La littérature sous caféine


mardi 22 septembre 2020

"Entre élèves et professeurs, le gouffre du temps qui passe" (Le Monde, 21.09.2020)

Première tribune d'une petite série consacrée au métier de professeur, publiée dans les pages du Monde

"Entre élèves et professeurs, le gouffre du temps qui passe

Le professeur avance en âge et chaque année, chaque rentrée scolaire, grandit le fossé qui le sépare de ses élèves. Dans leurs discours, il entend quelque chose d’étrange et de nouveau. Mais c’est précisément l’un des charmes du métier que de rester en contact avec ces adolescents. Face à la classe, le professeur éprouve un certain état de la jeunesse – après tout, la centaine d’élèves qu’il pratique en moyenne chaque année représente un bel échantillon. Il peut alors mesurer ce qu’il partage avec elle comme ce qui l’en sépare.

Par la force des choses, cet écart grandit à mesure que la carrière se déroule. Et l’amusement le dispute à l’angoisse : amusement de découvrir chaque année de nouvelles expressions, de nouvelles passions, de nouveaux réflexes ; angoisse devant les différences de perception, que le professeur a tendance à interpréter comme de nouvelles formes d’ignorance ou d’indifférence par rapport à des valeurs qu’ils jugent essentielles.

Deux mondes

Après tout, quand il fait cours, le professeur en apprend autant que ses élèves. Si ces derniers tirent quelques leçons de son enseignement et du spectacle de sa personnalité, le professeur lui-même s’enrichit du contact avec les classes. Mais il se pourrait bien que la leçon soit amère : il réalise que la morale évolue. Ses élèves sont désormais là pour lui rappeler que deux mondes différents vivent en parallèle, deux mondes qui se confrontent dans la classe.

Sans surprise, c’est à l’occasion d’événements graves que j’ai pu prendre conscience de ce gouffre. Puisque les questions d’actualité me taraudent, j’ai toujours aimé aborder certains thèmes par le biais d’articles ou d’exposés, que ce soit au lycée, en BTS ou en école préparatoire. A ce moment-là, je guette les attitudes des élèves autant que ma propre façon d’aborder les choses, révélatrice de l’attitude que l’époque me suggère.

Les événements de Charlie Hebdo ont été l’un des jalons de cette prise de conscience. A vrai dire, j’avais abordé la question bien avant les attentats. En BTS, quelques années plus tôt, dans le cadre d’un cours où le débat servait de prétexte à des travaux écrits, j’avais soumis à une classe de Seine-Saint-Denis des articles de Charlie Hebdo, afin d’ouvrir une discussion sur le thème de la liberté d’expression. A l’époque, le journal satirique avait fait le choix de publier les fameuses caricatures de Mahomet, et je n’avais pas hésité à en proposer l’examen à la classe.

Les réactions avaient surtout été de surprise. Aucun élève ne connaissait le journal, certains avaient entendu parler de l’affaire sans avoir vu les caricatures. Personne n’avait l’idée de ce que pouvait signifier Mai 68 ni anarchisme, liberté de conscience, anticléricalisme… En tant que musulmans, la plupart des élèves désapprouvaient la publication de tels dessins, sans pour autant marquer d’agressivité. « Ils vont loin, quand même ! » s’était exclamé l’un de ceux que cela faisait plutôt rire. En fait, ils découvraient surtout un univers, celui de la presse, celui d’une certaine liberté de ton gauloise dont ils étaient curieux de savoir ce que j’avais à en dire. Pour ma part, je profitais de mon poste dans le 93 pour tâter le terrain comme peu de journalistes pouvaient espérer le faire.

Indifférence

Quelques années plus tard surviendraient l’attentat, puis les manifestations, puis les débats, jusqu’à ce jour où débute le procès des complices. Et, comme j’ai pris l’habitude de le dire aux élèves sans que cela ne les émeuve, je pense que « Charlie Hebdo a perdu » – le signe le plus sûr de cette défaite étant précisément l’indifférence que je perçois dans les classes à propos de ce genre de considération, et même l’hostilité qu’elles manifestent à l’égard des critiques ou des provocations vis-à-vis de la religion musulmane : qu’ils soient musulmans ou non, tous les élèves prenant la parole à ce sujet considèrent comme inconvenant, voire condamnable, d’avoir des mots stigmatisant l’Islam ou de dessiner Mahomet dans des postures ridicules.

Et pourtant, mon public a changé : des classes en difficulté de Seine-Saint-Denis, je suis passé aux classes préparatoires de l’Aube. On aurait pu imaginer que ces dernières développent une certaine réflexion sur la nécessité de la liberté d’expression, ses limites, ses brutales remises en causes. Or, pas du tout : la gêne, le silence, le renoncement à prendre la parole m’incitent à penser que, décidément, l’idéal d’une démocratie du débat viril s’est éclipsé au profit d’une vision plus irénique, où le respect des cultures perçues comme minoritaires devient la valeur cardinale et où chacun s’accorde le droit de se retrancher, avec l’accord des autres, derrière l’épaisseur de ses propres principes.

Tout cela non pour me plaindre que les temps changent ou que la morale républicaine se perde, affaiblie par un certain principe de prudence appliqué à la prise de parole publique, mais pour prendre acte de ce temps qui passe et qui bouleverse si profondément la donne que le professeur, par son contact privilégié avec la jeunesse peut ressentir un vertige. Dans quelle mesure doit-il changer ses discours ? Dans quelle mesure doit-il s’accommoder de l’époque ou lutter contre ses tendances profondes ? Pour ma part, je m’en sors en soulignant précisément le contraste entre la morale du jour et celle qui prévalait hier encore, suggérant quelle pouvait être la mienne sans faire de prosélytisme pour autant.

Ce qu’il y a par ailleurs de fascinant dans ce gouffre, c’est qu’il a été creusé par la génération à laquelle appartient le professeur lui-même. Par ses actes, par ses pensées, par son éducation, celle-ci a forgé la génération suivante, tout au moins dressé le cadre sur fond duquel celle-ci se définit. Dialoguer avec la jeunesse, c’est découvrir ce que notre passé contenait en germe, et l’impensé qui le travaillait.

D’une certaine manière, le trouble qui saisit aujourd’hui le professeur ressemble à l’angoisse ressentie par les Gaullistes devant la jeunesse qui se soulevait en 68 : cette dernière se plaignait de s’ennuyer, un comble pour des adultes estimant qu’elle avait la chance de grandir au sein d’une prospérité chèrement acquise.

Aujourd’hui, ce n’est plus la surprise d’aînés trop sérieux ne comprenant pas l’oisiveté de leurs enfants, mais l’amertume de républicains devant ce qui leur paraît être, chez des jeunes bousculés par la société multiculturelle et s’adaptant à elle, un renoncement à certains principes universalistes.

Bien sûr, l’énergie foncière des élèves reste une source inépuisable d’inspiration pour le professeur, et force son optimisme. Mais il devra éviter les deux pièges qui le menacent en tant que professionnel vieillissant : le fatalisme et la crispation. S’il résiste à la double tentation du « Nous ne pouvons rien aux temps qui changent » et du « Ces enfants n’ont décidément rien compris », alors il trouvera le principe d’une pratique accueillante et ferme de son métier, toute en modestie par rapport aux effets du temps."

lundi 14 septembre 2020

Homosexuels, fascistes et Gilets jaunes

Le roman de Tom Connan, « Radical » (lu pour le Prix Rive gauche à Paris 2020) a le mérite d’évoquer un phénomène presque tabou, celui du vote d’extrême-droite et même de l’activisme chez une frange non-négligeable de la communauté gay. Dans un style très houellebecquien (alternance d’analyse et de récit, scènes de sexe très crues, goût pour les personnages dépressifs), le livre propose par ailleurs une analyse (partagée par l’un des protagonistes, mais dont on sent qu’elle pourrait être celle du narrateur) du mouvement des Gilets jaunes très proche de celle de « La révolte des Gaulois », à savoir que la dimension culturelle du soulèvement est sans doute plus décisive que ses dimensions économiques et sociales.

A propos de « fascisme homosexuel », je me m’y étais intéressé voilà quelques années, proposant même à l’un de mes éditeurs de me lancer dans l’écriture d’un roman sur ce thème. « Malheureux ! m’avait-il répondu. Tu vas te mettre à dos toute la communauté gay, ce sera terrible. » J’avais pourtant en tête de sérieuses références, puisque je venais de lire de magnifiques livres de Mishima fantasmant des corps de métal et des morales d’acier, sur fond d’amours homosexuelles. Tom Connan vient de déflorer le thème sur le sol romanesque français.

« Nous nous étions réfugiés avec Simon à La Palette, un bar de la rue de Seine qui fermait tard.
En début de soirée, nous avions été voir l’interminable film Magnolia, avec un Tom Cruise plus improbable que jamais, dans un petit cinéma proche de la rue Soufflot qui ne passait que des vieilles pellicules. Il était 23 heures et nous n’avions toujours pas dîné.
« Alors, comment ça se passe, ton bouquin ? Tu avances sur tes mecs de droite ? demandai-je, sourire en coin.
- Ouais, ça avance, de toute façon l’intuition est là, il faut juste que je la mette en forme, mais je sens que c’est la bonne piste. D’ailleurs, on voit qu’il y a une colère de dingue qui monte, et pour une fois elle vient du peuple profond. Pas des lycéens des beaux quartiers ou des profs.
- Ouais… Mais en quoi ça confirme ton hypothèse ?
- Bah, ça me paraît évident ! Le peuple profond, il est carrément de droite. Plutôt blanc, de culture catho et avec de vieux relents xénophobes… La France de Pernaut, quoi ! Ceux qui manifestent tous les samedis. » » (Radical, page 91)

lundi 7 septembre 2020

En juin-juillet...

... J’ai découvert avec « Né d’aucune femme » de Franck Bouysse qu’on pouvait encore aujourd’hui écrire des romans gothiques / J’ai été heureux d’apprendre que Michel Legrand avait composé un disque pour Sarah Vaughan / J’ai comparé les premiers films de Truffaut et de Demy et force est de reconnaître que le second l’emporte haut la main / J’ai réalisé que Pierre Jourde avait écrit un livre dont je mûrissais précisément le projet, « La littérature monstre » / Je me suis remis à lire de la belle critique littéraire comme au temps de mon agrégation avec Marc Fumaroli ou Patrick Dandrey / J’ai visité quelques châteaux de la Loire en buvant du Saumur-Champigny

mercredi 2 septembre 2020

La relève de Tom Wolfe est française !

Dans le genre des pavés à l’américaine avec une touche de sensibilité, d’humour et d’intelligence à la française, j’avais été impressionné en 2018 par le prix Goncourt, "Leurs enfants après eux" de Nicolas Mathieu. Cette année, c’est "Le syndrome de Palo Alto" de Loïc Hecht (Léo Scheer, 2020) qui m’a bluffé : l’efficacité de la narration, la vigueur du propos, cette façon de s’emparer d’une époque pour la croquer avec férocité – en l’occurrence, nous sommes plus avec les petits Blancs de la Moselle mais avec les business angels de la Silicon Valley, dans une histoire de vengeance carabinée contre les géants du Web que ne renierait sans doute pas Flore Vasseur – on dirait du Tom Wolfe, et sans les longueurs !

lundi 24 août 2020

Le scrupule à jeter des livres

Il faut bien se résoudre à se débarrasser de quelques volumes, sans quoi notre vie s’écroulerait sur elle-même – à moins que nous nous résolvions à entretenir une bibliothèque labyrinthique à la Umberto Eco. Je me suis donc juré de jeter les livres que j’estimerais vraiment mauvais, ou inutiles – mais qu’est-ce qu’un livre inutile ? Voyant le gros volume du « Journal » de Michel Polac (PUF, 2000), je me suis dit qu’il s’agissait d’un excellent candidat à la suppression : un auteur surtout connu pour son travail de chroniqueur, et dont le journal a davantage fait parler de lui pour sa misanthropie que pour ses qualités de style – ainsi que pour une page restée fameuse, la 147, où l’auteur avouait sans gêne quelques coucheries pédophiles. Hélas, le feuilletant dans l’espoir d’éteindre mes derniers scrupules, je suis tombé sur un nombre suffisant de bons paragraphes – des scènes de sexe, des sursauts de désespoir, des portraits de vitriol – pour me résoudre à garder le volume. Quand donc trouverai-je le courage de trancher dans le vif ?

lundi 3 août 2020

"Faiblesse de la posture républicaine"

Tribune publiée par Le Monde le 1er août 2020, originellement intitulée "Faiblesse de la posture républicaine", rebaptisée "Nous sommes entrés dans l'âge du libéralisme identitaire".

"Deux camps s’affrontent aujourd’hui sur le thème des discriminations : certains dénoncent la persistance de dérives au sein du monde occidental, allant parfois jusqu’à pointer du doigt l’existence d’un système raciste ; d’autres, qui se réclament du républicanisme, persistent à considérer qu’il ne faut pas « racialiser les rapports sociaux » et qu’il existe des valeurs universelles.

Le problème est que ces républicains doivent se sentir bien seuls en ce moment. La lame de fond de l’affaire Floyd, réveillant un antiracisme légitime, n’est pas seule en cause : elle ne fait que mettre un point d’orgue à l’incroyable pression contre l’idée même de droits individuels. Ces derniers fondent la notion de mérite, mais on les accuse de masquer des phénomènes délétères plus profonds.

La première de ces pressions, celle qu’on dénonce le plus volontiers, est exercée par la culture (musique, cinéma…), dont le tropisme est flagrant : les plateformes sont américaines, la force des images est américaine. Or, cette culture est marquée par la question raciale. C’est de cette culture qu’émanent les slogans nous familiarisant avec l’idée que les logiques de groupes sont décisives. En somme, l’actualité force le peuple français à ouvrir les yeux sur les réalités raciales, lui dont le surmoi républicain exige pourtant qu’il reste colorblind.

La deuxième pression se fait plus discrète, mais pas moins efficace : elle vient du monde économique dont la grande éthique, outre l’écologie, se rapporte à la fameuse diversité, dont la logique vient concurrencer celle du mérite. Qu’on ne s’y trompe pas : les entreprises ne peuvent être foncièrement morales. Si elles singent les principes du moment, c’est avant tout parce qu’il leur est nécessaire de s’adapter au contexte. On sait que le libéralisme s’accommode très bien des valeurs multiculturelles et transnationales. La troisième, c’est le monde politique, tout d’abord en France, en partie désireux de s’inscrire dans la tendance de l’époque. Soulignons que la fracture ne partage pas la droite et la gauche, mais traverse chacun des partis, de même qu’elle recoupe souvent un fossé générationnel, comme en témoigne la récente anicroche entre Marion Maréchal et Marine Le Pen.

Ensuite, à l’échelle du continent. L’Union européenne se dit acquise à l’idée d’un espace axiologiquement neutre, ouvert à toutes les différences. Pour s’en convaincre, il suffit de lire Jürgen Habermas, philosophe célébré comme penseur de la construction européenne. Dans « L’intégration républicaine » (1996), il appelle l’Europe à définir ce qui pourrait être une « nouvelle conscience politique », fondée sur le principe d’une « entente non impériale avec d’autres cultures. » Le vent du multiculturalisme ne souffle donc pas que d’un côté de l’Atlantique.

Assaillie, la posture républicaine souffre par ailleurs d’une faiblesse intrinsèque : elle se pare des vertus des droits de l’homme mais son histoire est marquée par des ambiguïtés qui minent son aura morale. Il suffit de se souvenir des empoignades rhétoriques à la fin du XIXe entre Jules Ferry désireux d’accomplir la « mission civilisatrice » de la France et Clémenceau se méfiant de l’idée qu’une civilisation puisse être « supérieure ».

Bien sûr, il faut refuser l’amalgame entre droits de l’homme et crimes commis en son nom. Mais Francis Fukuyama comme Christopher Lasch, deux universitaires précurseurs en matière de dénonciation des menaces pensant sur l’universalisme, se plaignaient déjà de ce qu’un nombre grandissant d’intellectuels versaient dans le relativisme au prétexte que les critères universels de jugement seraient occidentaux. Il faut craindre que la tendance ne se renforce.

D’autant que le camp adverse jouit d’un argument très fort, énoncé par Charles Taylor dans les années 90, constituant le fond théorique des conceptions multiculturelles : l’individu ne se construit pas seul, il peut pâtir de l’image de sa communauté. Par conséquent, un régime soucieux de l’épanouissement des individus se montrera vigilant à ce que certains groupes ne soient pas stigmatisés. Cette forme particulière de libéralisme consistera donc à garantir à chacun le droit d’entretenir une culture qui ne soit pas exactement celle de la nation.

Pour sortir de ce conflit, il faudra parvenir à trouver un compromis. Le camp antiraciste devra bien accepter l’idée qu’il agit au nom de valeurs universelles, certes nées en Occident mais que cette origine ne résume pas ; de même, le camp républicain devra reconnaître l’existence d’appartenances culturelles et même leur caractère vital pour la construction de l’individu.

A cet égard, il devient problématique de balayer d’un revers de main la question raciale. N’est-il pas manifeste qu’elle existe à côté de la question sociale, et qu’elles ne sont pas réductibles l’une à l’autre ? Le camp républicain, dont j’estime faire partie, sous-estime les raisons de s’inquiéter : il espère que quelques articles bien sentis pourront contenir la vague de revendications culturelles. Or, celle-ci déferle déjà sur le continent.

Précisons au passage que cette question des races ne concerne pas qu’une ou deux minorités. La grille d’analyse identitaire est beaucoup plus mobile et variée, et c’est cette myopie qui a, me semble-t-il, empêché beaucoup d’analystes de comprendre par exemple la profondeur de la Révolte des Gilets jaunes, comme j’ai tenté de la montrer dans « La révolte des Gaulois ». Chaque jour, la majorité blanche prend davantage conscience d’elle-même en dépit des paradoxes que cela peut susciter.

Ensuite, il faudra parvenir à nommer le régime que nous traversons, qui n’est plus vraiment la république au sens abstrait du terme ni l’âge identitaire, mais un équilibre entre les deux, équilibre que nous pourrions nommer libéralisme identitaire : un régime qui maintient les libertés individuelles, notamment celle qui consiste à refuser toute assignation, mais qui accorde la liberté symétrique de revendiquer une appartenance. Nous sommes en réalité déjà entrés dans cet âge, il ne nous reste plus qu’à l’assumer."

vendredi 31 juillet 2020

40 choses observées à Münich (4/4)

Dans les paysages bavarois, les villages ressemblent aux villages français du Grand Est avec leurs agrégats de toits ocre autour d’une église, même si les clochers diffèrent par le style et que les maisons sont plus grandes, plus orgueilleuses, sans le côté parfois misérable et perdu que l’on trouve en France / Les jardins ouvriers ressemblent à de petits parcs / Les toilettes sont toujours impeccables, que ce soit dans les gares, les parcs ou les bistros / Je me demande quelle est la part exacte des Allemands ayant lu les pavés du patrimoine littéraire (Mann, Döblin…) – sans doute extrêmement faible / Quand j’habitais au Japon, j’ai souvent entendu les Japonais dire qu’ils se sentaient proches des Allemands ; au spectacle du civisme, de la propreté et de la discrétion des Münichois, je m’en suis rappelé / Je me suis fait plusieurs fois rabrouer parce que je ne portais pas le masque sur le nez, la seule personne à me dire que je pouvais le retirer était un restaurateur italien, ne parlant pas anglais / De Paris à Münich en train, c’est curieusement sur les lignes intérieures allemandes qu’il y avait des retards et qu’il manquait des prises / J’avais une image des Allemandes comme irrémédiablement gâtées par un esprit pratique rétif à toute élégance ; or, j’ai davantage vu de robes, de jupes et de mini-short à la mode qu’à Paris, où l’on voit surtout des jeans – l’effet sans doute du calme, du niveau de vie et de l’absence probable de harcèlement / De retour à Paris ce qui frappe sont les détritus le long des voies, la densité urbaine et les aperçus de misère dès la sortie de la gare / Dans les boucheries de Münich on trouve davantage de saucisses que de viande proprement dite

jeudi 30 juillet 2020

40 choses observées à Münich (3/4)

Le plat français que j’ai le plus lu sur les menus est la bouillabaisse / Les façades larges et sobres, les toits en terrasse, les revêtements pastel, les clochers baroques, l’Allemagne méridionale a vraiment des airs d’Italie / Saucisses, bière et bretzel à tous les étages, comment les Allemands restent-ils si sveltes ? / Les purées sont présentées sous forme de boules gélatineuses / Je ne sais pas s’il s’agit d’une conséquence des reconstructions d’après-guerre ou d’une tendance culturelle, mais les villes allemandes que je connais sont toutes aérées, paisibles, étendues – les villes françaises, par comparaison, ont quelque chose de tortueux / A l’entrée de chaque bar, de chaque restaurant, on demande au client de remplir un questionnaire – nom, adresse / Les palais impressionnent moins par leur raffinement que par leur grandeur, de même que les fleurs y sont nombreuses mais d’espèces peu variées / Leurs jardins hésitent entre un style français mais trop peu méticuleux et un style anglais mais sans vraie liberté / En revanche, les parcs donnent toute la mesure de ce que peut être un bien-être (Gemütlichkeit) à la bavaroise / D’habitude j’adore les cafés des musées d’art moderne, mais cette fois-ci j’ai préféré les biergarten, où les Allemands boivent des litres de bière depuis l’aube jusqu’à la nuit tombée / Münich m’a réconcilié avec le crépi, souvent décrépit en Champagne mais pimpant dans cette ville riche et paisible