La littérature sous caféine


mercredi 23 avril 2025

Vigueur

Certains auteurs misent beaucoup sur la vigueur sexuelle pour donner du sens à leur œuvre. Ils prennent le risque de finir par écrire des livres assez sordides : le déclin physique leur est insupportable. Je pense à Gary, je pense à Roth... Sollers aurait pu tomber dans cette noirceur mais il forçait son trait joyeux. A bien le lire, on trouvait cependant quelques ferments d'aigreur.

mardi 8 avril 2025

Yo Marchand



Présentation de l'exposition "Les Oplontis" par Fabrice Pataut :

"La galerie Claudine Legrand accueille ce mois de mars la série Les Oplontis de Yo Marchand. Il faut s’y rendre et s’accorder le temps de s’arrêter devant chacune de ces toiles, revenir en arrière et reprendre comme on relit une longue phrase avec ses points-virgules et ses digressions tant les toiles se répondent, se citent, s’observent, se commentent. Je veux dire par là qu’on sera frappé par l’unité de ce qu’on pourrait appeler un projet ou un programme dont Yo Marchand a soigneusement effacé les ébauches pour nous livrer sans commentaires superflus de la peinture pure.

Il y a bien sûr la couleur, souvent safranée, la pourpre impériale de Tyr, le bleu et le gris métalliques et cendrés, tous immédiatement reconnaissables, tous à l’huile, qui font la matière et le style particulier de ses dernières toiles. Les Oplontis sont numérotés comme si nous avions des cotes pour le classement de livres ou de dossiers. C’est une chose assez rare qui justifie qu’on s’y attarde. Remarquez la pliure blanche, centrée dans le n°19, décalée et en couleur dans le n° 3, de nouveau centrée, quoique faussement dans le n° 4 puisqu’on la voit dans un rôle de ligne médiane alors que la ligne, à peine déplacée, n’est plus tout à fait au centre. Ce jeu de la pliure ou de la ligne de séparation fait travailler le spectateur. Et il y a là indéniablement la matière d’un spectacle, comme si l’on était au théâtre d’Oplontis, la ville éponyme, ensevelie avec ses sœurs Pompéi, Herculanum et Stabies dans l’éruption de 79. À moins qu’on ne soit dans une bibliothèque pour feuilletter debout quelques parchemins.

Remarquez également ce que j’appellerai faute de mieux les bandelettes ou les infules inscrites dans la toile plutôt qu’ajoutées : une rouge orangée, verticale, à gauche, dans le n° 19 ; une autre beaucoup plus grande, ocre, également verticale et à gauche, dans le n° 4. Yo Marchand leur a rendu leur place naturelle, patiemment tant sa démarche est lente, fragile, attentive, insensible au discours des mots, uniquement tournée vers l’émotion, vers le trouble que l’on ressent à voir chaque contour, chaque tracé, chaque ligne revenu à la place qui lui est propre.

La toile rélève parfois une trame, ou bien le couteau a-t-il au contraire déposé plusieurs couches, assez minces mais qui, superposées, donnent une belle matière veloutée, jamais épaisse. Ce sont là autant de traces de dépôts, d’usure, d’humidité, autant de tiquetures. On pense volontiers à la lie et au sédiment, choses naturelles, et à toutes les marques anciennes pour lesquelles le temps a travaillé avec patience, là où les hommes ont construit, mais là aussi où ils ont laissé faire une nature injuste et aveugle.

La lenteur et la constance sont la marque de ce travail. Yo Marchand insiste sur ce point dans son texte de présentation. J’ajouterais volontiers si elle me le permet : le recueillement — mais d’un genre terrestre, pour ne pas dire tellurique.

Sa nouvelle exposition est à voir absolument et sans retenue aucune."

Exposition Les Oplontis
du 6 au 27 mars 2025 à la
galerie Claudine Legrand
49, rue de Seine
75006 Paris

lundi 7 avril 2025

Dîner des histoires de famille (soirée potache 4)

mardi 1 avril 2025

L'humour pour contrer l'horreur

Coup sur coup je lis deux livres qui sourient pour faire pièce à l'horreur. Dans "Être sans destin", Imre Kertesz raconte les camps de la mort avec le ton d'un enfant qui s'étonne à peine du pire. Pérec dans "Quel petit vélo..." déjoue l'angoisse d'être envoyé à la guerre par une histoire burlesque dite avec désinvolture. C'est un humour subtil, une politesse extrême à l'égard du destin - on dit parfois que les gens drôles sont des gens tristes : il est vrai que j'ai peu de contre-exemples...