La littérature sous caféine


vendredi 12 avril 2019

Michel Houellebecq et le prénom Aymeric

Quelques remarques en vrac sur le dernier Houellebecq, « Sérotonine » (2019) :

Je n’ai trouvé qu’une seule occurrence du mot « pénible », pourtant pléthorique d’habitude chez notre auteur ; en revanche « bite » et « chatte » restent assez présents, au détriment de d’ailleurs de « couille », quasiment absent dans l’ensemble de la geste houellebecquienne, me semble-t-il / Je suis ravi que le principal personnage secondaire s’appelle Aymeric, qu’il soit par ailleurs d’origine noble et normande ; j’avoue que sa fin tragique n’est pas tout à fait pour me déplaire / La scène de pédophilie passe plutôt bien, beaucoup mieux intégrée dans le récit que la scène de zoophilie qui tombe, elle, comme un cheveu sur le soupe (en l’occurrence, comme un poil canin sur un vagin nubile) / Cette scène de révolte de paysans bloquant un bretelle d’autoroute est évidemment stupéfiante, pour peu qu’elle ait vraiment été écrite avant le début de la crise des Gilets jaunes (ce qui du reste est probable) ; coup sur coup, Houellebecq a réussi le prodige d’anticiper à quelques jours près le surgissement d’une réalité à peine entrevue, rien que pour ça son œuvre fascinera encore longtemps / Je persiste à penser qu’il a livré quatre chefs-d’œuvre avec ses quatre premiers romans et que les trois suivants (dont « Sérotonine ») marquent un certain retrait, soit par la redite, soit par le sentiment qu’ils donnent de ne pas savoir exactement où aller ; à cet égard, les cent premières pages de « Sérotonine » m’ont fait l’effet d’une autoparodie poussive et assez gênante / Par la suite, le roman prend son rythme et la partie centrale décrivant la désespérance du monde agricole fonctionne très bien, même si l’on aurait aimé qu’elle soit développée, approfondie / Le narrateur est dépressif au dernier degré et j’avoue avoir eu du mal à croire à ce degré de désespoir, à 46 ans, pour une question d’échec amoureux ; je suis pourtant adepte des littératures de la dépression / J’ai cru noter une certaine inflexion du style vers une manière plus relâchée, avec des phrases sinueuses et volontiers répétitives : une manière d’épouser le lyrisme du propos, puisqu’il s’agit bien d’un roman dont le message ultime est romantique ? A moins qu’il ne s’agisse d’un mélange d’épuisement et de paresse ? / La photo de quatrième de couverture esquisse un sourire tellement évanescent que je me demande s’il n’est pas plus triste que n’importe laquelle des photos du Michel rêveur et accablé que nous connaissons / Enfin, le livre propose tellement de vannes, d’ailleurs souvent drôles, qu’on dirait le texte-support d’un véritable stand-up.

mercredi 10 avril 2019

Venez donc trinquer !

mercredi 3 avril 2019

Les Bons Profs dans La Croix et le JDD

Les "Bons profs" évoqué dans le JDD (sous la plume de Marie Quenet)

et son auteur interviewé par Paulo Pinto Gomes dans La Croix.

mercredi 27 mars 2019

"Un objet rare et hybride"

Sur le site du Point :

"Un scaphandre sur la tête relié à une bouteille d'oxygène, il corrige sans relâche ses copies. En apnée et sous pression. Si le dessin de couverture du dernier livre d'Aymeric Patricot (Les Bons Profs, Plein Jour) est un peu caricatural, le propos, lui, est plutôt nuancé et intelligent. C'est un objet rare et hybride, à la fois récit personnel d'une vocation tardive et réflexion générale sur le métier d'enseignant. Un métier – s'il en est un – « à la fois beau et un peu angoissant », résume l'auteur de Les Petits Blancs, qui enseigne les lettres en classe préparatoire. Celui qui avait déjà dépeint ses premières années de jeune prof de banlieue dans Autoportrait du professeur en territoire difficile (2011) prend le temps, à 44 ans, de faire un « bilan à mi-parcours », après quinze ans dans l'enseignement. Ni plaintif ni donneur de leçons, ni pédago ni réac, il tente de sonder « l'atmosphère » de la profession et de réfléchir à son essence alors que de nombreuses réformes sont en cours et que la violence au quotidien ne faiblit pas. Patricot conseille d'ailleurs aux pédagogues de lire un peu plus Houellebecq que Rousseau pour comprendre que le monde de l'enfance n'est pas « un monde enchanteur » peuplé de « petits esprits créatifs uniquement désireux d'apprendre »…

Cet ancien timide et « cancre à l'envers » (comprendre très, très bon élève) se demande encore 15 ans après comment il a « échoué là », lui qui ne voyait que « misère » dans cette profession avant de s'y jeter à corps perdu. Certes, le métier comporte son lot de frustrations pouvant entraîner parfois des dépressions (il compare le prof à « un Sisyphe pathétique, sans même le corps d'un héros »), mais Patricot a découvert avec l'expérience ses avantages : rester branché, grâce aux jeunes, à « une sorte d'énergie fondamentale » et ne jamais vraiment entrer dans l'âge adulte. Quel privilège ! (...)"

Emilie Trévert, Le Point, mars 2019.

lundi 25 mars 2019

Parler de la Moselle (Nicolas Mathieu)

Après les vignes de Rondeau, le champagne de Nothomb et la montagne de Reims de Poindron, nous évoquerons la Moselle du tout dernier Goncourt, Nicolas Mathieu et son excellent "Leurs enfants après eux".

("Parler de sa région", séance 4, mardi 26 mars)

mercredi 20 mars 2019

"Les bons Profs" sur TV5 Monde

L'interview est mené par Xavier Lambrechts :

mercredi 13 mars 2019

Les Gilets jaunes sont-ils des petits Blancs ?

Ma conférence à la Fondation Jean Jaurès, le 4 mars 2019.

lundi 11 mars 2019

"Le professeur doit-il apprendre à se taire ?"

Article publié dans le "Valeurs actuelles" du 7 mars 2019:

"En dépit de la sympathie que m’inspire Jean-Michel Blanquer, je redoute parfois de saisir la logique profonde de ses réformes. Et la loi tout juste adoptée par le Parlement n’y fait pas exception. Comment comprendre, notamment, cette notion d’ « exemplarité des personnels de la communauté éducative » contenue dans le premier article, notion qui fait déjà beaucoup parler d’elle et dont on annonce qu’elle pourra être invoquée dans le cadre de mesures disciplinaires ? Faut-il y voir, comme beaucoup, une volonté d’intimider les professeurs à l’heure où la réforme du lycée suscite des protestations ? Il s’agirait de rendre effectif ce fameux devoir de réserve aux contours jusqu’à maintenant si flous et qui interdirait désormais de dénigrer l’institution scolaire « par des propos diffamatoires ».

A moins qu’il ne s’agisse d’un gage donné aux élèves et aux parents d’élèves pour mieux leur faire accepter la deuxième partie de l’article, ce respect que l’institution scolaire attend d’eux, et dont on souligne souvent le redoutable affaiblissement. Dans un même mouvement, Blanquer chercherait ainsi à « responsabiliser », comme il le dit lui-même, les professeurs et les parents, de manière à retrouver le chemin d’un exercice plus serein du métier.

Il reste cependant permis de s’étonner que cette nouvelle exigence pesant sur le professeur survienne quelques semaines après le vaste mouvement PasdeVague, où les professeurs se plaignaient déjà de l’omerta qu’ils subissaient de la part de leur administration. Combien de violences passées sous silence depuis des années, depuis des décennies ? Combien d’humiliations minimisées, relativisées, finalement tues, sous prétexte de ne pas envenimer les choses mais pour mieux contenir, en réalité, la révélation d’une dégradation spectaculaire des conditions d’exercice ? Par le miracle de l’anonymat sur internet, la parole se déliait enfin. Peut-être attendait-on, par conséquent, un signe de compréhension de la part du gouvernement plutôt que cette défiance vis-à-vis de la liberté d’expression.

Quoi qu’il en soit, cette curieuse façon de commencer par exiger quelque chose du professeur au moment même où l’on déclare vouloir instaurer la confiance me paraît assez révélatrice du statut paradoxal de la parole dans le métier, statut dont je me plais à décrire les raffinements dans Les bons Profs.

En effet, le professeur est l’objet d’une injonction paradoxale. D’un côté, on lui demande de maîtriser l’art de la parole, d’en déployer avec force les effets devant son public ; on lui demande même d’éveiller chez l’élève une passion comparable. De l’autre, on exige de lui qu’il contribue au bon fonctionnement d’une institution par nature très hiérarchisée puisque tentaculaire et, qui plus est, hantée par le principe d’autorité. Par conséquent, au cours de sa carrière, le professeur devra surtout apprendre à se taire, du moins à canaliser sa parole. Non seulement il comprendra l’importance des silences dans son propre cours, non seulement il se retiendra de révéler certaines difficultés sous peine de ternir sa propre réputation, mais il devra surtout apprendre à jouer le jeu de cette hiérarchie que lui-même instaure dans la classe. D’une certaine manière, le professeur apprend à devenir le plus discipliné des élèves, lui dont le rôle est pourtant, si l’on se réfère aux ambitions humanistes du métier, d’enseigner les rudiments de la liberté. Au fond, l’article 1 de la nouvelle loi ne fait-il pas qu’entériner l’un des aspects fondamentaux de ce paradoxe ?