La littérature sous caféine


mercredi 3 juillet 2024

Catharsis

En trente ans, la vie collective s’est durcie. Les partis politiques se haïssent, la violence s’est installée dans la rue – attentats, émeutes, coups de force. Le pays se contracte pour faire face à des enjeux qui le dépassent. Il peine à dessiner des voies d’avenir. Les rêves sont des rêves défensifs. Les autres continents progressent, eux. Mais la France, et l’Europe tout autour, se crispe et pousse des cris. On nous avait pourtant promis la paix et la prospérité, quitte à nous en imposer la formule par la force. En tout cas j’ai la sensation, en me rendant au Hellfest pour la deuxième année consécutive, de débarquer dans une zone en phase avec l’époque. Catharsis à tous les étages. Les foules n’y votent pas d’un seul tenant mais elles hurlent pour exorciser leurs monstres. L’heure n’est plus aux bluettes. Vive les voix rocailleuses et les murs de la mort.

lundi 24 juin 2024

Les ardents au crime

Surtout, résister à la tentation de lire les classiques à la lumière de l'actualité politique... Dans la pièce d'Eschyle, Eteocle voue aux gémonies le devin Amphiaraos, qui s'est associé aux criminels menés par Polynice contre Thèbes : "En toute entreprise, il n'y a rien de plus funeste que de mauvais associés ; le fruit n'est pas bon à cueillir. Dans le champ de l'erreur on ne récolte que la mort. Qu'un homme pieu s'embarque avec des nautoniers ardents au crime, il périt avec cette engeance odieuse aux dieux."

vendredi 14 juin 2024

Les images

Mon goût pour les images s’accentue. J’achète des romans illustrés, je collectionne des cartes, je récompense des élèves en leur proposant de piocher dans une boîte à vignettes. J’aime les mouvements littéraires qui suscitent des floraisons picturales, les mouvements artistiques qui bourgeonnent sur les références littéraires. Récemment, j’ai même offert du champagne à quiconque m’apporterait une image. J’aime leur opacité, leur naïveté, leur mystère. Elles m’adressent des clins d’œil qui ne déçoivent jamais. Mon attirance pour elles s’accompagne d’une fascination pour le surréalisme.

Rien d’étonnant à ce qu’oracles et tarots éveillent mon intérêt. En eux se conjuguent l’art de la parole, le plaisir des visions. Ils jouent sur ces archétypes dont parlait Jung et sur lesquels brode Jodorowski dans son imparable « Voie du Tarot ». Le fait qu’André Breton ait intitulé l’un de ses classiques « Arcane 17 », en référence à l’arcane de l’étoile, ne peut que m’encourager. J’ai la sensation de basculer vers une sorte d’ivresse précédant les mots.

mardi 30 janvier 2024

Rap et champagne

Depuis que j'habite en Champagne, je m'amuse à guetter dans le rap la présence de la boisson de rois. Symbole de raffinement, il s'affiche (mieux, se dilapide) comme un gage de succès. Snoop et Pharrell célébraient le Chandon dans "Drop it like it's hot" (2004), 50 Cent arrosait de mousse ses copines lascives dans "Disco Inferno " (2005), Rick Ross poursuit le storytelling du rap au champagne en 2023 dans l'imparable "Shaq & Kobe". Contraste maximal entre la protestation de bon goût et la vulgarité...

"Sippin' champagne, i own it myself
You niggas better learn to own you some wealth."

lundi 15 janvier 2024

Cervantès 2024

Heureux d'avoir commencé mon année à Madrid. Ça tombe bien, je comptais mettre 2024 sous le signe de Cervantès, après avoir placé 2023 sous l'égide de Dante et de Céline. Depuis quelques temps je laisse ainsi respirer de grandes oeuvres en moi, me laissant la chance de les finir et de me les appropier. Sans ces marathons, j'aurais la sensation de courir après les chefs-d'œuvre, de les lire trop vite et de m'essouffler.

Le livre, vintage

A Madrid, je retrouve cette tendance des beaux hôtels à utiliser comme éléments de décoration de vieux livres de poche français. Mythification de la littérature ? Le vintage est un baiser de la mort... Pas l'impression qu'un seul client ait envie de feuilleter le moindre volume, alors que je les aurais bien tous dérobés, moi.

lundi 8 janvier 2024

Expérience avortée...

Je m’étais dit qu’il pouvait être intéressant de faire lire à mes étudiants quelques pages du roman de Nicolas Mathieu, « Connemara ». Comment réagiraient-ils à cette satire de l’audit ? Ils se préparent à entrer en entreprise mais n’en connaissent rien. Je les avais mis en garde : le chapitre leur donnerait une vision concrète mais pourrait les accabler.

Leurs réactions n’ont pas été probantes. Ils ont trouvé la peinture un peu triste, et n’ont pas pris la peine de lire ce que nous n’avions pas eu le temps de découvrir en classe. L’ironie, c’est qu’ils se sont ainsi comportés comme le romancier le reproche aux cadres sup, c’est-à-dire en se faisant une religion de l’efficacité. A quelques mois des concours, pourquoi perdre son temps à lire un roman ? Il y aurait cependant mauvaise grâce à le leur reprocher… Après tout, le professeur de prépa les initie par avance à la mécanique de l’utilitarisme. Est-il vraiment de son devoir de leur proposer des exercices d’ironie ?

mercredi 20 décembre 2023

Rutilant

Chez Piot-Sevillano, on trouve pas moins de quatre types de cuves : des cuves en acier émaillé, des œufs en béton, des foudres de chêne, des jarres en grès… Comme toujours avec le champagne, on le boit sans trop y penser mais il est un produit complexe, un vin authentique, élaboré par des vignerons à la fois travailleurs, techniciens, gourmets et esthètes !