapins, en sillons parallèles, on dirait la montagne aménagée par Lego / Comme toujours quand je voyage en France, je pars avec un nombre important de magazines dont j’espère me délester mais je reviens encore plus chargé.

lundi 25 septembre 2023

16 choses vues à Turin

Malgré la chaleur, on croise beaucoup d'hommes en pantalons et chemises sous la ceinture / Chez les hommes distingués, la mode est aux mocassins et aux chaussures bateau, parfois avec des chaussettes montantes multicolores / La polémique sur la climatisation dans les magasins n'a pas encore éclaté de ce côté des Alpes : toutes les boutiques laissent gracieusement leurs portes ouvertes / Le point fort des villes italiennes ce sont vraiment les cafés, chics, accueillants, délicieux... On ne regrette pas les steaks frites parisiens servis sans grâce dans des brasseries vieillies / On dit Turin dangereuse, or je découvre un centre historique impeccable, sans déchets, sans façade pelée, joli jusque dans ses poubelles, calme et distingué ; j'imagine que ça se gâte en périphérie mais les apparences sont sauves pour le touriste / Ce vaste centre ressemble fort à l'Autriche, à moins que ce ne soit l'inverse / Beaucoup de restaurants se sont aménagé des terrasses sur les trottoirs, sans doute depuis le Covid, mais ce sont des terrasses élégantes de tables avec nappes, bordées de barrières peintes en noir / Le Spritz reste l'apéritif à la mode, il fleurit sur les terrasses en fin d'après-midi ; le Negroni se boit aussi beaucoup / La présence française est plus discrète qu’en Allemagne ou dans les pays de l’est, sans doute parce que l’Italie a sa propre industrie du luxe ; on trouve malgré tout du champagne dans les vitrines, des croissants dans les cafés, des Renault dans la rue, quelques films français à l’affiche, le mot bistrot sur quelques devantures, un petit nombre de bd franco-belges coincées entre les comics et les mangas / Leurs cafés allongés sont nos cafés serrés ; je peine à imaginer un Turinois boire un café de 50 cl chez Starbucks. D’ailleurs, on ne trouve pas de Starbucks / Très en vogue sur les terrasses, l’aperitivo est autrement plus généreux et savoureux que nos planches charcuterie-fromage, et servi avec un cocktail / On croise souvent des jeunes femmes radieuses, une couronne de lauriers et de fleurs sur la tête – elles fêtent l’obtention d’un diplôme / Je n’ai pas vu de lunettes tapageuses, comme d’habitude en Italie. La mode se perd-elle ? Ou bien les Turinois résistent-ils ? / Les cafés sont servis avec de petits verres d’eau pétillante / Les pays limitrophes s’inspirent tellement du baroque italien qu’on a le sentiment, quand on entre dans une chapelle à Turin, de se trouver au cœur de la matrice / Quand on passe en Suisse, la qualité de la nourriture s’effondre mais le volume de café augmente.

mardi 16 novembre 2021

30 choses vues à Prague (5/5)

De même que les rues sont propres, je remarque l’absence de portique de sécurité dans le métro, bon signe extérieur de civisme (ou de situation sociale relativement apaisée), comme au Japon / Je ne suis pas connaisseur en la matière, mais le pays semble avoir développé un art du cristal et de la porcelaine de grande valeur – j’y penserai pour des achats si je reviens là, et avec de l’argent à perdre / Vaclav Havel est très présent dans l’espace public, et jusque dans les restaurants où son portrait ponctue souvent la décoration – je souffre de n’avoir jamais connu en France de figure politique qui semble emporter une telle adhésion / Le Musée national trône sur l’un des sommets de la ville, impérial, et propose une série d’expositions célébrant les exploits politiques, culturels et sportifs du pays / La Tchéquie me semble avoir poussé très loin le raffinement culturel, davantage que l’Allemagne si l’on s’en tient à quelques signes immédiatement visibles, et je comprends le surnom de « Rome du Nord » que s’attire la capitale / Comme chaque fois que j’y suis confronté, le déferlement de beauté m’émeut, m’emporte et menace de me terrasser.

lundi 15 novembre 2021

30 choses vues à Prague (4/5)

Je m’attendais à ce qu’une ville présentée comme un joyau du Moyen-âge et de nombreuses splendeurs du passé soit assez décrépite, en tout cas relativement sombre et secrète. Or, impression d’un pays riche qui sache parfaitement entretenir une vitrine prestigieuse – à côté, Paris semble bel et bien menacée par de nouvelles formes de misères / Sans avoir le chic scandinave – ni celui, plus irrégulier, de certains quartiers parisiens ou londoniens – les Praguois s’habillent plutôt avec goût et distinction – Vaclav Havel incarne d’ailleurs très bien cette distinction, avec sa fine moustache, sa mèche et son sourire triste / La nourriture ressemble à s’y méprendre à l’allemande, rustique et peu variée – ragoûts, saucisses, purées… La Tchéquie fait manifestement partie de ces pays (Allemagne, Angleterre…) dont la culture n’a pas investi la gastronomie / Le restaurant de bonne cuisine française propose une bouillabaisse, des tripes à la mode de Caen et un bœuf bourguignon / La seconde langue pratiquée par la population semble être l’allemand, au détriment de l’anglais. Dans la rue, dans les prospectus, le français est quasiment inexistant – sauf sur les enseignes qui veulent faire chic et pour certains termes de gastronomie / Les rues sont propres, les façades entretenues, les tags (presque) inexistants, les couloirs du métro proposent des toilettes publiques de qualité.

mercredi 10 novembre 2021

30 choses vues à Prague (3/5)

De nouveaux quartiers se construisent en périphérie, modernes et soignés, du même genre que partout ailleurs dans le monde / Je lirai différemment Kafka maintenant que je connais le château, pas du tout effrayant mais vaste et dominant la ville / Les façades sont souvent à l’image des vastes boulevards – hautes, larges, puissantes, on devine de grands intérieurs au charme sévère / On croise de monumentales statues du début du 20ème célébrant le travail, la procréation, la maternité – étonnante préfiguration de l’art soviétique, et éloge pompier du travail qui me semble avoir disparu des sociétés occidentales / Succès surprenant de la chaîne Paul, proposant un fast-food à la française, peu chère et de relative qualité (on y sert de la ratatouille et de la soupe à l’oignon, sur fond de standards de la chanson française) – c’est d’ailleurs ce qui manque à la gastronomie française, une véritable cuisine de rue, conviviale, un peu plus étoffée que le pauvre jambon-beurre / Dans les galeries 19ème des musées, l’art français domine – il a tendance à passer au deuxième plan ensuite

mardi 9 novembre 2021

30 choses vues à Prague (2/5)

La France est présente par son industrie du luxe, ses peintres, son vocabulaire chic sur les enseignes, sa boulangerie (les fast-food raffolent des baguettes) et, dans une moindre mesure, par sa gastronomie ; l’Allemagne par ses voitures ; le monde anglo-saxon par ses fast-food, sa musique et son cinéma ; l’Italie par sa cuisine, ses compositeurs et son architecture ; la Scandinavie par son design ; la Russie par son folklore / La musique classique est vraiment présentée comme une part importante, et vivante encore, du patrimoine national / En termes de cafés, on trouve soit de petits établissements chics, confortables et branchés, soit de belles et anciennes brasseries, aux boiseries sombres mais chaleureuses / Prague est le lieu d’un certain métissage intra-européen, mais très peu extra-européen (on y croise par exemple les types slave, germain, scandinave, parfois italien, plus rarement turc) / La ville a un côté « best-of de l’architecture européenne » presque drôle / Dans les vitrines, le christianisme est assez présent sous forme de figurines pour les touristes (l’enfant Jésus de Prague) ou de bondieuseries, même si l’on sent le phénomène en régression.

lundi 8 novembre 2021

30 choses vues à Prague (1/5)

L’arrivée se fait par un aéroport propret, un métro flambant neuf et un bus paisible – une atmosphère de province assez riche / Hormis dans la vieille ville, Prague s’étend par de larges et paisibles boulevards, aérés, souvent en damiers, comme la plupart des villes du nord et de l’est de l’Europe – j’ai du mal à faire la part du climat, de la culture et de l’histoire dans ce schéma général / Beaucoup d’hôtels ont le charme solennel et dépouillé des grands palais impersonnels des régimes soviétiques / Les antiquaires sont nombreux, on sent le goût pour les meubles classiques et cossus / On aperçoit Napoléon dans des médaillons, des cadres et des chromos / En vitrine des librairies, beaucoup d’auteurs aiment fumer la pipe.