dimanche 26 juin 2011
Le Jeudi du Luxembourg et Libération
Par admin, dimanche 26 juin 2011 à 20:00 :: "Autoportrait du professeur..." (2011)
Dans Libération du 25 juin, Michka Assayas raconte sa semaine et titre, pour le lundi, "Au coeur du mal français". On y lit :
Quand j'entends la plupart de mes compatriotes s'adresser en anglais au réceptionniste d'un hôtel à l'étranger, je suis partagé entre la honte et le fou rire. (...) Je suis sûr qu'au moins 50% des candidats au bac n'ont rien compris. Une bonne partie du reste a dû errer dans le brouillard. Pourquoi ce niveau irréaliste ? Pourquoi les humilier ? On est au coeur du mal français : idéalisme et déni de la réalité (c'est pareil). Un jeune écrivain et enseignant, Aymeric Patricot, a écrit là-dessus un livre d'une grande intelligence et surtout d'une rare franchise, drôle en plus, Autoportrait du professeur en territoire difficile.
Bel article de Stéphanie Hochet, dans Le Jeudi du Luxembourg :
Les yeux ouverts sur la banlieue
Après dix ans d'enseignement dans des lycées de la banlieue parisienne, Aymeric Patricot a éprouvé le besoin de faire le point sur son expérience, réfléchir sur le métier de professeur. Originaire d'une ville ouvrière, sans histoires et formé comme tous les jeunes titulaires du Capes (certificat d'aptitude professionnelle à l'enseignement secondaire), il ne s'était pas attendu à rencontrer de telles difficultés en occupant ses premiers postes – à l'époque, il remplaçait des enseignantes parties en congé maternité et des professeurs absents pour cause de dépression.
Que demande-t-on à un prof d'un lycée de banlieue populaire? La réponse évoque le malaise social: tenir une classe (première règle avant celle d'instruire), et aiguiller les élèves vers des filières d'apprentissage… Pour les jeunes diplômés de l'Éducation nationale qui étaient arrivés avec de grandes espérances, la réalité a un goût amer.
GUERRE D'USURE
Aymeric Patricot livre une réflexion sur la violence et le climat délétère qui s'immisce dans les classes. Le problème, c'est que non seulement les jeunes professeurs n'y sont pas préparés – et les conséquences sont désastreuses quand des humiliations et de la guerre d'usure auxquelles s'adonnent certains élèves la violence devient physique, coups et blessures… – mais en plus on leur laisse la charge de régler des problèmes d'insertion. «Aucune structure n'existant pour inculquer à ces enfants quelques principes élémentaires de sociabilité, ou pour apaiser le sentiment de rage qu'ils développent à l'égard de toute contrainte, les professeurs laisseront souvent filer le problème en ignorant ces enfants jusqu'à ce qu'ils sortent du système scolaire – gonflant les rangs de centaines de milliers d'adolescents quittant l'école sans diplôme. »
Un mal-être que les politiques de droite ou de gauche répugnent à traiter pour des raisons différentes: «La droite ne traiterait pas la question parce qu'au fond elle ne s'y intéresse pas, ne jugeant pas nécessaire de dépenser de l'argent pour des populations qu'elle accepte à peine […], quant à la gauche, elle ressentirait une certaine gêne devant une réalité moins docile qu'elle ne l'aurait souhaité.»
Puisant dans son vécu personnel, Aymeric Patricot réfléchit sur la société française telle qu'elle est devenue – «Le mot français suffisait-il à définir ma situation?» –, rappelle les chocs et les expériences émouvantes d'une décennie passée parmi les moins privilégiés du système. Il a le courage de proposer certaines pistes de réflexion dans lesquelles «[il] invest[it] un enthousiasme rageur». Il a le mérite de regarder la réalité en face. Ce texte porte la marque de son courage.
Quand j'entends la plupart de mes compatriotes s'adresser en anglais au réceptionniste d'un hôtel à l'étranger, je suis partagé entre la honte et le fou rire. (...) Je suis sûr qu'au moins 50% des candidats au bac n'ont rien compris. Une bonne partie du reste a dû errer dans le brouillard. Pourquoi ce niveau irréaliste ? Pourquoi les humilier ? On est au coeur du mal français : idéalisme et déni de la réalité (c'est pareil). Un jeune écrivain et enseignant, Aymeric Patricot, a écrit là-dessus un livre d'une grande intelligence et surtout d'une rare franchise, drôle en plus, Autoportrait du professeur en territoire difficile.
Bel article de Stéphanie Hochet, dans Le Jeudi du Luxembourg :
Les yeux ouverts sur la banlieue
Après dix ans d'enseignement dans des lycées de la banlieue parisienne, Aymeric Patricot a éprouvé le besoin de faire le point sur son expérience, réfléchir sur le métier de professeur. Originaire d'une ville ouvrière, sans histoires et formé comme tous les jeunes titulaires du Capes (certificat d'aptitude professionnelle à l'enseignement secondaire), il ne s'était pas attendu à rencontrer de telles difficultés en occupant ses premiers postes – à l'époque, il remplaçait des enseignantes parties en congé maternité et des professeurs absents pour cause de dépression.
Que demande-t-on à un prof d'un lycée de banlieue populaire? La réponse évoque le malaise social: tenir une classe (première règle avant celle d'instruire), et aiguiller les élèves vers des filières d'apprentissage… Pour les jeunes diplômés de l'Éducation nationale qui étaient arrivés avec de grandes espérances, la réalité a un goût amer.
GUERRE D'USURE
Aymeric Patricot livre une réflexion sur la violence et le climat délétère qui s'immisce dans les classes. Le problème, c'est que non seulement les jeunes professeurs n'y sont pas préparés – et les conséquences sont désastreuses quand des humiliations et de la guerre d'usure auxquelles s'adonnent certains élèves la violence devient physique, coups et blessures… – mais en plus on leur laisse la charge de régler des problèmes d'insertion. «Aucune structure n'existant pour inculquer à ces enfants quelques principes élémentaires de sociabilité, ou pour apaiser le sentiment de rage qu'ils développent à l'égard de toute contrainte, les professeurs laisseront souvent filer le problème en ignorant ces enfants jusqu'à ce qu'ils sortent du système scolaire – gonflant les rangs de centaines de milliers d'adolescents quittant l'école sans diplôme. »
Un mal-être que les politiques de droite ou de gauche répugnent à traiter pour des raisons différentes: «La droite ne traiterait pas la question parce qu'au fond elle ne s'y intéresse pas, ne jugeant pas nécessaire de dépenser de l'argent pour des populations qu'elle accepte à peine […], quant à la gauche, elle ressentirait une certaine gêne devant une réalité moins docile qu'elle ne l'aurait souhaité.»
Puisant dans son vécu personnel, Aymeric Patricot réfléchit sur la société française telle qu'elle est devenue – «Le mot français suffisait-il à définir ma situation?» –, rappelle les chocs et les expériences émouvantes d'une décennie passée parmi les moins privilégiés du système. Il a le courage de proposer certaines pistes de réflexion dans lesquelles «[il] invest[it] un enthousiasme rageur». Il a le mérite de regarder la réalité en face. Ce texte porte la marque de son courage.