La littérature sous caféine


jeudi 12 avril 2007

L'énigme souriante



Je viens de comprendre comment compresser des images, et je ne résiste pas à l'envie de glisser ici l'une des photos tirées de mon voyage au Sénégal - atmosphère mélancolique ici pour cette vue d'un quartier de pêcheurs, à Saint Louis...

Et je complète par une belle phrase du roman Thérèse, de Schnitzler :

"Devant elle, l'énigme souriante des quelques heures dont elle pouvait disposer." (p 60)

mardi 10 avril 2007

Schnitzler, mon frère !



J’ai découvert Arthur Schnitzler (Vienne, 1862-1931) en passant l’agrégation de Lettres. Depuis, je garde le sentiment d’être une sorte de double de cet écrivain : je me sens parfaitement en phase avec chacune de ses inquiétudes, et s’il peut paraître présomptueux d’affirmer Ce livre-là, j’aurais pu en être l’auteur, du moins j’ai du plaisir à dire : Je lis ce romancier comme si je lisais dans la personne que j’aurais été à la même époque…

Sa longue nouvelle Mademoiselle Else présente le monologue subtil d’une adolescente prête à commettre le suicide pour attirer l’attention d’un père manipulateur : prose délicate, cherchant à saisir au plus près les contradictions les plus intimes de nos mouvements de pensée. J’étais animé par un projet très proche, en écrivant Azima

Son chef-d’œuvre est sans doute la Nouvelle Rêvée (Traumnovel), petit bijou dont Stanley Kubrick a tiré le cérébral Eyes Wide Shut, à mille lieux du frémissement et de l’angoisse contenus dans le texte. Récemment sur ce blog nous évoquions les rapports Hommes/Femmes et la manière inquiète dont je pouvais en parler : pour moi La Nouvelle Rêvée constitue comme un repère en la matière, et le bréviaire de toutes les peurs que peut susciter la vie de couple pour un homme (Rappelez-vous : ce mari rendu presque fou par les rêves que lui raconte sa femme, dits sur un ton détaché…)

J’achève de lire le dernier roman de Schnitzler, Thérèse, dans lequel l’auteur a semble-t-il concentré tout le pessimisme dont il était capable : la pauvre Thérèse, indifférente à beaucoup d’hommes, incapable de trouver celui qui lui convient, sombre dans une misère de plus en plus palpable. Rien à redire à cet implacable roman ciselé, si ce n’est son parfum de fatalité : Schnitzler, au crépuscule de sa vie, n’aurait-il pas cherché à se venger sur son héroïne de toutes les peurs qu’auront suscité, chez lui, la gente féminine ? (Comme par hasard, Thérèse reconnaît ne pas être dotée de l’instinct de maternité…)

Rappelons-nous que Schnitzler et Freud se sentaient très proches. Freud considérait qu’ils avaient des intuitions comparables, Schnitzler les présentant sous forme romanesque. Ce n’est pas surprenant que je voue la même admiration aux deux hommes.

Souvenons-nous de La Ronde de Max Ophüls, film étincelant, un brin précieux, un brin cynique, merveilleux de finesse et d’équilibre, tiré du même Schnitzler.

Et finissons ce billet par un court extrait de Thérèse, assez représentatif de la prose classique et douce du cher Arthur :

« Mlle Sylvie n’avait pas l’air de croire à son innocence, et de fait, la jeune fille s’étonnait parfois que son cœur et ses sens eussent perdu la mémoire du bonheur et de la volupté goûtés dans les bras de son amant. La déception, éprouvée devant sa trahison, avait fait place à un profond scepticisme. Il lui semblait que jamais plus elle n’aurait foi dans un homme et inconsciemment s’en réjouissait. Sa réputation irréprochable la flattait – elle savait non sans fierté que Mme Eppich, vis-à-vis de ses amis, mentionnait fréquemment son origine aristocratique. » (p59)

vendredi 6 avril 2007

100% Bac Français



Pas dégueu de faire passer des oraux blancs pour le bac.

La preuve en quelques extraits :

« Nathalie Sarraute c’est un auteur du 20ème siècle… C’est-à-dire… Comme tous les auteurs du 20ème siècle… Ils disent ce qu’ils ont à dire, quoi… »

« Diderot c’est un auteur du 17ème siècle, et il est romantiste… Il écrit des romans, quoi, il est romantiste… »

« Voltaire on dit qu’il est un poète tragique… A peu près… Ouais… »

mardi 3 avril 2007

Ravaillac, c'te racaille...



Une bonne perle, rapportée par une cousine :

- Quel est le descendant d'Henri IV ?

- Celui qui a descendu Henri IV, Madame, c'est Ravaillac !

lundi 2 avril 2007

Merde et profusion



Excellente mise au point sur la littérature contemporaine dans le Hors-Série de Technikart de Mars 2007 (même si leur liste des « 10 écrivains français de demain » me laisse plutôt perplexe). Interview croisée, stimulante, entre François Bégaudeau et Richard Millet, le premier affirmant par exemple :

« On vit dans une ère démocratique où l’on voit de plus en plus de livres. On a droit au meilleur et au pire, et on s’attarde toujours sur le pire. Peu de gens se réjouissent du fait que, finalement, il n’y a jamais eu autant de gens qui ont eu accès à l’écrit. On préfère se plaindre du revers de la médaille – dire que si tout le monde écrit, que la notion de valeur se perd, etc. Je n’attends pas des « grands écrivains » qui surgiraient comme des phares. A chacun de frayer sa trajectoire de lecteur, d’écrivain ou de journaliste dans ce labyrinthe de textes. Je suis très borgesien du coup, là-dessus : j’aime l’idée de se réjouir de cette profusion. »

Je partage l’optimisme de Bégaudeau quant à l’avenir de la chose écrite : je ne vois pas pourquoi le nombre de lecteurs, et d’auteurs, n’irait pas grandissant à l’échelle de la planète. En revanche j’attends, moi, que surgissent de la masse quelques « grands écrivains »… C’est pas mal, je trouve, les « grands écrivains »… Contrairement à ce qu’en dit une certaine école littéraire parisienne se moquant de ce qu’elle appelle « la figure du Grantécrivain ».

Pour le clin d’œil, petit extrait de l’interview de William H. Gass, l’auteur du fameux Tunnel (qui vient d'être traduit et que je dois d'ailleurs aller acheter), somme romanesque ayant nécessité trente ans d’écriture : « Chez Houellebecq la langue est inexistante, ça n’a aucun intérêt. Et ce n’est pas la pornographie qui m’a dérangé. Il y a les livres qui parlent de la merde et d’autres qui sont simplement de la merde. »

vendredi 30 mars 2007

Footing et romans de gare



Pour la première fois depuis quinze ans j’ai couru pendant 1 heure (3 tours du Parc des Buttes Chaumont à petites foulées, croisant toutes les vingt minutes les mêmes coureurs en sens inverse). Tout en me vidant la tête et le corps des tensions accumulées depuis des semaines, je réfléchissais aux vertus purgatives des romans « faciles » et je comparais l’efficacité de ma course à celle du livre de Douglas Kennedy, Les charmes discrets de la vie conjugale (Pocket, 2007). Je dévore en ce moment les 600 pages de ce best-seller mondial et je me régale de cette prose insipide, sans style, sans lourdeur non plus, parfaite pour vous happer et vous rendre plus serein.

Un moment l’auteur lance une pique à Thomas Pynchon : la narratrice tente de lire quelques pages et laisse très vite tomber. Difficile en effet d’imaginer deux littératures plus antagonistes que celles de Pynchon (dont le dernier roman fait sensation, semble-t-il, aux Etats-Unis en ce moment) et Douglas Kennedy. Mais je prends mon plaisir aux deux…

jeudi 29 mars 2007

Sondages et cerisiers



sleblanc.blog.20minutes.fr/)

Une mousse hier avec un ami professeur de littérature au Japon, Michaël Ferrier, auteur du beau Tokyo, Petits portraits de l’aube (Gallimard, L'Infini). Il me raconte qu’un scandale vient de marquer le Japon : le présentateur météo s’est trompé de deux jours dans sa prédiction de la floraison des cerisiers. Crime de lèse-majesté ! Pendant que les quotidiens japonais fêtent les fleurs en Une, nous avons droit à la Gare du Nord en feu. Pour me remonter le moral, je me précipite chez Gibert pour acheter trois romans japonais.

Cours à Sciences-Po : pas inintéressant de sonder les élèves sur les auteurs étudiés. Sur Houellebecq par exemple : 1/3 des élèves se disent rebutés, 1/3 plutôt séduits, 1/3 indifférents. Pour Sollers le résultat est plus surprenant : 19 élèves sur 20 restent dubitatifs, et le 20ième trouve le trublion bordelais absolument génial…

mercredi 28 mars 2007

Cancer cool

- Dites, Monsieur, c'est grave le cancer ?