La littérature sous caféine


La littérature du bonheur (Benoît Duteurtre et la poétique du charme)



Je passe un temps fou dans les cafés – d’une certaine manière, ils sont ma demeure, dispersée d’un bout à l’autre de Paris… Et j’ai remarqué combien chaque établissement menait une politique identifiable en termes de recrutement : les mois défilent, les serveurs se suivent et se ressemblent… La plupart des cafés proposent chaque fois le même modèle. Dans l’un, ce sont des types secs et vieillissants ; dans l’autre, de jolies filles de vingt-ans ; dans le troisième de belles trentenaires d’un mètre soixante, solidement charpentées. Je ne sais pas si les patrons sont conscients de leurs choix, je serais très curieux d’en parler avec eux.

Peut-être eux-mêmes établissent-ils des typologies de clients ? J’ai d’ailleurs repéré quelques clients obsessionnels des cafés du Marais, comme ce vieil américain, l’air un peu triste, perdu dans une grande gabardine de feutre beige, dévorant la presse avec inquiétude et nostalgie. Je pense qu’il m’a repéré, de son côté…

Toujours est-il que cette vie dans les cafés, menée depuis quatre ans maintenant, a sans doute influencé mon goût récent pour ce que j’appelle « la littérature du bonheur », tous ces livres à l’écriture paisible et contemplative, faisant le bilan d’une existence ou le portrait d’une famille, d’une ville, d’une époque, à distance raisonnable, et privilégiant la sage observation, la dissection des choses et des sentiments, le mot juste posé sur les sensations, les couleurs et les notes.

Il y a Colette, bien sûr, la merveilleuse Colette dont j’aimerais connaître par cœur certains des livres ; Proust dont les descriptions de paysages, de fleurs ou de tableaux restent sans équivalent ; et mille petits livres moins ambitieux mais parfois tout aussi touchants, parmi lesquels l'avant-dernier livre de Benoît Duteurtre, Les pieds dans l’eau, retraçant l’histoire de sa famille depuis l’accession d’un de ses membres, René Cotty, à la présidence de la République française. Atmosphère douce et nostalgique dans ces pages où l’auteur évoque son enfance normande, entre les usines havraises et les falaises d’Etretat, et tous ces étés qu’il a passés, et qu’il passe encore, sur les galets près de l’aiguille creuse.

J’ai d’autant plus été sensible à ce livre que j’ai moi-même grandi au Havre, connu Etretat, et que j’ai toujours autant de plaisir à retrouver les plages sévères et charmantes de Normandie. J’ai beaucoup aimé la prose complice et tendre de Duteurtre, sa chronique familiale ironique mais sans méchanceté. Et j’ai souri lorsque j’ai noté la fréquence du mot « charme » sous sa plume, un mot que je finissais par guetter et souligner (il y en a beaucoup, des auteurs qui reviennent sans avoir l’air de s’en rendre compte vers des expressions fétiches, comme Houellebecq qui ne peut s’empêcher d’écrire le mot « pénible » toutes les dix pages environ – ce qui me fait toujours rire).

« Devenu parisien, je compris soudain, pleinement, l’attrait des fraîcheurs normandes. Quand j’habitais au Havre, où le vent soufflait trop fort, je rêvais de contrées ensoleillées. J’avais passé quelques séjours étouffants à Aix-en-Provence, errant dans les rues brûlantes en me persuadant d’y prendre du plaisir… Depuis mon installation dans la capitale, je m’avisais que cette côté du pays de Caux, qui s’étend du Havre à Dieppe, était pour moi le plus aimable des rivages. J’aimais de plus en plus ses falaises tombant à pic, son eau grise ou turquoise au gré du ciel changeant, ses plages en pente raide, si bien adaptées aux plaisirs de la nage. A peine éloigné de cette région, il m’apparut même que j’adorais ces grands bains salés qui, enfant, me paraissaient détestables. » (Les pieds dans l’eau, Folio 2010, page 142)

COMMENTAIRES

1. Le samedi 29 mai 2010 à 18:02, par Mathieu L.

C'est marrant, cette réflexion sur les bistros. Je suppose que tu parles des bistros de quartier, pas des bars de soirée qui ont tout de même tendance à embaucher de belles jeunes femmes à forte poitrine.

Je crois que le recrutement est adapté à deux facteurs :
1) Soit le patron se fait plaisir et embauche les gens qui lui font plaisir, que ce soit des adolescentes ou des trentenaires.
2) Soit on s'adapte à la clientèle. As-tu remarqué que dans certains rades, les serveurs varient en fonction de l'heure ? Le matin, des hommes parfois un peu âgés, et le soir, des jeunes femmes affriolantes ?

2. Le samedi 29 mai 2010 à 19:00, par aymeric

Oui, c'est sur, je parlais des bistrots de quartier...
En revanche, quelle que soit la politique de recrutement, une constante : le coté imbuvable (sans jeu de mot) d'un grand nombre de serveurs, qui se montrent hautains avec les touristes parfois déroutés par l'accueil à la française

3. Le mercredi 2 juin 2010 à 00:02, par mattD

pas tout compris, mais joli !!! :-)

4. Le jeudi 3 juin 2010 à 04:12, par manue

cest vraie que la normandie est belle, et bonne aussi. entre le charme de sa terre, et les bonnes choses qui poussent dessus c'est un beau territoire de verts paturages. ca sens meme un peu le viking encore.
paris paris. c'est vraie que pour ceux comme moi qui ne sont pas un peu habituer au cafe francais, les gens peuvent paraitre un peu rude, tres a la mode, mais bon ca va avec paris, et la plupart des grandes metropolis peut etre. pas le temps, et ca peut meme etre agreable d'une autre maniere. le fameux anonimat des grandes villes d'ou regarder passer la vie.

5. Le jeudi 3 juin 2010 à 14:03, par aymeric

Oui, très important l'anonymat... Meme s'il est difficile à garder quand on fréquente toujours les mêmes cafés. On finit bien par avoir un "bonjour" qui vous est particulièrement destiné ! J'aime bien le moment où le serveur vous apporte pile ce que vous désirez sans même vous le demander... C'est à ça qu'on reconnait les pros !

6. Le vendredi 4 juin 2010 à 08:54, par Marie

Ces merveilleux "grands bains salés" (mais pas au Havre car l'eau n'est pas très claire, contrairement à Etretat) ...

Il faut que je lise le dernier Dutreutre, ce passage que tu cites m'en donne très envie, je vais courir l'acheter ce wk. Moi qui ne lis plus du tout depuis 4 mois, ce sera ma petite "remise en jambe".

7. Le samedi 5 juin 2010 à 21:28, par aymeric

je ne sais pas si l'eau est très claire au HAvre, mais j'ai dû m'y baigner en tout et pour tout 3 ou 4 fois en 35 ans !

8. Le mercredi 22 septembre 2010 à 02:27, par oppono-web

pourquoi pas:)

9. Le samedi 25 mai 2013 à 08:56, par Tarlplarp

He said a charter school has to "pick a niche.parmi ces familles si durement touches, nous citerons entre autres la famille Fodou dont le chef, une lite trs importante et richissime homme d'affaires a t assassin quelques pas de sa rsidence de Douala;Guyana. <a href=www.findbestmulberryuk.co... sale</a> These people also ultimately pair up (give or take a little).Malgr l'absence d'Andrei Markov, le jeu de puissance montr a continu de bien fonctionner, produisant deux buts, dont un cinq contre trois. <a href=www.lvlviloveu.com>lou... vuitton sac</a> From March 23, all international students will be allowed to stay and work in any job for up to four years after they graduate from an Australian university.Here bathers can also enjoy the sea from several small beaches, such as Playita and Playa Chiquita. <a href=www.findbestmulberryuk.co... outlet</a> etc.Niue. <a href=www.karenmillenonlineoutl... millen dresses</a> It is part of a former estuary, the salt content of which is three times higher than that in the Caribbean Sea due to high evaporation at temperatures of up to 50 C. <a href=www.superhairstraightener... ??ispelling Myths Urban Legends Shaving your hair makes it grow back thicker, darker and quicker.<a href=www.mulberryoutletukhome.... outlet uk</a> As a result, production was inadequate.Costa Rica.
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10. Le dimanche 2 juin 2013 à 19:05, par morsay president

en tout cas moi en 2017 je ne me fais plus avoir par l'UMP et le PS je vote Morsay [url=www.adusb.com/post/511330... president[/url]

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