La littérature sous caféine


vendredi 19 juillet 2024

Douce Normandie

Benoît Duteurtre avait eu quelques mots aimables sur "Autoportrait du professeur". J'avais aimé sa "Gaieté parisienne" et dévoré ses "Pieds dans l'eau", qui peignait avec humour et sensibilité la région de mon enfance, si souvent décriée : Le Havre et le pays de Caux. L'homme paraissait doux, comme sa prose et comme cette Normandie dont on reconnaîtra, peut-être un jour, le sublime.

Monde à fantasmes

Retour à la Japan Expo, où j'avais situé la scène d'ouverture de La Viveuse. Ça n'était pas pour rien : l'univers de fantasmes convenait au parcours de cette fille qui s'apprêtait à quitter un quotidien trop balisé. J'y vais maintenant comme en pèlerinage. Lorsque je vivais à Tokyo, j'aimais voir les Japonais se laisser vivre dans les fantaisies mentales. La ville portait à incandescence une pente contre laquelle je luttais en vain - le culte de l'enfance. Ici, l'armure rétro steampunk d'un personnage mythique du jeu vidéo BioShock. L'hommage à Jules Verne est transparent.

"La queue de Pikachu frôlait les visages, les cheveux de Sangoku provoquaient des cris, les bourrelets de Mario singeaient les soubresauts du jeu. Mille autres personnages se taillaient un chemin de gloire au milieu de la foule. En somme, l’événement tenait la promesse qu’il semait sur les réseaux sociaux – les couleurs, les caricatures, les fantasmes s’y déployaient plus nombreux qu’ailleurs."

lundi 8 juillet 2024

C'est important, une cheminée

Quand j'ai lu qu'Hervé Le Tellier, dialoguant avec Richard Gaitet dans la série Bookmakers, parlait de sa lecture d'un livre méconnu de Melville, "Moi et ma cheminée", j'ai cru à une blague. Puis je me le suis procuré et il est devenu l'un de mes classiques immédiats. J'aime beaucoup le contraste entre l'impérieux sérieux des débuts (ce Moby Dick démentiel par son volume et son sujet) et cette fin de carrière apparemment désinvolte, un brin provocatrice. A ma toute petite échelle, j'amorce un virage comparable en quittant les sujets trop graves pour des questionnements potaches, à l'image de cette "Vie sexuelle de ma tortue" publiée chez Zone critique. Pas si facile, d'ailleurs, la légèreté... Il y faut du métier et, sans doute, de l'expérience.

"Une autre fois, après un jour d'absence, je trouvai ma femme plantée devant la cheminée, en grande conversation avec une personne en qui je reconnus aussitôt un de ces insupportables architectes réformateurs qui, n'ayant aucun talent pour ériger quoi que ce soit, sont toujours prêts à jeter tout par terre."

mercredi 3 juillet 2024

Catharsis

En trente ans, la vie collective s’est durcie. Les partis politiques se haïssent, la violence s’est installée dans la rue – attentats, émeutes, coups de force. Le pays se contracte pour faire face à des enjeux qui le dépassent. Il peine à dessiner des voies d’avenir. Les rêves sont des rêves défensifs. Les autres continents progressent, eux. Mais la France, et l’Europe tout autour, se crispe et pousse des cris. On nous avait pourtant promis la paix et la prospérité, quitte à nous en imposer la formule par la force. En tout cas j’ai la sensation, en me rendant au Hellfest pour la deuxième année consécutive, de débarquer dans une zone en phase avec l’époque. Catharsis à tous les étages. Les foules n’y votent pas d’un seul tenant mais elles hurlent pour exorciser leurs monstres. L’heure n’est plus aux bluettes. Vive les voix rocailleuses et les murs de la mort.