La littérature sous caféine


samedi 17 décembre 2011

Les essais légendaires : Marc Bloch, son analyse de la débâcle de 40 et sa glorieuse fiche d’identité.

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Les essais, pamphlets, témoignages, vieillissent mal en général.

Et puis il y en a qui restent et même brillent d’un éclat particulier, avant de devenir légendaires. C’est le cas de la merveilleuse Etrange défaite, de Marc Bloch. Elle se distingue par sa clarté, son intelligence, sa beauté, mais aussi par la personnalité exceptionnelle de l’auteur : courageux jusqu’au sacrifice, fin moraliste, brillant pamphlétaire, modeste qui plus est.

Résistant de la première heure, intellectuel ayant su prendre de véritables risques (et les ayant payé de sa vie), Marc Bloch jette une ombre singulière, je trouve, sur la gloire de certaines autres figures d’intellectuels prompts, eux, à donner des leçons mais beaucoup moins vaillants dans les faits.

Dans les premières pages de ce témoignage, écrit en 1940, sur la débâcle de la même année, Marc Bloch livre une page redoutablement belle sur ses valeurs et son identité, une page émouvante à lire aujourd’hui pour ses multiples échos avec les brûlants débats d’aujourd’hui – et pas seulement sur la question de l’antisémitisme. La petite fille de Marc Bloch s’est d’ailleurs offusquée récemment que Sarkozy puisse instrumentaliser ce genre de texte, pour en changer, dit-elle, le sens profond.

Certains s’élèvent d’autre part contre la figure du « Juif franco-judaïque » qu’incarnait alors Marc Bloch par ce genre de page, le genre de Juif, nous explique Bernard-Henri Lévy dans son Génie du Judaïsme (chapitre inclus dans son volume Pièces d’identité), à « raboter tout ce qui pouvait rappeler, trahir, le judaïsme en lui », marque d’un « judaïsme peureux, obsédé par la peur de créer ou faire renaître l’antisémitisme, presque honteux. » (page 247)

Cette page d’une actualité brûlante, donc, cette page à laquelle on continue à faire référence pour la revendiquer ou pour s’en moquer, est la suivante :

« Je suis Juif, sinon par la religion, que je ne pratique point, non plus que nulle autre, du moins par la naissance. Je n’en tire ni orgueil ni honte, étant, je l’espère, assez bon historien pour n’ignorer point que les prédispositions raciales sont un mythe et la notion même de race pure une absurdité particulièrement flagrante, lorsqu’elle prétend s’appliquer, comme ici, à ce qui fut, en réalité, un groupe de croyants, recrutés, jadis, dans tout le monde méditerranéen, turco-khazar et slave. Je ne revendique jamais mon origine que dans un cas : en face d’un antisémite. Mais peut-être les personnes qui s’opposeront à mon témoignage chercheront-elles à le ruiner en me traitant de « métèque ». Je leur répondrai, sans plus, que mon arrière-grand-père fut soldat, en 93 ; que mon père, en 1870, servit dans Strasbourg assiégé ; que mes deux oncles et lui quittèrent volontairement leur Alsace natale, après son annexion au IIè Reich ; que j’ai été élevé dans le culte de ces traditions patriotiques, dont les Israélites de l’exode alsacien furent toujours les plus fervents mainteneurs ; que la France, enfin, dont certains conspireraient volontiers à m’expulser aujourd’hui et peut-être (qui sait ?) y réussiront, demeurera, quoi qu’il arrive, la patrie dont je ne saurais déraciner mon cœur. J’y suis né, j’ai bu aux sources de sa culture, j’ai fait mien son passé, je ne respire bien que sous son ciel, et je me suis efforcé, à mon tour, de la défendre de mon mieux. »

La suite du texte livre de fines analyses de la défaite (conçue comme le résultat d’une somme de faiblesses particulières) et réserve plusieurs phrases devenues des références : « C’est un pauvre cœur que celui auquel il est interdit de renfermer plus d’une tendresse » (à propos de l’amour conjugué de l’internationalisme et de la patrie) ; « Il est deux catégories de Français qui ne comprendront jamais l’histoire de France, ceux qui refusent de vibrer au souvenir du sacre de Reims ; ceux qui lisent sans émotion le récit de la fête de la Fédération. » (Phrase récitée plusieurs fois par Sarkozy).


Zemmour Nolleau BHL Le genie du judaisme 1/2... par walpisnakepriest

Sans parler d’un beau texte, dans le même volume, intitulé « Pourquoi je suis républicain », assénant ses principes avec force et sérénité dans un contexte de résistance à l’occupant nazi. Difficile de ne pas adhérer à ce genre de passage, à l’heure où il devient de bon ton, parfois, de se moquer de la notion même de République :

« La cité étant au service des personnes, le pouvoir doit reposer sur leur confiance et s’efforcer de la maintenir par un contact permanent avec l’opinion. Sans doute cette opinion peut-elle, doit-elle être guidée, mais elle ne doit être ni violentée ni dupée, et c’est en faisant appel à sa raison que le chef doit déterminer en elle la conviction. »

(…)

« Qu’on le veuille ou non, la monarchie a pris aux yeux de toute la France une signification précise. Elle est comme tout régime, le régime de ses partisans, le régime de ces Français qui ne poursuivent la victoire que contre la France, qui veulent se distinguer de leurs compatriotes et exercer sur eux une véritable domination. (…) La République, au contraire, apparaît aux Français comme le régime de tous, elle est la grande idée qui dans toutes les causes nationales a exalté les sentiments du peuple. C’est elle qui en 1793 a chassé l’invasion menaçante, elle qui en 1870 a galvanisé contre l’ennemi le sentiment français, c’est elle qui, de 1914 à 1918, a su maintenir pendant quatre ans, à travers les plus dures épreuves, l’unanimité française ; ses gloires sont celles de notre peuple et ses défaites sont nos douleurs.

lundi 12 décembre 2011

Jourdain, quartier chaud



Suicide en direct, accident grave de scooter, mort sur le trottoir d’une sdf, incendie non loin de là des locaux de Charlie Hebdo, tout cela sur un lit copieux d’ordures et de papiers qui traînent… Le quartier de Jourdain (Paris 20), pourtant réputé pour son atmosphère de village bobo, réserve bien des surprises, et la dernière en date vaut son pesant de feux d’artifice : dans la nuit de vendredi à samedi (10 décembre 2011) derniers, la petite rue Constant Berthaut s’est entièrement embrasée. Dix voitures brûlées, deux magasins détruits, façades noircies, quatre blessés. Tout le week-end, c’est un spectacle de désolation qui s’est offert aux yeux des habitants.

Les langues se délient, on dit que des flics en civil rôdent pour attraper les rumeurs. Certains ironisent sur le fait que l’incident annoncerait de bien joyeuses festivités de Noël et du Nouvel An – l’année dernière, une vieille dame est morte carbonisée dans son appartement qu’un pétard avait atteint. J’entends une femme murmurer qu’ « il faut quitter Paris, pendant qu’il en est encore temps », pendant qu’une autre vitupère contre « cette époque de voyous, sans valeur ni courage ». Ambiance… Le même soir, j’avais fait boire quelques amis plumitifs dans mon appartement. Le petit groupe cacherait-il un dangereux pyromane ?

vendredi 9 décembre 2011

Les Alliés contre les Opposés

Lors d'oraux de bac blanc :

1) - On le voit dans la pièce Oedipe-Roi, de Soclope... - Soclope ? Tu ne confondrais pas avec Cyclope ? - Euh... Soclophe ?... Clophope ?... Phosocle ?...

2) - Tu m'as dit que la pièce avait été écrite en 1784... C'est juste. Peux-tu me dire ce qu'il s'est passé quelques années plus tard, en 1789 ? - 1789 ?... Euh... Non, je vois pas... - 1789 ! - Euh... Non, vraiment... 1789... Non, je vois pas...

3) - Tu m'as expliqué que le poème se passait en 1944 à Brest, sous les bombardements. Peux-tu me rappeler de quelle guerre il s'agissait ? - Je sais plus trop... - Ceux qui bombardaient étaient les Alliés. Te rappelles-tu contre qui luttaient les Alliés pendant la seconde Guerre Mondiale ? - Les Alliés ?... Euh... Contre les Opposés ?...

Dans la rue, le même jour :

4) Un petit groupe scolaire guidé par une institutrice. Deux garçons (sept-huit ans) s'amusent: "Ouah, je lui filais des coups de pied dans la gueule, il était là, il pleurait, il me disait "Me frappe pas! Me frappe pas!", et moi je continuais, je lui filais des coups dans la gueule, des coups de pied, tu vois, ça saignait de partout, trop marrant !" Les deux garçons, tout excités, rient très fort. A côté, l'institutrice fait semblant de ne rien entendre et parle bonbons avec une petite fille qu'elle tient par la main.

5) Un homme parle très fort au téléphone: "Cette affaire va très mal finir ! Quelqu'un va y laisser sa peau, c'est obligé !"

lundi 5 décembre 2011

Entretien sur Beur FM avec Philippe Robichon

Discussion sympathique à bâtons rompus avec Philippe Robichon sur Beur FM, le 1er septembre 2011, à propos d' Autoportrait du professeur en territoire difficile :


Aymeric Patricot sur Beur FM par monsieurping2

mardi 29 novembre 2011

La mort ordinaire dans les rues de Paris



Il y a quelques jours, moment de stupeur et d'émotion devant une chapelle ardente, à deux pas de l'église du métro Jourdain. Une Sdf qui squattait le même matelas depuis des années venait de nous quitter. Mimi, victime d'un arrêt cardiaque à 57 ans... Les gens l'avaient plutôt évitée, de son vivant. Constamment ivre, elle n'avait fait qu'apostropher les passants pour leur demander des cigarettes. Ses amies d'infortune étaient parfois plus agressives, mais non moins touchantes. Elle avait fait partie du décor. Nous l'avions croisée tous les jours et nous nous étions faits à sa présence. Quelques personnes ont éclaté en sanglots devant les bougies... Nous savions que l'histoire finirait de cette façon, et j'imagine que tout le monde ou presque a ressenti une grande impuissance, en même temps qu'une grande tristesse.

Hasard des calendriers, et au risque de paraître futile en bifurquant vers la littérature, je finissais le même jour un roman de Simenon, Maigret et le clochard, que j'avais décidé de lire depuis que j'avais appris qu'il était considéré par certains comme le mieux écrit de l'auteur. C'est un petit livre agréable, racontant une enquête à propos d'un clochard qu'on a tenté de noyer, près du pont Marie. Les atmosphères se mêlent, sur fond de désespoir ordinaire et de rivalités familiales. Ce n'est pas le style qui m'a plu, au demeurant fort simple, mais bien la justesse et la force des sentiments dont la peinture est tout juste esquissée. Cela m'a rappelé l'un des "romans américains" de Simenon, lu l'année dernière, tout imprégné de vapeurs alcoolisées - et je préfère, je crois, les drames familiaux de Simenon à ses romans de format policier.

A propos de style, j'ai remarqué une curieuse particularité chez Simenon : dans la plupart des phrases réclamant le passé simple, parce qu'elles décrivent des actions ponctuelles, Simenon préfère l'utilisation de l'imparfait. Après deux cents pages, je n'ai toujours pas compris l'intérêt de cette pratique - Simenon cherchait-il à créer comme une sorte de poésie de la suspension des actes brefs ?

Un joli paragraphe établissant sans doute un parallèle implicite entre le travail de l'enquêteur et celui du romancier:

"Maigret parlait rarement à sa femme d'une enquête en cours. Le plus souvent, d'ailleurs, il n'en discutait pas avec ses plus proches collaborateurs à qui il se contentait de donner des instructions. Cela tenait à sa façon de travailler, d'essayer de comprendre, de s'imprégner petit à petit de la vie de gens qu'il ne connaissait pas la veille." (page 107)

vendredi 25 novembre 2011

La littérature salvatrice

Sophie Adriansen signe une belle critique d'Autoportrait du professeur sur le site La cause littéraire :

"Aymeric Patricot enseigne la littérature dans des établissements situés dans ce que l’on nomme des quartiers sensibles – des Zones d’Education Prioritaires, selon l’appellation officielle. Il y découvre un monde à mille lieux de tout ce qu’il a connu lui-même en tant qu’élève, un monde, surtout, auquel rien ne l’avait préparé.

« Je crois pouvoir affirmer qu’il existe ainsi deux métiers : dans les collèges favorisés, le professeur transmet des connaissances, identifie les progrès à faire, exerce les élèves ; dans les défavorisés, le professeur contient la violence, lutte contre le bavardage, œuvre pour ce qu’on appelle la vie de classe, égrène les principes du « vivre ensemble » et s’estime heureux lorsqu’il fait apprendre, pendant l’année scolaire, quelques maigres notions comme le présent de l’indicatif ou les grandes lignes de l’Odyssée. Certains redoutent l’avènement d’un système à deux vitesses. Il me parait évident qu’il existe déjà » (page 28).

Après quelques années d’expérience, il tente un premier bilan, mettant en regard ses désillusions et les promesses qui ont jalonné sa formation, pointant aussi les inepties du système et la double peine dont sont victimes les enseignants malmenés par les élèves, et qui ne trouvent aucun soutien de la part des directeurs d’établissement.

Quand l’enseignement se limite à la discipline, quand la transmission est davantage celle de quelques valeurs fondamentales que du savoir, comment conserver foi en ce que d’aucuns considèrent comme une vocation (l’auteur lui-même, diplômé de HEC, a réorienté sa carrière par goût des lettres et envie de les partager) ? Comment ne pas se sentir trahi par l’institution ?

Dans cet Autoportrait bref et percutant, Aymeric Patricot ne cède pas à la facilité de la généralisation ni de la complainte. Il se base sur son seul parcours pour faire sa démonstration, amener ses réflexions plus globales sur la fracture sociale sensible dès l’école, et, malgré le constat amer, révèle ce qui le maintient la tête hors de l’eau du désespoir : la littérature et la possibilité de partager, par petites touches, des textes forts avec les élèves. Les œuvres de Molière, Baudelaire, Corneille, La Fontaine sont de ceux-là.

D’une plume aiguisée et maîtrisée, choisissant toujours le mot juste et percutant, Aymeric Patricot rend avec cet essai un hommage à la littérature salvatrice et se pose en ardent défenseur de la cause littéraire."

lundi 21 novembre 2011

David Wojnarowicz, l'auteur qui traumatise les jeunes femmes


Fire in My Belly de David Wojnarowicz, Diamanda... par altimsah

La découverte, il y a dix ans, du Chroniques des Quais de David Wojnarowicz, m’a profondément marqué. J’y ai vu l’une des limites que la littérature pouvait atteindre, la description d’un monde de violence infernale dont certains auteurs, d’époques et de sensibilités proches, comme Kathy Acker, Lydia Lunch, Hubert Selby Jr, ont donné d’autres aperçus. Cela m’a décomplexé pour écrire certains textes, et ces auteurs-là brillent désormais d’une lumière particulière dans mon panthéon, une lumière plus crue que d’autres, parfois plus simpliste, mais indéniablement plus intense.

Le 20 Octobre dernier, Laurence Viallet proposait à la librairie Le Monte en l’air une soirée de lectures et de projections (dont le film ci-dessus) autour de la sortie de deux nouvelles traductions de David Wojnarowicz, Spirale et Seven Miles a second. C’était très touchant de voir réunis des admirateurs de l’écrivain, mais aussi quelques personnes l’ayant connu et aimé, comme Marion Scemama, photographe. J’ai très envie d’écrire un jour un essai qui rendrait hommage à l’écriture de Wojnarowicz. En attendant, j’ai dévoré Spirale, trop court à mon goût, mais réservant de belles surprise comme ce cri du cœur, page 59, à propos des ravages de la maladie (on dirait du Guibert, en moins élaboré) :

"Parfois j'en viens à détester les gens parce qu'ils ne peuvent pas se mettre à ma place. Je suis devenu vide, complètement vide et tout ce qu'ils voient c'est une forme visuelle ; mes bras et mes jambes, mon visage, ma taille et mon attitude, les bruits émis par ma gorge. Mais putain que je suis vide. La personne que j'étais il y a seulement un an n'existe plus ; un tourbillon m'emporte lentement et je me laisse aller à la dérive dans les profondeurs lointaines de l'éther."

Dans le cadre d’un atelier d’écriture que j’ai animé cet automne sur le campus havrais de Sciences-Po, j’ai fait découvrir à mes élèves Wojnarowicz et quelques auteurs de la même trempe, et il semble que ces lectures aient fait leur effet. Une élève, après nous avoir livré une nouvelle de son cru particulièrement sombre, nous a dit en riant avoir été traumatisée par Wojnarowicz et Lydia Lunch. Elle n’avait écrit jusqu’à maintenant que des histoires de princesses. Ces lectures ont fait basculer son univers mental de visions de robes blanches à celles de cutters plein de sangs. Merci David !

lundi 14 novembre 2011

Le chapitre 4 du Système Victoria, d'Eric Reinhardt



Ce que je préfère dans le dernier roman d'Eric Reinhardt (Le Système Victoria, Stock, 2011), l'un des romans les plus célébrés en cette rentrée 2011 (et le vainqueur, pour l'anecodte, du fameux Prix Trop Virilo dont j'ai parlé ici-même), ce ne sont ni les digressions sur l'érotisme du capitalisme, ni les scènes érotiques elles-mêmes, ni les dialogues sur les différences entre la droite et la gauche, ni les rebondissements de l'intrigue économique (le narrateur est en charge d'un immense chantier parisien), mais le chapitre 4 en son entier, qui se détache singulièrement à mes yeux.

Il y est question de la déchéance de la petite amie du narrateur, Sylvie, lorsqu'ils sont encore jeunes. On la voit progressivement sombrer dans les délires et frôler la schizophrénie. Le narrateur est très touché par cette épouvantable souffrance, et le père, militaire aux principes rigides (comme il se doit), rejette la faute sur son beau-fils, qu'il trouve beaucoup trop féminin à son goût. Les quelques jours de coma de Sylvie, venant clore cet épisode de profonde dépression, scelleront le destin du narrateur.

La précision des descriptions, le souffle du chapitre, la tension dramatique m'ont fait penser à quelques classiques évoquant la chute dans la folie (je pense à Mademoiselle Else de Schnitzler), et par contraste l'histoire du narrateur avec sa future maîtresse, Victoria, perd un peu de sa saveur. C'est un véritable petit roman dans le roman, le genre de passage à pouvoir éclipser le reste de l'oeuvre - sans doute parce qu'il touche un point sensible. J'avais ressenti la même chose en lisant par exemple Le Bûcher des Vanités, de Tom Wolfe, avec le monologue d'un pasteur noir (si mes souvenirs sont bons), dans la première partie du roman, dont le caractère incandescent avait affadi la suite.

Un passage particulièrement juste, dans ce chapitre 4, sur le "déclassement de soi-même" :

"C'est en désacralisant la vie, c'est en se déclassant soi-même dans la représentation qu'on peut s'en faire (au lieu de sanctifier la réalité et d'en attendre des événements qui en seraient l'écho sacré), c'est en envisageant l'existence comme un lieu de hasards, d'efforts, d'accidents, de volonté, de transactions, de compromis, de trahisons ou de rapports de force - c'est alors qu'on peut décider de ne plus différer et de se mettre à vivre, de se jeter avec les autres dans la fosse aux lions et de s'y battre. C'est quelque chose que j'ai mis des années, des années, des années à comprendre." (Le Système Victoria, page 134)

Au passage, légère surprise en lisant, page 305, la phrase suivante :

"Je lui réponds que ce coma s'est solutionné un matin par le réveil de Sylvie."

J'avais peur que ce verbe affreux de "solutionner", qui a déjà contaminé le vocabulaire journalistique, contamine aussi celui de la littérature, et il semble que ce soit chose faite...