La littérature sous caféine


mardi 16 décembre 2014

Aragon - l'ennui distingué



Lorsque je me lance dans un texte que je veux bien écrit, je lis quelques pages d’Aragon que je tiens pour le plus grand virtuose du siècle. En ce moment, je découvre ses Beaux quartiers – avant tout parce que j’aime le titre. Comme d’habitude, c’est un texte fluide, ample, précis… On dirait de la poésie en prose, si ce n’est que l’auteur truffe son roman de formules orales qui me semblent une sorte de clin d’œil à Céline et qui doivent lui donner l’impression de s’approcher de la merveilleuse spontanéité populaire, et de la vie en général. D’ailleurs, ces petits aperçus de discours indirect libre sont une des marques de son écriture romanesque, fortement ironique, et me font parfois l’effet d’un tic.

« Pas tous les mois évidemment qu’on a la chance d’un de ces enterrements comme celui de la vieille dame Cotin, de la rue Longue, pour laquelle un évêque s’était dérangé, pensez donc, mais enfin, bon an mal an, avec le coup de collier du début de novembre, cela faisait un petit commerce bien régulier, somme toute, malgré l’aléa, et la rareté des épidémies dans la ville haute. » (Folio, page 59)

Formules, détails, historiettes… L’auteur multiplie les effets de style et cela sur des centaines de pages. En fera-t-on le tour ? Il y a quelque chose de diabolique dans cette façon de laisser entendre que rien, décidément rien n’est étranger à sa plume, à sa perspicacité.

Forcément, ce talent a son revers : c’est que ça n’en finit pas. Le problème de toute virtuosité, sans doute. Et je pense que les admirateurs mêmes des Voyageurs de l’impériale ou d’Aurélien admettent n’avoir pas fini de les lire. Je me souviens du dernier chapitre des Voyageurs de l’Impériale où l’auteur laisse agoniser le protagoniste pendant plusieurs dizaines de pages, avec une sorte d’acharnement relevant à la fois de la prouesse et du sadisme.

En fin de compte, c’est peut-être bien ça, le bonheur, en littérature : une forme d’ennui distingué.

Voici l’incipit des Beaux Quartiers – merveilleusement tourné, avec cet air de facilité qui fascine et agace à la fois :

« Dans une petite ville française, une rivière se meurt de chaud au-dessus d’un boulevard, où, vers le soir, des hommes jouent aux boules, et le cochonnet valse aux coups habiles d’un conscrit portant à sa casquette le diplôme illustré, plié en triangle, que vendaient à la porte de la mairie des forains bruns et autoritaires. »

samedi 6 décembre 2014

4ème de couverture de "J'ai entrainé mon peuple..." (sortie le 8 janvier 2015)

Vous connaissez l’histoire de Robinson, un Occidental qui avait fait naufrage sur une île perdue. Découvrez l’histoire de Willie qui a mené son île perdue jusqu’au naufrage, sur les récifs du mirage occidental.

Quand le jeune Willie débarque sur l’île de Nauru, en Océanie, dans les années trente, il est loin de se douter que la petite colonie britannique deviendra bientôt la république la plus prospère du monde, et qu’il en sera le maître. Pour l’instant, fuyant la misère qui a tué son père aux Philippines, il compte bien s’intégrer au système de production occidental, entreprise prométhéenne d’extraction du phosphate qui, tout en enrichissant l’île, la ravage. J’ai entraîné mon peuple dans cette aventure raconte, sur plusieurs décennies, son irrésistible ascension et sa chute, épopée dérisoire et brutale d’un homme confronté aux vertiges du pouvoir à l’ère de la décolonisation.