Quelques aperçus de ma virée à la Nouvelle-Orléans. Rencontre avec le libraire Russell Desmond (Livres d'Arcadie), lecture d'extraits de l'Abbé Prévost, Chateaubriand, Baudrillard, Lovecraft, réflexions sur la culture créole ou l'architecture, blues, rock, jazz, musique cajun...
Les Américains sont meilleurs que nous pour l’accueil, la propreté, le sens du spectacle, le volume des voitures, la taille des maisons, la force des voix, la musique populaire, les rapports de force, la danse, l’expressivité, l’enthousiasme, la passion pour l’argent, la performance, le talent pour monétiser les rapports sociaux (ça se voit à la prolifération des publicités pour les cabinets d’avocats et les bureaux de défense des consommateurs).
Ils sont moins bons que nous pour la cuisine, les trottoirs, l’enfouissement des réseaux électriques, les transports publics, l’écologie (utilisation excessive des sacs plastiques, de l’éclairage, des grosses cylindrées), le bon goût.
Cette chauffeure ne mâche pas ses mots. "New Orleans ? La pire erreur de ma vie. Je suis arrivée ici il y a deux ans et je fais tout pour repartir. On m'avait promis un bon job, j'ai acheté une maison et je me suis fait renvoyer. Depuis, je fais des courses Uber pour payer les factures. J'ai hâte d'avoir assez d'argent pour éponger mes dettes et foutre le camp d'ici. C'est une ville dangereuse. J'ai vu plusieurs cadavres. La dernière fois, il y eu des coups de feu, les gens fuyaient. Est-ce qu'on apprend de ses échecs ? Je ne sais pas. En tout cas, je ne referai pas la même erreur. En attendant j'essaye d'apporter un peu de bonheur aux gens en décorant cette voiture. Servez-vous, il y a des bonbons dans la bannette."
A New-Orleans les gens viennent pour des orgies de musique mais on peut se gaver de façades. Maisons creoles, cottages de style ante bellum, manoirs Greek Revival, bâtisses d'inspiration espagnole, mobile homes colorés... Il y en a pour tous les goûts, toutes les atmosphères... Sans parler des bicoques délabrées, mais celles-ci on les trouve partout en Amérique.
Tennessee Williams considérait qu'il n'y avait que trois villes aux USA, trois villes intéressantes : San Francisco, New-York et New-Orleans. Je suppose qu'il le disait pour le mélange des populations, pour la richesse culturelle, mais aussi pour la liberté. Car il régnait dans la société créole, de langue française et catholique, une liberté de moeurs qui n'existait pas dans l'Amérique puritaine. En dépit des conflits, Blancs, métisses et gens de couleur libres se fréquentaient dans la Nouvelle-Orléans française des 18e et 19e siècles. Le parfum bohème vient de là. Le Faubourg Marigny (photo) était un quartier de maisons construites par des esclaves affranchis. Aujourd'hui, on le qualifierait en France de bobo.
A la Nouvelle-Orléans je mange des petits déjeuners créoles, des saucisses d'alligator, du boudin, des oeufs brouillés, des scones, des beignets, de la purée de maïs, des crevettes épicées, des Po-boys, des gumbos, des jumbalayas, des cacahuètes au chocolat, des bretzels à la crème, du poulet frit, des crevettes frites, des écrevisses à l'étouffée, de l'andouille, du bacon, des burgers cajuns, des pralines. Je bois des litres de café, d'IPA, de Sazerac, de Daiquiri, respirant les vapeurs de marijuana dans les environs de Bourbon Street. Heureusement, les transports publics sont rares et je marche beaucoup.
De visite à l'Alliance française de la Nouvelle-Orléans pour une conversation créole, j'ai le plaisir d'échanger avec Lawson Ota, ardent défenseur des "créoles et français de Louisiane". La langue cajun a disparu de la Nouvelle-Orléans. La vie citadine accélère l'américanisation ; Créole et français manquent de structures, comme il en existe par exemple en France pour le breton. Lawson déplore par ailleurs la tendance à réduire le français de Louisiane au cajun. En effet, d'autres que les Acadiens parlaient français. Les "Américains" ont plus ou moins consciemment divisé le monde créole entre Blancs et non Blancs; dans ce qui est devenu le "French quarter", toutes les populations se mêlaient pourtant. Cette façon d'opposer et de séparer les populations par zones fragilise le monde créole. L'un des nombreux paradoxes d'un pays qui se veut défenseur des minorités...
Par admin,
lundi 20 novembre 2023 à 16:29 ::Voyages
Au club Ushuaïa, David Guetta est attendu comme le messie - je me demande s'il n'est pas le Français le plus connu au monde, même si peu doivent savoir qu'il est français / De véritables soirées privées s'organisent sur les terrasses, autour des piscines : des trentenaires bodybuildés, tatoués, torses nus, exhibant des bouteilles de Moët Luminous, invitent de jeunes femmes à les rejoindre ; ils ont pourtant déjà à leurs bras de belles femmes bronzées aux jambes interminables / La terrasse suivante, ce sont des artistes espagnols gays qui invitent des couples pour des photos de groupes ; l'un d'entre eux qui s'était tordu sur le sol en pauses lascives fait un malaise ; les vigiles l'évacuent en chaise roulante / En soirée, Espagnoles et Anglaises portent souvent d'invraisemblables robes filets sur des strings et des poitrines presque dénudées, et cela sans complexe / Les Français sont moins musclés et tatoués que la moyenne, les Françaises plus discrètes et moins vulgaires / Les jeunes Russes portent des barbes improbables et des polos cheap, mais ils sont grands et forts / Les seuls touristes à arborer des chapeaux de cow-boys sont des Allemands / On trouve en centre-ville des distributeur de sex toys et de cbd / A l’Ushuaïa le champagne est du Moët, au Pacha du Perrier-Jouët / Au Pacha, la tech house est démocratique ; la foule se presse, compacte, en piétinant sur place et en fixant le dj rayonnant des stroboscopes / Comme partout dans le monde, la proportion de Français augmente significativement dans les musées, les cathédrales, les vieilles villes... / Au milieu des chapelets et des images pieuses, on trouve des amulettes puniques / Quand je porte un chapelet en collier, le pauvre Christ se perd dans mes poils / L'accueil est généralement sympathique / Les cartes de tapas proposent des plats italiens et des clins d'œil à la cuisine française, notamment le camembert / Aux Deux Alpes il y avait beaucoup de gros chiens ; ici, beaucoup de petits / Les bougainvilliers, les acacias, les hibiscus ponctuent agréablement la ville / Le tourisme est international mais essentiellement occidental / Je ne sais quoi penser des combinaisons d'été pour hommes, cèderai-je à la mode l'année prochaine ? / La ville se partage en trois zones : la vieille ville, superbe ; les complexes touristiques, massifs et parfois réussis ; les quartiers modernes proprement espagnols, assez médiocres mais bien entretenus / Sur les plages on voit beaucoup de strings, de seins nus (cela se pratique-t-il encore en France ?), de corps tatoués et musclés / Chez les hommes, le mini slip est à la mode / A Turin je me croyais en Autriche, à Ibiza j’imagine à la fois en Grèce et à Miami / Sur le chemin du Pacha des Néerlandaises sniffent du poppers / Cela faisait longtemps que je n'avais pas pris une cuite en pleine soleil, à midi, sur un bateau plein de grosses Anglaises en bikini.