La littérature sous caféine


mercredi 10 août 2022

A quoi bon ?

Jean-Benoît Patricot est un cousin très éloigné. Après avoir écrit quelques romans, il s'est lancé dans le théâtre et je m'étais juré depuis longtemps d'aller voir sa pièce à succès "Darius", sans savoir quel était son sujet. Quelle surprise de découvrir qu'elle parlait de handicap ! Je n'aurais sans doute pas écrit "La Viveuse" si je l'avais su. Hasard des inspirations ? Improbable inconscient familial, même à des distances considérables ?

Au festival d'Avignon j'ai choisi d'aller voir son autre pièce à l'affiche, "L'aquoiboniste". Son titre, que j'aime beaucoup, semblait annoncer un personnage à la Oblomov, mais elle traite plutôt de deuil, de déni, d'amour absolu. L'écriture très dense sert une prestation physique, impeccable de justesse, de Betrand Skol. Une expérience intense, qui peut rappeler encore une fois le thème du corps empêché (un homme vit toujours alors que tout le monde le croit mort), mais libère en fait des énergies insoupçonnées.

mardi 9 août 2022

Comédie culottée

Pour ma toute première comédie musicale, découverte du Festival Off d'Avignon au théâtre La Luna, c’est assez cocasse que je tombe sur le thème des maisons closes avec "Belles de nuit", écrit et mis en scène par Jonathan Kerr. Ayant travaillé le thème de la prostitution pour l’écriture de "La Viveuse", je sais combien certaines lois prétendant défendre les femmes en luttant contre la prostitution se révèlent en fait des armes contre les prostituées elles-mêmes. Sous leur prétendue moralité, elles cachent mal un certain ressentiment bourgeois. C’est sans doute le cas de la loi Marthe Robert, dénoncée par cette pièce pour avoir jeté sur les trottoirs un nombre important de prostituées en ordonnant la fermeture des maisons closes, au lendemain de la IIème Guerre mondiale. Quoi qu’il en soit, il est assez culotté d’en faire un sujet de comédie musicale, le tout très enlevé, très rythmé, intelligemment mené, avec des acteurs parfaits (dont Alyzée Lalande) pour jouer les souteneurs ou les cocottes – au point, entendrai-je dans les rangs de certains spectateurs, de susciter une étrange ambiguïté : « on se sent un peu voyeur à regarder ces actrices-là… »

jeudi 7 juillet 2022

Suicide girls, épisode 5/10

La rencontre

Un soir de solitude et d'alcool, à Cherbourg, Amaury rencontre Manon et tombe en extase...

lundi 4 juillet 2022

Je peaufine ma connaissance du régime en place

A l’âge de vingt ans, j’ai lancé un fanzine que j’avais intitulé, non sans malice, « Le journal de l’extrême-centre ». Je ne me doutais pas que, vingt-cinq ans plus tard, l’expression que je prenais pour une boutade – et qui disait malgré tout quelque chose de quelques intuitions politiques – deviendrait non seulement une expression consacrée, mais qu’elle servirait à de très sérieux analystes politiques pour décrire la force politique majoritaire du pays. Vieillir, c’est se laisser surprendre.

jeudi 30 juin 2022

Résumé clinique de la vie n°3

J’ai déjà relevé chez Hugo et Houellebecq deux paragraphes d’inspiration similaire, proposant un résumé sans concession de l’existence – le premier dans « Les Misérables », le second dans « anéantir ». Je trouve dans « La poursuite de l’idéal » une troisième occurrence de ce véritable exercice de style. Comme chez ses prédécesseurs, ce n’est pas très gai mais je trouve ça drôle :

« Et si l’on comprenait tous, se disait-il, vers trente ans, que l’amitié relève du mythe, l’amour de l’illusion, et la sympathie du mirage ? Partout des ombres et des fantasmes, créés par la peur du noir. Et le voilà ramené à bébé qui chiale, bébé qui avait tout pressenti, à deux mois, de la séparation ontologique, de l’inévitable solitude de la condition humaine. Plus tard, à l’école, au lycée, à la fac, des groupes se forment, des amitiés éclosent ; puis des couples qui compensent, par l’intensité romantique, ce qu’ils perdent en sorties, en camaraderie. Un jour, la bulle éclate, écrivait-il dans son journal, l’iridescence s’évanouit, il ne reste plus qu’un petit être promis à la mort, dans l’indifférence générale. Quand il vit trop longtemps, ce petit être est rangé dans des mouroirs, on le mouche, on le lange, on l’essuie, on le divertit, puis on le jette. » (Gallimard, page 439)

mercredi 29 juin 2022

Suicide girls, épisode 4/10

4ème épisode, "Révoltes"

Amaury cherche à se faire pardonner d'être un bourgeois, Manon se révolte contre les adultes.

mardi 28 juin 2022

Aymeric est un con !

Après l’aristocrate dépressif et suicidaire de Houellebecq dans « Sérotonine » (Flammarion, 2019), après le professeur ridicule et prétentieux, bobo woke jusqu’au bout des dents, de Lafourcade dans « L’Ivraie » (Léo Scheer, 2018), je dégotte un troisième Aymeric dans un roman contemporain, et ça n’est pas jojo.

Il s’agit d’un personnage secondaire du beau livre de Patrice Jean, « La poursuite de l’idéal » (Gallimard, 2021), roman mélancolique, délicieusement satirique, à la limite du désespoir, égrenant les évocations de milieux forcément décevants pour un protagoniste ayant le tort de nourrir des ambitions poétiques. Ce dernier croise un jour un hédoniste inconséquent :

« Il pensa alors à Aymeric qui se contentait de son boulot à la Poste – conseiller client – qu’il rehaussait, chaque week-end, d’un tour en boîte de nuit, d’une biture « je te dis pas ! », de quelques coups de reins « bien placés », et qui trouvait la vie « merveilleuse ». Fallait-il en rabattre ? S’épanouir dans le pintage de ruche ! S’aymericiser ? Par découragement, on devait, sans doute, se satisfaire, un jour, de ces joies modestes. Il lui semblait, néanmoins, que cet épicurisme de fin de semaine ne menait pas très loin. Un matin, Aymeric se réveillerait avec la gueule de bois, coincé dans une vie étriquée ; très certainement, pensait-il, Aymeric pointerait, dans quelques années, avec deux ou trois gosses, des engueulades, à n’en plus finir, avec une épouse bedonnante et abonnée à Télé 7 jours. »

(Gallimard, page 98).

mardi 21 juin 2022

Suicide girls, épisode 3/10

Suicide girls, 3ème épisode : "Les premières filles, les premiers garçons".

Amaury décrit l'absence de son père et connaît ses premières Suicide girls, Manon se durcit face aux garçons.