La littérature sous caféine


jeudi 27 octobre 2016

L'humour dans l'horreur (Riad Sattouf et la Syrie)

Je suis un grand fan de Riad Sattouf, un fan de la première heure - je me souviens du plaisir profond que j'ai éprouvé à la découverte de son "Retour au collège". Je suis heureux qu'il rencontre un succès international avec sa série "L'Arabe du futur" - même si je ne peux m'empêcher d'éprouver une sorte de TERREUR devant ce qu'il nous décrit de la réalité quotidienne en Syrie et en Lybie...

jeudi 6 décembre 2012

Bienheureuse radicalité de la bande-dessinée contemporaine



Cette année, j’ai découvert plusieurs auteurs de bande-dessinée qui m’ont stupéfié par leur force et leur radicalité. Leurs albums font preuve d’une liberté de ton proprement hallucinante, d’une absence de pudeur réjouissante à côté desquelles la littérature, et le cinéma d’ailleurs aussi, me semblent souffrir d’une production étrangement consensuelle, où la veine grand public reste maîtresse.

2 exemples :

- Un volume regroupant les travaux de plusieurs auteurs sud-africains, réputés là-bas pour leur travail sans concession, brutal et provocant, s’attaquant tour à tour aux épouvantables valeurs de l’apartheid telles qu’elles subsistent chez certains Afrikaners, et les terribles désillusions de la Nation arc-en-ciel : Bitterkomix. Dessins d’une crudité à toute épreuve, textes cinglants, créativité tous azimuts… Un chef-d’œuvre.



- L’œuvre singulière d’un américain du nom de Ivan Brunetti : Misery loves comedy est un gros volume d’insanités diverses, de propos suicidaires, d’historiettes scatologiques. Du jamais-lu, pour ma part, et ce volume suffit à renvoyer toute la production littéraire française, à quelques rares exceptions, dans une immense nébuleuse de fadeur écœurante.

mardi 9 novembre 2010

Moebius ou le monde perdu de l'enfance



La bande-dessinée représente pour moi comme le monde perdu de l’enfance. Il m’a souvent semblé qu’il était impossible, adulte, de retrouver la magie pure des heures où vous vous laissez emporter par des histoires de vaisseaux spaciaux, d’épopées dans des mondes imaginaires, de personnages rocambolesques. Vous pouviez, de temps en temps, céder à l’émerveillement devant un film d’aventure ou de science-fiction, mais c’était une forme de régression qu’il fallait quelque peu circonscrire.

Or depuis quelques mois je retrouve enfin le plaisir pur de la bande-dessinée, dénuée de cette tristesse consistant à se savoir adulte dans un monde enfantin. Il suffisait, au fond, de trouver des auteurs qui s’adressaient à l’adulte que je suis plutôt qu’à l’enfant que j’aimerais redevenir, sans renoncer à la part de délire et de fantasmagorie.

Il y a quelques semaines je découvrais ainsi avec émerveillement cet American Splendor dont le volume deux va sortir dans les jours qui viennent. Et je viens de me plonger avec délices dans les étranges et remarquables volumes de la série Inside Moebius, dans lesquels le génial Moebius, dessinateur/scénariste, entre autres, de L’Incal ou de Blueberry, se met en scène lui-même, perdu dans son propre univers, croisant ses personnages et cherchant à trouver un sens à tout cela. Réflexion sur le métier d’auteur, mais surtout virtuoses digressions graphiques, dont on aimerait qu’elles ne s’arrêtent jamais vraiment. Je suis soulagé : je retrouve mon âme d’enfant, et par miracle c’est aussi mon âme d’adulte.

samedi 17 juillet 2010

Les artistes qui mettent en scène leurs faiblesses (Harvey Pekar, American Splendor)



J’apprends la mort de Harvey Pekar, l’auteur de la merveilleuse bandes-dessinées American Splendor (adaptée récemment au cinéma), que j’ai découverte cette année. Il en était le scénariste, racontant sa vie par courts épisodes qu’il faisait mettre en images par plusieurs dessinateurs, parmi lesquels le fameux Crumb, devenu par la suite une véritable icône de l’underground, flirtant constamment avec la vulgarité, les fantasmes sexuels et le portrait, souvent cruel, et souvent politiquement incorrect, d’ailleurs, de l’Amérique.

Ce qui m’a frappé dans cette bande-dessinée, et ce qui m’a plu, c’est que l’auteur ose se mettre en scène comme un dépressif chronique, assailli par les angoisses les plus diverses, éprouvant les pires difficultés dans sa vie professionnelle et sa vie sentimentale. Œuvre glauque ? Non, sincère, et le succès foudroyant qu’elle a rencontré ne m’étonne pas. Mécaniquement, on se sent beaucoup plus proche, en fin de compte, d’une personne avouant ses faiblesses. Et c’est bien la première fois que je lis, du moins de cette qualité, une bande-dessinée dont la force, la maturité, la gravité même des enjeux reste comparable à celles de grandes œuvres littéraires.