La littérature sous caféine


mercredi 30 septembre 2015

Eva Ionesco, noirceur

Si je tarde à lire "Eva" de Simon Liberati (Août 2015), et alors même que cette même Eva (Ionesco) se trouve en couverture de "Suicide Girls" (2010), c'est que j'hésite à déflorer le mystère de cette photo somptueuse qui nous semblait, à mon éditeur et à moi, correspondre idéalement à mon histoire de jeunes filles perdues dans leur propre noirceur. Eva chercherait d'ailleurs un peu plus tard à faire retirer cette couverture, sans succès cependant puisque c'est sa mère, auteur de la photo, qui en détenait encore les droits.

dimanche 20 septembre 2015

Qui donc, au juste, comprenait Racine ?

Chaque fois que je lis du Racine, je suis taraudé par la question du public de l'époque : comment faisait-il donc pour comprendre l'intrigue ? Par quel miracle pouvait-il saisir, en temps réel, la signification de ces vers extrêmement denses, saturés de métaphores et de références mythologiques ? Baignait-il vraiment dans une culture antique qui le préparait à ce genre de pièces ? Avait-il eu vent de l'intrigue avant la représentation ? Etait-il si raffiné, si cultivé ? Ou bien venait-il au théâtre, au fond, surtout pour se faire voir...

samedi 29 août 2015

La Tour sombre : tout et n'importe quoi

Je suis un grand fan de Stephen King - j'admire sa créativité monstrueuse, et la sorte de fécondation de l'imaginaire mondial à laquelle il se livre. Mais il faut reconnaître que certains de ses livres relèvent du grand n'importe-quoi. Je pense par exemple à sa série en 8 volumes, La Tour sombre, publiée tout au long de ses quarante ans de carrière, dans laquelle je me lance tout juste et qui réalise le miracle de compiler des genre innombrables: western, science-fiction, mondes parallèles, post-apocalypse, heroïc-fantasy, épouvante, et j'en passe… C'est comme un grand gâteau trop crémeux, trop coloré, complètement indigeste mais amusant aussi pour ça - avec, en prime, malgré tout, quelques scènes d'anthologie.

mercredi 29 juillet 2015

Rien de nouveau depuis l'Antiquité

Chaque fois que je lis stoïciens, épicuriens, cyniques et autres philosophes et moralistes antiques, j'ai l'impression d'une grande bouffée de modernité... Un peu comme si les deux mille ans qui avaient suivi ne nous avaient pas apporté grand-chose, sinon des raffinements excessifs, et pour tout dire assez monstrueux.

mardi 28 juillet 2015

De la scatologie en Allemagne

J'ai l'impression que l'Allemagne - et plus généralement les pays du Nord de l''Europe - ont un rapport particulier avec la scatologie, qu'ils abordent volontiers et dont ils s'amusent. Je pense aux récents succès de Giulia Enders ("Le charme discret de l'intestin", 2015) et de Charlotte Roche ("Zones humides", 2009). Ce rapport très pragmatique au corps aurait-il un rapport avec le protestantisme ?

lundi 27 juillet 2015

William Styron, équivalent catholique à Philip Roth

J'ai enfin trouvé l'équivalent catholique du génial Philip Roth : William Styron, dont l'époustouflant "Choix de Sophie", best-seller de 1979, fait feu de tout bois dans un style comparable à celui de Roth. Dramatisation, vigueur, fluidité, passion... Et puis cette obsession pour le thème des identités qui se rencontrent et qui se heurtent, en Europe comme aux Etats-Unis.

D'ailleurs, et cela ne me semble pas un hasard, Styron adresse dans son roman des clins d'œil appuyé à Roth, par exemple en nommant Nathan le personnage de Juif incandescent, amant de Sophie à New York; puis en évoquant la place éminente du "grand roman juif" dans la littérature américaine.

dimanche 7 juin 2015

Nauru dans "Le Monde des Livres"

C'est à l'occasion de mon sixième livre (et quatrième roman) que Le Monde des Livres (édition du 29 mai 2015) me fait l'honneur de quelques lignes - certes peu nombreuses, mais agréables.

"Spéculations insulaire

21 kilomètres carrés, 10 000 habitants : c'est l'île de Nauru, dans le Pacifique. Après son indépendance en 1968, ce minuscule territoire devint l'un des pays les plus riches du monde grâce à ses réserves de phosphate ; trente ans plus tard, l'Etat a fait faillite. Si ces faits sont réels, Aymeric Patricot a choisi de les raconter à travers le personnage fictif de Willie, Philippin immigré sur l'île, qui en deviendra le président, guidé par Erland, un Occidental qui l'initie au libéralisme. Grisé par ses premiers succès, Willie se laisse entraîner dans des placements hasardeux. Entre épopée et conte philosophique, c'est un livre profond et poétique sur les ravages de l'économie de marché et l'apprentissage de la liberté." (Virginia Bart)

lundi 20 avril 2015

"Des procès en sorcellerie défiant toute cohérence".

Un message de lecteur.

Bonjour Aymeric

Mon nom est (...). A la foire du livre de Limoges, je vous ai acheté un livre "Les petits Blancs", nous avons évoqué les "tabous" actuels et nous avons convenu qu'après lecture, je vous donnerais un avis.

Globalement, la lecture est agréable, alors que le sujet n'est pas de ceux qu'on cherche puisqu'il préconditionné par des procès en sorcellerie défiant toute cohérence. Et quand on évoque le racisme, le niveau d'instruction ne se rapproche ni de la Raison, ni de l'esprit scientifique, ni de l'humanisme.

A mes yeux, ce livre indique déjà clairement votre générosité, ce qui n'est pas si courant aujourd'hui, non qu'elle soit rare. Mais il faut du courage et une véritable empathie pour aller chercher, dans les multiples portraits que vous proposez, ce qui reste de sens à la vie de chacun, puis relier ces diverses expériences pour tenter de comprendre quelque chose qui serait à comprendre entre politique, pauvreté, couleur de peau, racisme, et pire, misère morale et tristesse, voire angoisses profondes et justifications de la violence.

Il est déjà important de dire que les rencontres que vous avez faites pour nous (pour moi), sont un vrai cadeau que j'ai apprécié, puisque c'est précisément le type de rencontres qu'on fait peu. Celles qu'on fait, on ne les approfondit que rarement. Et quand on les approfondit, elles gardent un caractère isolé qui n'apporte pas cette excellente variété de situations que vous avez su juxtaposer. Ainsi, on ne peut se défiler devant une réalité produite en série par notre société et dont les différences apparentes ne proviennent que des personnalités, des circonstances et d'un hasard débridé.

Vous exprimez clairement les sentiments et ressentiments de ceux qui se retrouvent sans avenir à construire puisque tout leur échappe. Les décisionnaires sont loin d'eux, tellement loin qu'à l'évidence ils n'habitent pas le même pays et ne font pas partie de la même communauté!

La partie que vous avez étudiée est bien analysée et les idées que vous proposez ont toujours de l'intérêt. Elles méritent d'être dites. Cependant, je ne suis pas sûr de comprendre l'objectif de votre livre. C'est le constat de situations humaines, avec des ressentis qui n'ont rien de réjouissants et je ne vois pas de causes, donc pas de solutions et pas d'espoirs.

Ce qui m'a posé problème, c'est ce vous écrivez à propos de votre idéal familial "principes rigides, finalement mortifères...", "je ne suis pas loin d'être un déclassé" et autres doutes que je n'étais pas sûr de comprendre... Et puis voilà que vous écrivez quelque chose qui me touche et m'intéresse et m'éclaire: "il existe un grand nombre de personnes qui dressent une barrière de feu entre elles et ces miséreux, les méprisant avec un sens redoutable de la bonne conscience .... Ils se considèrent comme distincts, exprimant leur opinion avec une brutalité, une candeur confinant au racisme...".

Pris par la lecture des portraits, je n'ai pas, en première lecture, accordé à ces pages l'importance qu'elles avaient et j'ai dû les rechercher et les relire pour en comprendre la réelle portée et réévaluer l'ensemble du texte.

J'ai l'impression que vous dites les choses avec mesure mais qu'au delà, tous ces portraits heurtent profondément à la fois votre intelligence et votre humanité, si tant est que les deux soient séparables. Et les deux ont effectivement été séparées pour parvenir à ce fiasco d'une civilisation qui a cassé ces valeurs qui étaient ses valeurs fondatrices.

C'est le sujet que je traite selon une position quelque peu complémentaire à la vôtre. Je suis un petit blanc par la pauvreté et le milieu social, sans en faire vraiment partie sur le plan moral. Ce petit blanc écrit à propos de l'élite, de sa pauvreté morale, de son incohérence intellectuelle, et essentiellement de son pitoyable racisme légalisé, entériné par la culture qui l'a intégré sans rien voir passer. Le portrait n'est pas individuel, il est général. La démonstration est simple, dure et redoutable.

Je peux vous envoyer quelques pages qui fondent la démonstration. Si vous voulez échanger avec moi à des fins d'intérêt général, toute critique est bienvenue puisqu'elle permet d'affiner le sujet. Moi qui avait placé beaucoup d'espoir dans le mérite, je le place aujourd'hui dans le revenu de base qui permettrait de rendre leur dignité à beaucoup d'exclus plus ou moins définitifs et remplacerait tout ou partie du social et de ses dossiers administratifs à déposer aux pieds des collaborateurs du système.[...]