La littérature sous caféine


mercredi 24 janvier 2007

Salman Rushdie, "Mes Lumières"



Excellente interview de Salman Rushdie dans le dernier numéro du Nouvel Observateur 2006 à propos du métissage et du choc des civilisations.

« Le mélange, le métissage est-il l’avenir de l’humanité ? Je le crois profondément. La question n’est même pas de savoir si c’est souhaitable ou non : de toute façon, c’est ce qui va se produire. C’est comme la mondialisation : qu’elle soit bonne ou mauvaise, c’est déjà une réalité, et on ne peut plus la défaire. De même, le métissage est inévitable. (…) Et à mes yeux, c’est une dimension enrichissante pour l’individu, la communauté, la culture et même la langue, sans parler du renouvellement génétique. Même si beaucoup de gens y sont hostiles ou s’en inquiètent. Et un écrivain honnête se doit d’écouter aussi les voix qui ne lui disent pas ce qui va de soir. Car bien sûr il y a souvent une part obscure dans ce mélange : il nous est pénible de vivre aux côtés des gens dont nous rejetons ou craignons la culture, les valeurs, les croyances. Mais c’est la réalité. »

Je trouve ses positions à la fois réalistes et courageuses. C’est un mélange qui me plaît.

lundi 22 janvier 2007

Maman Ségo, papa Sarko

Curieux sentiment, pendant cette campagne 2007, d’avoir à choisir entre une maman (Ségolène Royal répétant à l’envi qu’elle veut faire une politique proche des gens) et un papa (Nicolas Sarkozy maniant la trique avec un sens affirmé de l’autorité). A-t-on jamais demandé à des enfants de prendre le parti d’un de leurs parents ?

mercredi 29 novembre 2006

Euphorie

J'ai tellement pris l'habitude, dans les couloirs du lycée, de dire bonjour à des profs que je ne connais ni d'Eve ni d'Adam, qu'il m'arrive sur le chemin du retour vers le Rer d'adresser un franc salut à des inconnus.

mardi 28 novembre 2006

Le coq de Rimbaud

Lecture en classe du beau poème d’Arthur Rimbaud, Aube, commençant par le fameux : « J’ai embrassé l’aube d’été ».

Le poète avance dans la nature, précède le soleil et court annoncer la nouvelle au coq. Un élève au premier rang, sincèrement consterné par l’attitude de Rimbaud, s’exclame :
« Ouah, il a pas d’amis ou quoi ? Il parle au coq !!! »

lundi 27 novembre 2006

Le roman d'Azima (4)

Témoignage touchant d’une lectrice : elle m’avoue par mail avoir été violée, très jeune, par un homme de sa famille, et me dit avoir ressenti la même chose qu’Azima : le besoin, au moment du traumatisme, de dissocier le corps et l’esprit, et d’observer froidement les choses.

Evidemment, il est délicat d’en tirer de la fierté par rapport à l’écriture d’Azima. Que vaut un roman face à la douleur qu’éprouve une personne réelle ? Sur le coup, je me suis senti ridicule.

N’empêche que ce témoignage est un vrai compliment pour Azima : celui de la justesse psychologique, celui du portrait de femme – tout ce qui l’éloigne, en fait, du simple croquis sociologique. Azima reste, bien avant d’être un roman de banlieue, tentative de cerner quelques réflexes de l’esprit.

mercredi 8 novembre 2006

Le roman d'Azima (1)

Plus de deux mois maintenant après la sortie d’Azima, bilan plus que mitigé des ventes… La déception passée, reste à comprendre. Il me semble qu’une des raisons en est le sujet : les récits de viols en banlieue n’attirent pas les foules, abreuvées déjà de faits divers tous plus sordides les uns que les autres.

On me dit souvent, d’ailleurs : « J’ai bien aimé ton livre, et j’avoue que je ne l’aurais pas lu si je ne te connaissais pas… Le contenu vaut mieux que le thème. » Je me suis dit qu’en ce moment on ne s’intéressait pas aux discours "neutres" sur la banlieue - ceux qui ne privilégient ni l’optimisme, ni la rage. Le mien se veut simple constat romanesque – il ne fait ni l’apologie, ni le procès de quoi que ce soit.

mardi 7 novembre 2006

Sublime copie

Je corrige une copie que je trouve singulièrement parfaite – l’élève avait semble-t-il appris le cours par coeur. A la troisième page cependant (je précise qu’il s’agissait de feuilles volantes), je trouve un paragraphe ne correspondant pas aux questions. Je crois me rappeler qu’il s’agissait d’un paragraphe dicté en cours… Et je réalise que la page en question n’est autre qu’une page de cours, glissée dans le corps du devoir. Pas de doute, l'élève, paniquant en fin d’heure, s’est emmêlé les pinceaux dans sa gestion des pages sur sa table… Il était à deux doigts d’avoir 18, il aura 0.

vendredi 27 octobre 2006

Cyril Delhay : Promotion Zep (Des quartiers à Sciences-Po) (Hachette Littérature, 2006)

Très beau livre que ce récit du lancement, houleux, des fameuses Conventions Zep, signées entre Sciences-Po et certains lycées pour favoriser le passage dans la célèbre école de très bons élèves issus de milieux défavorisés. Il se dégage du livre un optimisme puissant. On se prend à rêver qu’avec du courage, de l’intelligence et de la bonne volonté, tout reste possible en matière de politique d’intégration. Véritable hymne aux incroyables ressources humaines gisant dans nos banlieues, apologie de la diversité dans tous les recrutements, l’ouvrage tient par son style, élégant et maîtrisé, autant que par la force des témoignages – quelques-uns des premiers élèves de ces toutes nouvelles promotions, et l’auteur lui-même, qui nous livre au passage de belles pages, souvent émouvantes, sur son expérience de professeur.