Fabrice Pataut me reçoit dans son bel appartement. Nous discutons revues, peinture, théâtre, roman, temps qui passe, amitiés qui durent, transition de genre, mystères de l'édition, contradictions de l'époque, wokisme, bilans de parcours, Proust, Trump et chats...
J'aime cette ville du Havre où je suis né. C'est une sorte de grande cité fantomatique le long de la mer. Amoureux, je guette les livres qui en parlent et je me suis naturellement jeté sur le dernier roman de Maylis de Kérangal, "Jour de ressac" (Verticales, 2024). J'y ai fait le relevé des lieux qu'elle décrit et je me rends sur place pour confronter ses visions avec les miennes.
Ainsi, le premier lieu : le bar Les Champs Elysée, renommé Le Terminus.
"... sans un regard non plus pour les lycéens qui occupaient la banquette, qui traînent et s'accolent ici depuis que les banquettes et l'adolescence existent, et ceux-là avaient beau être penchés sur leur portable à scroller, à follow, à follow back, à liker des stories, c'était toujours la même scène, la même scène exactement..."
Même dans les plus beaux cafés de Budapest (3/3), les serveurs sont hirsutes / En trois jours je n'ai vu qu'un cinéma, et pas de marchand de journaux / Nombreux restaurants italiens mais, dans les bons restaurants, beaucoup de plats et de noms français : bourguignon, soupe à l'oignon, tournedos... / Les signes de la présence ottomane, longue de deux siècles, sont assez résiduels / Les boutiques de bondieuseries sont beaucoup moins nombreuses qu'à Prague / La statuaire alterne entre triomphalisme et nonchalance inquiète /
Je trouve amusant que la sensation cinématographique du moment, The Brutalist, mette en scène un exilé hongrois / Dans les Ruin bars on esthétise avec joie la décrépitude / Le péché mignon de l'Europe centrale est le monumental / Les posters des films de Belmondo se vendent très chers dans les galeries chics
Les manoirs néo gothiques vieillissants de Budapest (2/3) pourraient être l'emblème de la ville / Dans les musées, l'écrasante majorité du public est constituée de groupes scolaires et de retraités / Les petits vieux sont discrets mais n'hésitent pas à tricher dans les files d'attente / Les automobile adopent souvent des vitesses déraisonnables / Je me souviens avoir écouté en boucle, enfant, les Danses hongroises de Brahms et les avoir trouvées parfaites / La cuisine hongroise est passionnée par le paprika / J'ai toujours trouvé Lizst brillant mais un peu creux, j'ai peur que sa rhapsodie hongroise ne confirme cette impression / Les trois mots français les plus fréquents sont bistro, souvenirs et croissant / Les Antiq Bazar proposent des Lénine et Staline en pagaille - à Prague, c'étaient plutôt des Napoléon / Aux thermes, j'ai barboté 2 minutes dans le bain à 36°, 30 secondes dans le 40° et 3 secondes dans le 16°.
A Budapest (1/3) je découvre un Saint Emeric présent dans tous les palais / Je mange du goulasch deux fois par jour / Je ne cherche pas à décrypter le magyar / Je prends la mesure de ce qu'a subi le pays avec le communisme en lisant Koestler / Je prends la mesure de ce qu'a subi le pays avec le nazisme en lisant Kertesz / Je goûte l'esthétique soviétique propre et désuète du métro / J'apprécie les bâtiments délabrés tant que la ville n'aura pas été totalement remise d'aplomb / Je m'amuse de la présence d'Alain Delon sur les affiches et de Monet dans les musées / Je dirais que la tonalité générale de la ville est celle d'une élégante mélancolie / Dans les parcs, les oiseaux les plus marquants sont le choucas et le pic épeiche.
Pour une prochaine soirée du Cercle potache, j'aimerais rendre hommage à Jacques Roubaud, récemment disparu, poète et auteur d'un roman peu connu, "La belle Hortense", en l'associant à un lieu qui a compté pour moi puisque j'y ai organisé tant de sauteries littéraires : le bar-librairie La belle Hortense, précisément. Y aurait-il quelques personnes prêtes à lire ce livre en vue d'une telle soirée ?
Par admin,
mardi 25 février 2025 à 15:36 ::Voyages
Préparant quelques jours à Budapest, je lis des classiques hongrois... Les deux livres qui se détachent du 20eme siècle me paraissent être "Le zéro et l'infini" de Koestler et "Être sans destin" de Kertesz. Terrifiant ! Ces ouvrages donnent l'impression d'un peuple martyrisé des deux côtés du spectre politique, enclume communiste et marteau fasciste... J'ai pourtant l'image d'une Budapest plutôt rieuse.