La littérature sous caféine


mercredi 12 janvier 2022

Remarques en vrac sur "Guerre et Paix" de Tolstoï (1/3)

Sa lecture m’aura accompagné tout au long de 2021

J’ai apprécié que l’auteur mène le roman comme une enquête sur le sens de la vie, plusieurs personnages convergeant vers une réponse sans ambages : la seule attitude valable à adopter consiste à épouser la force qui structure l’univers, à savoir l’amour / Tolstoï parsème le roman de digressions sur les lois de la guerre et, mine de rien, j’y ai lu des choses beaucoup plus instructives que chez Clausewitz ou Sun Tzu / Il explique à plusieurs reprises que les lois de l’Histoire nous restent mystérieuses, ce faisant il nous donne envie de nous plonger dans des ouvrages d’histoire ou de philosophie, un peu comme si son roman constituait le seuil pour une œuvre encore à venir / A la fin du roman, Tolstoï nous offre de très beaux chapitres sur le mariage, le présentant comme un idéal exigeant et sublime – ce genre de développement peut paraître conservateur, mais il détone dans un paysage littéraire plutôt consacré, d’ordinaire, au sarcasme vis-à-vis de cette institution / L’auteur donne la sensation d’une grande sincérité, comme s’il jouait sa propre vie, différent en cela de tellement d’autres auteurs brillants du même siècle / Le livre est construit par chapitres assez courts, fondés sur une scène ou une idée forte, aussi denses que des nouvelles ; structure moderne proche du feuilleton, et qui force le respect du lecteur par son efficacité et sa sorte de politesse : il n’y a (quasiment) pas de longueurs dans ce roman de 1500 pages !

samedi 8 janvier 2022

Sydney Poitier, professeur idéal



Dans « Les bons profs » (2019), j’avais décrit le professeur idéal qu’incarnait Sydney Poitier (1927-2022) à l’écran dans un film assez méconnu, « Les anges aux poings serrés » (1967) : « Au fond si les élèves, même parmi les plus rétifs, finissent par tomber dans son escarcelle, c’est qu’il se présente comme détenteur d’une ultime vérité, la seule vraiment précieuse, la seule qui tienne toutes les autres dans sa main, la vérité de la justesse existentielle, une façon cool de se mouvoir entre tous les écueils du destin. »

mercredi 5 janvier 2022

Porno chic is dead

Dans son livre « Le goût du moche », Alice Pfeiffer réserve quelques pages savoureuses à une tendance des années 2000 qui nous paraît bien lointaine : le porno chic, et plus généralement l’hypersexualisation de la mode et de la vie glamour. Il semblerait qu’aujourd’hui la vague MeeToo, le néo-féminisme et le néo-puritanisme aient eu raison de cette sorte d’excitation perpétuelle. A l’heure où James Bond cesse de vouloir séduire et où Néo cède son pouvoir à une Trinity quinquagénaire et bagarreuse, ne serait-il pas demandé aux acteurs et scénaristes de ranger au placard tout attribut sexuel trop marqué, trop provocant, trop genré ?

« Ce débordement sexuel fut le style choisi par toute une génération. Sharon Stone déculottée dans Basic Instinct, les strass lubriques du film Show girls, les décolletés et les Wonderbras de American Pic, les minijupes de Paris Hilton dans The Simple Life, les tenues d’écolières ou en vinyle rouge évoquant (accidentellement) le BDSM de Britney Spears, les pantalons taille utra-basse de Christina Aguilera dans son clip Naughty : une armée de jeunes femmes portait à bras-le-corps ce que les générations précédentes associaient à un dévergondage, et ne s’en portaient que mieux. » (page 101)

mardi 4 janvier 2022

French punk

J’ai toujours beaucoup aimé ce que j’appelle la « littérature punk » - vocabulaire minimal, intrigue à l’os, saillies verbales, désespérance sociale, violence crue, crescendo diabolique… Les Américains excellent dans le genre, par exemple avec le trio de rêve constitué par Kathy Acker, Lydia Lunch et David Wojnarowicz. En France, la catégorie s’impose moins facilement, sauf avec Virginie Despentes – du moins, à ses débuts, parce qu’elle a pris le virage d’une sorte de punk grand public. On trouve cependant quelques pépites, comme l’œuvre du fou furieux Jean-Louis Costes ou comme l’étonnant « Sales chiens » de JB Hanak, qui sort en janvier 2022 chez Léo Scheer. L’auteur s’inspire des tournées infernales qu’il a faites avec son frère pour leur groupe d’électro-punk dDamage et nous livre une prose rapide, nerveuse, tendue, saturée d’extases musicales, de bad trips et d’intrigues brutales culminant dans un final bien dosé. Qui a dit que la French punk n’existait pas ?

lundi 3 janvier 2022

Le garçon au front bas (Contes noirs du Paris moderne, 1.3)

Quand un père de famille incite son fils lourdement handicapé à se faire des amis, sa femme s'en effraye à l'avance

mardi 21 décembre 2021

L'araignée-violon (Contes noirs du Paris moderner 1.2)

Le jour où Michel se fait piquer par une araignée, il se pourrait bien que de drôles d'instincts se réveillent en lui...

lundi 20 décembre 2021

Pauvres Blancs, Blancs riches

J’ai fait le portrait des Blancs pauvres dans « Les petits Blancs », Abel Quentin propose celui des vieux bourgeois blancs dans « Le Voyant d’Etampes » (Observatoire, 2021, Prix de Flore), crucifiés par leur époque alors même qu’ils pensaient s’en être faits les complices. C’est mordant, drôle, enjoué, brillamment mené, on dirait un cocktail de Roth pour la tension dramatique, de Wolfe pour la satire et de Houellebecq pour l’humour.

mercredi 15 décembre 2021

La Viveuse

Heureux de vous annoncer la sortie de mon prochain roman, "La Viveuse" (Léo Scheer, 2 février 2022), une histoire d'amour sur fond de handicap et d'assistance sexuelle - un thème encore inexploré par la fiction française !

Quatrième de couverture :

« Tu ne peux pas me faire ça, ma fille. Tu ne peux pas te donner à des hommes sous prétexte de faire le bien. Tu ne peux pas leur donner du plaisir de cette façon-là. Ce ne sont même pas des hommes mais des êtres diminués, des moitiés d’hommes. Il leur manque un bras, une jambe, parfois la moitié du corps, parfois la moitié du cerveau. Ce sont moins que des hommes, et toi tu es moins qu’une pute. »

Anaëlle tombe sous le charme d’un jeune invalide et débute une formation d’assistante sexuelle pour handicapés. Mais le jour où son père est atteint d’un cancer, elle décide de l’aider financièrement et, pour cela, de donner plus d’importance à son activité. Comment éviter de perdre ses proches s’ils apprennent ce qu’elle fait ?

Prostitution, bienveillance, plaisir… Quel sens donner à une pratique que la société elle-même peine à définir ? Cherchant l’amour, Anaëlle ne pensait pas devoir affronter les contradictions de l’époque."