La littérature sous caféine


mardi 16 novembre 2021

30 choses vues à Prague (5/5)

De même que les rues sont propres, je remarque l’absence de portique de sécurité dans le métro, bon signe extérieur de civisme (ou de situation sociale relativement apaisée), comme au Japon / Je ne suis pas connaisseur en la matière, mais le pays semble avoir développé un art du cristal et de la porcelaine de grande valeur – j’y penserai pour des achats si je reviens là, et avec de l’argent à perdre / Vaclav Havel est très présent dans l’espace public, et jusque dans les restaurants où son portrait ponctue souvent la décoration – je souffre de n’avoir jamais connu en France de figure politique qui semble emporter une telle adhésion / Le Musée national trône sur l’un des sommets de la ville, impérial, et propose une série d’expositions célébrant les exploits politiques, culturels et sportifs du pays / La Tchéquie me semble avoir poussé très loin le raffinement culturel, davantage que l’Allemagne si l’on s’en tient à quelques signes immédiatement visibles, et je comprends le surnom de « Rome du Nord » que s’attire la capitale / Comme chaque fois que j’y suis confronté, le déferlement de beauté m’émeut, m’emporte et menace de me terrasser.

lundi 15 novembre 2021

30 choses vues à Prague (4/5)

Je m’attendais à ce qu’une ville présentée comme un joyau du Moyen-âge et de nombreuses splendeurs du passé soit assez décrépite, en tout cas relativement sombre et secrète. Or, impression d’un pays riche qui sache parfaitement entretenir une vitrine prestigieuse – à côté, Paris semble bel et bien menacée par de nouvelles formes de misères / Sans avoir le chic scandinave – ni celui, plus irrégulier, de certains quartiers parisiens ou londoniens – les Praguois s’habillent plutôt avec goût et distinction – Vaclav Havel incarne d’ailleurs très bien cette distinction, avec sa fine moustache, sa mèche et son sourire triste / La nourriture ressemble à s’y méprendre à l’allemande, rustique et peu variée – ragoûts, saucisses, purées… La Tchéquie fait manifestement partie de ces pays (Allemagne, Angleterre…) dont la culture n’a pas investi la gastronomie / Le restaurant de bonne cuisine française propose une bouillabaisse, des tripes à la mode de Caen et un bœuf bourguignon / La seconde langue pratiquée par la population semble être l’allemand, au détriment de l’anglais. Dans la rue, dans les prospectus, le français est quasiment inexistant – sauf sur les enseignes qui veulent faire chic et pour certains termes de gastronomie / Les rues sont propres, les façades entretenues, les tags (presque) inexistants, les couloirs du métro proposent des toilettes publiques de qualité.

mercredi 10 novembre 2021

30 choses vues à Prague (3/5)

De nouveaux quartiers se construisent en périphérie, modernes et soignés, du même genre que partout ailleurs dans le monde / Je lirai différemment Kafka maintenant que je connais le château, pas du tout effrayant mais vaste et dominant la ville / Les façades sont souvent à l’image des vastes boulevards – hautes, larges, puissantes, on devine de grands intérieurs au charme sévère / On croise de monumentales statues du début du 20ème célébrant le travail, la procréation, la maternité – étonnante préfiguration de l’art soviétique, et éloge pompier du travail qui me semble avoir disparu des sociétés occidentales / Succès surprenant de la chaîne Paul, proposant un fast-food à la française, peu chère et de relative qualité (on y sert de la ratatouille et de la soupe à l’oignon, sur fond de standards de la chanson française) – c’est d’ailleurs ce qui manque à la gastronomie française, une véritable cuisine de rue, conviviale, un peu plus étoffée que le pauvre jambon-beurre / Dans les galeries 19ème des musées, l’art français domine – il a tendance à passer au deuxième plan ensuite

mardi 9 novembre 2021

30 choses vues à Prague (2/5)

La France est présente par son industrie du luxe, ses peintres, son vocabulaire chic sur les enseignes, sa boulangerie (les fast-food raffolent des baguettes) et, dans une moindre mesure, par sa gastronomie ; l’Allemagne par ses voitures ; le monde anglo-saxon par ses fast-food, sa musique et son cinéma ; l’Italie par sa cuisine, ses compositeurs et son architecture ; la Scandinavie par son design ; la Russie par son folklore / La musique classique est vraiment présentée comme une part importante, et vivante encore, du patrimoine national / En termes de cafés, on trouve soit de petits établissements chics, confortables et branchés, soit de belles et anciennes brasseries, aux boiseries sombres mais chaleureuses / Prague est le lieu d’un certain métissage intra-européen, mais très peu extra-européen (on y croise par exemple les types slave, germain, scandinave, parfois italien, plus rarement turc) / La ville a un côté « best-of de l’architecture européenne » presque drôle / Dans les vitrines, le christianisme est assez présent sous forme de figurines pour les touristes (l’enfant Jésus de Prague) ou de bondieuseries, même si l’on sent le phénomène en régression.

lundi 8 novembre 2021

30 choses vues à Prague (1/5)

L’arrivée se fait par un aéroport propret, un métro flambant neuf et un bus paisible – une atmosphère de province assez riche / Hormis dans la vieille ville, Prague s’étend par de larges et paisibles boulevards, aérés, souvent en damiers, comme la plupart des villes du nord et de l’est de l’Europe – j’ai du mal à faire la part du climat, de la culture et de l’histoire dans ce schéma général / Beaucoup d’hôtels ont le charme solennel et dépouillé des grands palais impersonnels des régimes soviétiques / Les antiquaires sont nombreux, on sent le goût pour les meubles classiques et cossus / On aperçoit Napoléon dans des médaillons, des cadres et des chromos / En vitrine des librairies, beaucoup d’auteurs aiment fumer la pipe.

vendredi 31 juillet 2020

40 choses observées à Münich (4/4)

Dans les paysages bavarois, les villages ressemblent aux villages français du Grand Est avec leurs agrégats de toits ocre autour d’une église, même si les clochers diffèrent par le style et que les maisons sont plus grandes, plus orgueilleuses, sans le côté parfois misérable et perdu que l’on trouve en France / Les jardins ouvriers ressemblent à de petits parcs / Les toilettes sont toujours impeccables, que ce soit dans les gares, les parcs ou les bistros / Je me demande quelle est la part exacte des Allemands ayant lu les pavés du patrimoine littéraire (Mann, Döblin…) – sans doute extrêmement faible / Quand j’habitais au Japon, j’ai souvent entendu les Japonais dire qu’ils se sentaient proches des Allemands ; au spectacle du civisme, de la propreté et de la discrétion des Münichois, je m’en suis rappelé / Je me suis fait plusieurs fois rabrouer parce que je ne portais pas le masque sur le nez, la seule personne à me dire que je pouvais le retirer était un restaurateur italien, ne parlant pas anglais / De Paris à Münich en train, c’est curieusement sur les lignes intérieures allemandes qu’il y avait des retards et qu’il manquait des prises / J’avais une image des Allemandes comme irrémédiablement gâtées par un esprit pratique rétif à toute élégance ; or, j’ai davantage vu de robes, de jupes et de mini-short à la mode qu’à Paris, où l’on voit surtout des jeans – l’effet sans doute du calme, du niveau de vie et de l’absence probable de harcèlement / De retour à Paris ce qui frappe sont les détritus le long des voies, la densité urbaine et les aperçus de misère dès la sortie de la gare / Dans les boucheries de Münich on trouve davantage de saucisses que de viande proprement dite

jeudi 30 juillet 2020

40 choses observées à Münich (3/4)

Le plat français que j’ai le plus lu sur les menus est la bouillabaisse / Les façades larges et sobres, les toits en terrasse, les revêtements pastel, les clochers baroques, l’Allemagne méridionale a vraiment des airs d’Italie / Saucisses, bière et bretzel à tous les étages, comment les Allemands restent-ils si sveltes ? / Les purées sont présentées sous forme de boules gélatineuses / Je ne sais pas s’il s’agit d’une conséquence des reconstructions d’après-guerre ou d’une tendance culturelle, mais les villes allemandes que je connais sont toutes aérées, paisibles, étendues – les villes françaises, par comparaison, ont quelque chose de tortueux / A l’entrée de chaque bar, de chaque restaurant, on demande au client de remplir un questionnaire – nom, adresse / Les palais impressionnent moins par leur raffinement que par leur grandeur, de même que les fleurs y sont nombreuses mais d’espèces peu variées / Leurs jardins hésitent entre un style français mais trop peu méticuleux et un style anglais mais sans vraie liberté / En revanche, les parcs donnent toute la mesure de ce que peut être un bien-être (Gemütlichkeit) à la bavaroise / D’habitude j’adore les cafés des musées d’art moderne, mais cette fois-ci j’ai préféré les biergarten, où les Allemands boivent des litres de bière depuis l’aube jusqu’à la nuit tombée / Münich m’a réconcilié avec le crépi, souvent décrépit en Champagne mais pimpant dans cette ville riche et paisible

lundi 27 juillet 2020

40 choses observées à Münich (2/4)



En cinq jours, que ce soit dans les trains, les cafés ou le métro, j’ai vu cinq personnes lire un livre / Beaucoup d’Allemands d’origine turque arborent des chevelures volumineuses, gominées, très étudiées, avec une curieuse touche rock’n roll / Les gens sont plutôt fins mais certaines Allemandes deviennent avec l’âge de véritables matrones / La santé, la vie saine, l’équilibre physique semblent être des passions nationales / Un homme a joué « La vie en rose » au violon devant la vitrine d’un vendeur de bretzel et j’ai entendu « L’été indien » dans une trattoria tenue par des Italiens / Dans le Musée d’art moderne il y a plus de gardiens que de visiteurs, ils vous dévisagent tandis que vous dévisagez les œuvres / La musique est assez peu présente dans les bars et restaurants, même le soir – surtout quand on compare à l’Irlande – ce qui m’étonne quand je pense à l’art majeur qu’a longtemps représenté la musique dans la culture allemande / Les toilettes des bars sont souvent tenues, le soir, par des personnes – le plus souvent des hommes – qui semblent en charge de leur propreté et qui attendent une pièce ; je me demande quelle part de sadisme préside au maintien de ce job / Dès qu’on s’éloigne du centre-ville, le goût allemand pour le monumental reprend le dessus / Dans les vitrines des antiquaires la religion catholique est très présente – ainsi que les chopes de bière et les portraits de Napoléon.