La littérature sous caféine


mardi 12 décembre 2017

La vie qui fourmille (Un parisien en Champagne (2))

Mes premières semaines en Champagne, j’ai été sensible au fait que les paysages semblaient devoir être bus : coteaux, vallons couverts de ces vignes qui vivaient avec les saisons pour mieux alimenter le flux du nectar le plus fêté au monde.

Après plus d’une année sur place, je me rends compte que j’ai également développé une certaine sensibilité à la vie naturelle qui se déploie, non plus seulement sur la surface zébrée des paysages, mais aussi de part et d’autre : je veux parler des insectes et des oiseaux, de toute cette vie qui fourmille, qui bruisse et qui s’agite sans qu’on y prête d’abord attention mais qui, pour peu qu’on y consacre du temps, révèle une sorte de constance obstinée. Je photographie désormais ces oiseaux, je guette les empreintes de rongeurs dont on entend surtout la fuite, j’observe la course muette de chenilles et de scarabées. J’ai la sensation de m’être connecté à un univers qui gratouille et qui chatouille, un univers qui ne parle pas mais qui s’exprime, très fort et très joliment.

mercredi 6 décembre 2017

Johnny en banlieue

Il y a déjà dix ans, un élève d’origine africaine avec lequel je parlais beaucoup de rap (il devait s’étonner qu’un prof s’y intéresse autant) m’avait dit sur un ton très sérieux, presque surpris par son audace : « Je ne sais pas ce que vous pensez de Johnny… Mais vous savez, nous, on ne comprend pas trop… On sait que les Français l’aiment beaucoup, et qu’ils seront très tristes quand il mourra… Mais on ne comprend pas, vraiment… » Surpris, j’avais dû lui répondre quelque chose du genre : « Tu sais, j’aime à la fois Booba, Snoop et Johnny… » Et nous en étions resté là.