La littérature sous caféine


mardi 24 octobre 2017

Le coeur incandescent de la littérature

Dans son Royaume, Emmanuel Carrère précise qu’il existe dans Limonov un « cœur du livre, la phrase méritant d’être retenue (…) quand les 500 pages où elle est enchâssée se seraient depuis longtemps effacées. » (Folio, p 592). J’ai toujours eu cette intuition qu’il existait effectivement dans chaque livre une page, un paragraphe ou même une phrase qui me semblaient rayonner dans le volume entier.

Parfois, c’est un passage qui paraît détenir l’esprit de l’ouvrage, en proposer le sens secret, quitte à ce que le reste du livre s’engloutisse dans ces quelques mots.

Parfois, et l’un n’est pas exclusif de l’autre, c’est un passage simplement plus dense, éclipsant en partie les pages adjacentes. C’est par exemple ce que j’ai ressenti en lisant le beau livre de Victor Pouchet, qui se taille un joli succès en ce moment : Comment les oiseaux meurent. Trois pages se détachent à mes yeux, celles qui dressent le portrait du père en « beau parleur fatigué, qui n’avait jamais osé se révolter contre lui-même et son abyssale tristesse. » (Finitude, page 49-51). Et c’est ce passage grave qui me fait l’effet d’une tache de couleur très vive à côté de laquelle les pérégrinations pourtant cocasses du narrateur perdent un peu en relief.

Sans doute mon impression est-elle d’ailleurs accentuée par la propre structure de deux de mes livres. Dans Suicide Girls et dans Les petits Blancs, je consacre une page à mon père (pas la même dans chacun des deux) et celle-ci me paraît si déterminante que si le reste devait disparaître, cela m’attristerait à peine si je pouvais garder celle-là. A propos des Petits Blancs, quelques journalistes ne s’y sont pas trompés, me posant rapidement des questions à propos de cette sorte de vision centrale. C’était à mes yeux la preuve qu’ils avaient réellement lu le livre.

mardi 17 octobre 2017

Affaire Weinstein. Le thème des violences faites aux femmes n'intéresse personne

J’ai pu le constater à l’occasion de la parution de mes trois premiers romans, qui tous abordaient ce thème. Une journaliste de Télérama a refusé de parler d’« Azima la rouge » (Flammarion) au prétexte que cela stigmatisait la banlieue (mais la banlieue n’était pas vraiment le sujet). Le libraire de mon quartier a refusé d’exposer « Suicide Girls » (Léo Scheer) parce qu’il trouvait ça trop glauque (mais est-ce vraiment un critère pour juger de la qualité littéraire ?). Quant à « L’homme qui frappait les femmes » (Léo Scheer), il n’a guère intéressé que Brigitte Lahaie (mais son émission donne la parole à des témoins davantage qu’à des auteurs). Pour le coup, l’omerta n’est pas du tout le seul fait des hommes : j’ai remarqué que les femmes n’aimaient pas aborder le sujet. Quoi qu’il en soit je n’aborderai plus ce thème en littérature. A chaque fois j’ai l’impression de tomber dans un no man’s land - sans jeu de mot.

lundi 9 octobre 2017

2ème séance de l'atelier d'écriture d'Epernay: Snyder et Ginsberg

Mardi 10 octobre, nous nous pencherons sur deux auteurs américains qui nous permettront de faire la transition entre le zen étudié la semaine dernière et la poésie occidentale. Gary Snyder tout d'abord, qui porte un regard très serein sur la nature. Allen Ginsberg ensuite, qui fait le choix presque opposé de l'expression de la passion pure.

mardi 3 octobre 2017

Quelle joie, les auteurs désespérés !

Schopenhauer, Houellebecq… Quel bonheur ! Au fond, les auteurs les plus pessimistes m’ont toujours fait rire. En énonçant le pire ils nous rassurent sur notre propre état mental et nous donnent envie de les rassurer eux-mêmes. Ceux qui ne partagent pas ce plaisir-là sont des gens qui ne comprennent sans doute rien au principe de l’humour noir. C’est une sorte d’hygiène mentale, un grand décrassage.