La littérature sous caféine


lundi 13 juin 2022

Suicide girls, épisode 2/10



Aamaury se dépêtre avec ses problèmes de jalousie, Manon subit son première traumatisme...

mercredi 8 juin 2022

"Suicide girls" en livre audio, épisode 1/10

A partir d'aujourd'hui et une fois par semaine, sur la plupart des plateformes (Spotify, Apple, Youtube...), je diffuserai sous forme d'épisodes le roman dont j'ai réalisé la version audio avec l'aide de l'actrice Natacha Régnier, du musicien Olivier Calmel et du graphiste et ingénieur du son Edouard Meyer.

Il s'agit d'un roman publié en 2010 aux Editions Léo Scheer, sur le thème des violences sexuelles et des héritages familiaux.

Un jeune homme marqué par le suicide de son père, une jeune femme esthétisant son rapport à la mort… Ils prennent la parole à tour de rôle pour dire leur histoire d’amour.

mardi 7 juin 2022

Paname sous rabla

Pendant des années, j’ai rêvé d’écrire sur le Paris de la déglingue, persuadé que ça n’avait pas été fait récemment. Et puis j’ai renoncé, parce que je n’avais pas une connaissance intime de la chose. J’ai bien fait ! Car je découvre avec le « Paname underground » de Zarca (Editions Goutte d’Or, 2017) un concentré de narration survitaminée, gonflé aux stéroïdes de l’argot, du sexe, de la violence et du sale. Défilé de quartiers, de types, de situations tous plus pétés les uns que les autres… Du San Antonio sous schnouf !

« Franchement Zarca, c’est pas pour t’clasher mais toi, t’as jamais eu l’galbe ni les cojones pour t’frotter au vrai Underground. T’as survolé l’truc vite fait comme un touriste, tu connais des raclos mais toi, t’es pas taillé pour la street et ça s’voit. Après c’est normal, dans les tafs artistiques et encore pire dans le monde des livres, vous vous prenez pour des gitans mais vous êtes des dalpés. Les écrivains, frères, c’est des baltringues ! » (page 208)

mercredi 1 juin 2022

Sexe et handicap

Avec l’affaire Abad, les thèmes du sexe et du handicap font une entrée fracassante à l’Elysée… J’aurais dû leur envoyer La Viveuse pour les y préparer un peu.

mercredi 25 mai 2022

La littérature de mauvais esprit

Il y a deux façons de s’opposer au monde : lutter contre ses tendances délétères (racisme, sexisme, réchauffement climatique…), ou ironiser sur les ratés de ce même progressisme – en somme, vouloir changer le monde ou bien se moquer de cette volonté-là. Inutile de préciser que cette seconde manière vous voudra moins d’égards.

Malgré tout, depuis quelques années, c’est une véritable école littéraire qui paraît émerger, celle d’un certain mauvais esprit vis-à-vis de l’époque. Je pense à Marin de Viry qui, dans « L’Arche de Mésalliance » (Rocher, 2021), a des pages savoureuses sur le goût pour la culture classique. Je pense à Abel Quentin qui s’est attiré le succès avec sa dénonciation de la cancel culture dans son page turner « Le Voyant d’Etampes » (Observatoire, 2021). Et je pense à Patrice Jean qui, depuis plusieurs romans, et notamment « La poursuite de l’idéal » (Gallimard, 2021), exerce sa plume mélancolique et satirique sur toutes sortes de milieux, de figures médiatiques et de valeurs officielles, avec une efficacité redoutable. Renaissance des Hussards, en plus taquins ?

« La Famille ne présentait jamais ses excuses. Même quand elle avait tort, elle avait quand même raison. « Mieux vaut avoir tort avec Sartre que raison avec Aron », disait-on au temps de leurs joutes titanesques. Elle ne s’était pas excusée pour les chars de Budapest en 57, elle ne s’était pas excusée pour ses aveuglements successifs et elle ne le ferait jamais, et tout cela avait commencé à me gonfler, j’en avais ma claque de leurs grands barnums et de leur bigoterie et de leur morgue et de leurs fatwas et de leur grand-guignol et de leurs vapeurs et de leur cirque dégoûtant et de leur dureté et de leur plasticité, j’en avais ma claque et j’étais de plus en plus vieux et méfiant, mes inclinaisons allaient vers des esprits plus naïfs ou plus lucides, elles allaient vers Charles Péguy converti au catholicisme romain et fidèle au socialisme, à sa fraternité incandescente et non trafiquée… » (Le Voyant d’Etampes, p. 181)

lundi 23 mai 2022

La gauche américaine : Dieu, famille, patrie !



Je lis d’une traite le beau livre où Springsteen et Obama discutent de leurs carrières respectives. Je serai toujours surpris par l’optimisme foncier des Américains, du moins celui qu’ils affichent si souvent dans leurs discours et dans les œuvres. Mais aussi par les valeurs qui structurent la gauche américaine, des valeurs qu’on a tendance désormais à classer, de ce côté-ci de l’Atlantique, à l’extrême-droite : l’amour du pays, la foi en Dieu, la dévotion vis-à-vis de la famille. Et puis, il y a cette joie presque naïve qui me paraît avoir tout à fait déserté la scène politique française… Le spectacle en est revigorant, et sans doute un peu triste pour notre pays.

« Ce que j’ai appris dans l’Iowa n’a fait que conforter ce en quoi j’avais cru depuis le début : à savoir que, en dépit de toutes nos différences, il y avait des traits communs chez les Américains, que les parents de Michelle, dans le South Side de Chicago, envisageaient les choses de manière très similaire à un couple de l’Iowa. Les deux couples croyaient au dur labeur. Tous deux croyaient aux sacrifices consentis pour les enfants. Pour les deux, il était important de tenir parole. Ils croyaient en la responsabilité individuelle, et que nous devons accomplir certaines choses les uns pour les autres, par exemple s’assurer que tous les enfants bénéficient d’un bon enseignement, ou que les seniors ne sombrent pas dans la pauvreté. Qu’en cas de maladie, vous ne vous retrouviez pas livré à vous-même. Et la fierté d’avoir un boulot. Tu vois ces valeurs communes et tu te dis : si j’arrive juste à convaincre les gens des villes et les gens de la campagne, les Blancs, les Noirs et les Hispaniques – si j’arrive à faire en sorte qu’ils s’entendent, ils se verront et se reconnaîtront les uns dans les autres, et, à partir de là, nous aurons une base pour véritablement faire avancer le pays. »

mercredi 18 mai 2022

"Le sexe est très surestimé"



« Le sexe est très surestimé », pourrait être la morale du premier roman de Raphaël Rupert, « Anatomie de l’amant de ma femme » (Prix de Flore 2020). L’argument paraît grivois (la femme du narrateur couche avec un homme apparemment mieux membré) mais il sert surtout de prétexte à une série de digressions drôles et rusées, tour à tour littéraires, existentielles et métaphysiques, au point que la pochade sexuelle vire à l’exercice élégant, s’achevant par une rêverie sur l’effacement individuel. Rohmer et Beckett : so chic !

« La sexualité, comme le désir, est devenue dans nos sociétés une activité tout à fait accessoire, l’attribut nécessaire d’une vie socialement réussie. Parce que le sexe n’est pas directement utile à la vie sociale, la vie sexuelle n’a jamais été donnée à tout le monde. Elle est réservée à une élite, plus petite qu’on ne le pense. Même si le sexe semble présent partout, même si la pornographie touche les adolescents de plus en plus jeunes, même si le plaisir sexuel pur, sans amour, est devenu un passage incontournable de l’existence comme d’ouvrir un compte en banque ou passer son permis de conduire, le désintérêt croissant pour l’expérience sexuelle n’en est que plus réel. C’est la nouvelle mutation du capitalisme, la dernière boulimie spéculative. L’injonction à la réalisation sexuelle a rompu la chaîne qui plaçait le désir, le fantasme avant l’accomplissement et prévoyait même que certains accomplissements ne se concrétiseraient pas. La frustration n’est plus tolérée. (…) Le sexe, en retour, a perdu de sa puissance symbolique. » (pp ‪127-128‬).

mardi 17 mai 2022

L'esprit de grandeur

Terrassé par le génie déployé par Hugo dans Les Misérables… Seule véritable épopée française du 19ème siècle, débarrassée de l’esprit de sarcasme que l’on trouve si fréquemment ailleurs, elle renoue avec le souffle titanesque de Virgile ou de Dante, tout en faisant la part belle à cette sorte de nouveauté littéraire qu’a représentée le souci des réalités sociales. Autant le théâtre de Hugo me paraît hâbleur et sa poésie bavarde, autant son art du roman m’intimide… Sans doute la forme romanesque, ouverte à toutes les audaces, était-elle naturellement faite pour cet esprit surpuissant.

« L’instant fut épouvantable. Le ravin était là, inattendu, béant, à pic sous les pieds des chevaux, profonds de deux toises entre son double talus ; le second rang y poussa le premier, et le troisième y poussa le second ; les chevaux se dressaient, se rejetaient en arrière, tombaient sur la croupe, glissaient les quatre pieds en l’air, pilant et bouleversant les cavaliers, aucun moyen de reculer, toute la colonne n’était plus qu’un projectile, la force acquise pour écraser les anglais écrasa les français, le ravin inexorable ne pouvait se rendre que comblé, cavaliers et chevaux y roulèrent pêle-mêle se broyant les uns les autres, ne faisant qu’une chair dans ce gouffre, et, quand cette fosse fut pleine d’hommes vivants, on marcha dessus et le reste passa. Presque un tiers de la brigade Dubois croula dans cet abîme. » (Chapitre « Waterloo »).