Pour la première fois, j'ai beaucoup agité ma petite cloche. J'ai parfois eu le sentiment de redevenir professeur devant une classe dissipée : Guilaine et Alexandra les deux bavardes du fond de la classe, Christie l'effrontée, Hervé le retardataire qui n'a pas fait ses devoirs mais se rattrape par une référence choisie (Les "Notes de chevet" de Sei Shonagon), Myriam la bonne élève ponctuant son intervention de saillies chantournées. Mais c'est précisément ça le potache et le Sancerre nous a galvanisés. Bien sûr, je n'ai pu qu'effleurer l'une de mes 14 listes. Alexandra a dressé l'inventaire des livres qu'elle n'a pu finir, Christie parlé des belles morts et des façons de renouveler Noël, Myriam des plats ignobles du Vietnam et des pratiques douteuses des chasseurs ardennais. Guilaine nous a livré les premières lignes de son projet formidable "Portraits d'hommes nuls" (elle n'est pourtant pas woke !), Hervé m'a fait rire en avouant qu'il était vraiment attentif aux scénarios des pornos. Sur ces bonnes paroles nous avons retrouvé la nuit de Montmartre où rôdaient les fantômes complices du Chat noir et du Lapin agile.
Hervé fera partie des six convives de la soirée des listes, lundi. Je n'avais jamais échangé avec lui que quelques mots lors de la fête d'anniversaire du blog d'Étienne Ruhaud mais son tempérament guilleret, ses solides appétences littéraires me le recommandaient. Alors qu'hier soir j'attendais seul au Club des poètes, fraîchement débarqué de ma Champagne, avant l'annonce du menu puis le défilé des déclamations (la dernière fois que j'avais hanté les lieux, c'était... trente ans plus tôt), je l'ai vu paraître et nous avons pu faire connaissance dans ce lieu bardé de tirages sépia, traversé d'épiques sursauts littéraires. Plus grand des hasards ? Hasard objectif, dirait l'autre...
Sur un pilier de la cathédrale de Reims, un grylle se fait mordre par un oiseau du Paradis. Dans le "Cantique des oiseaux", Attar entame une quête vers la connaissance en compagnie de perroquets. De même, Eric Poindron place son inspiration sous le signe des volatiles avec son "Cabaret des oiseaux et des songes" (Éditions du passeur, 2024). Pour lui, ce sont des signes de présence, des modèles de joie. Embryons de récits, confidences, anecdotes, citations, aphorismes, esthétique badine et nostalgique, art poétique en pointillé, c'est un livre "à saut et à gambades" comme il en faudrait davantage pour faire pièce à notre époque. "Toujours cheminer léger et aux aguets avec l'illuminé et complice Jacques Cazotte lorsqu'il nous confie le juste mot d'ordre : "J'irai partout où me porteront la curiosité et la fantaisie."" Ça tombe bien, j'habite à cinq cent mètres du château de ce dernier ! Raison de plus pour aller papillonner...
Tiens, c'est chose faite : la fiction française, dûment soutenue par le CNC, s'empare enfin du thème abordé dans "La Viveuse". La série "Extra" parie sur l'humour et ce qu'on appelle l'inclusivité. J'avais misé, pour ma part, sur un équilibre entre franchise et sensibilité. La seule provocation tenait au sujet, et peut-être au final - je n'ai pas pu m'empêcher d'y lorgner vers Cronenberg
Interrogé par Zone critique dans leur numéro "Spectres" sur son intérêt conjoint pour le christianisme et le fantastique, François Angelier répond que "le christianisme propose un accès à la vérité à partir d'une forme de radicalité : c'est-à-dire dans l'expérience mystique." Je traverse précisément une période où je m'intéresse à ces deux dimensions, mysticisme d'un côté, littérature de genre de l'autre. Dans ce cadre, j'ai une tendresse particulière pour le tarot "Necronimicon" inspiré de Lovecraft. Et j'en suis à écrire à la fois des aphorismes spirituels et des histoires horrifiques...
En avril dernier je tournais cette vidéo sur la vie nocturne de Bourbon Street, dans le French Quarter de la Nouvelle-Orléans. L'attentat qui vient d'avoir lieu confirme paradoxalement son statut d'emblème, celui d'une fusion entre l'énergie primitive américaine et un certain art de vivre européen. Si le cœur incandescent du melting pot libéral existe, il se situe dans ces quelques rues.