La littérature sous caféine


lundi 10 janvier 2011

Les meilleurs films sortis en 2010

Jeu puéril mais délicieux des classements...

J'ai vu cette année plus de 60 films (je ne tiens compte que des sorties 2010), et les meilleurs m'ont semblé être les suivants :

1) Mother, de Bong Joon-ho.

Encore une fois, le cinéma corréen se distingue par sa force, son originalité, son ambition.



MOTHER bande annonce Joon ho Bong
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2) Social Network, de David Fincher, pour sa maîtrise formelle et son souffle (et le tour de force de happer l'Histoire à quelques mois près).

3) Tamara Drewe, de Stephen Frears, pour son irrésistible satire des moeurs d'écrivains dans la campagne anglaise.

4) Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu, de Woody Allen, pour son incroyable vitalité, son mordant, sa vision désabusée mais drôle de l'existence.

5) A égalité : Potiche, de François Ozon / Esther (l'un des meilleurs films d'horreur qu'il m'ait été donné de voir) / Machete, pour le côté revigorant de ses torrents d'hémoglobine.

Et mon TOP SHIT 2010:

1) The American, avec George Clooney, pour sa surprenante vacuité.

2) The Expendables, de et avec Sylvester Stallone (rien à sauver dans ce film).

3) L'Elite de Brooklyn (trop glauque, trop long, trop pénible...)

4) Copains pour toujours (comédie trop longue, mal foutue et pas drôle).

5) Skyline (Nanard dont le final reste cependant surprenant...)

vendredi 7 janvier 2011

La pierre et le béton de Sicile



(Une rue de Palerme, fin 2010)

Je reviens d'une petite semaine en Sicile, que je découvrais. Quelques rapides impressions :

- Au nombre des bonnes impressions, les paysages très verts, surtout au Nord et au centre de l'île, vastes et majestueuses plaines plantées d'oliviers et couvertes de prairies de couleurs vives. Un effet conjugué de l'hiver, relativement doux, et d'une terre fertile ? Je m'attendais à des étendues beaucoup plus sèches, que je n'ai guère aperçus qu'au Sud.

- J'ai été conquis par les cafés, plus petites que les français, mais plus élégants, plus colorés, servant aussi de pâtisseries et des encas salés - véritables intermédiaires entre le bistrot et la boulangerie.

- A ce propos, j'ai pris goût aux cafés italiens (la boisson) que j'avais trouvés jusqu'à maintenant beaucoup trop corsés mais qui, très légèrement sucrés, m'ont paru cette fois-ci savoureux.

- J'ai été frappé par le contraste entre Palerme et d'autres villes, plus petites : autant le centre historique de Palerme tombe en ruines (encore crasseux et délabré malgré la rénovation qui semble à l'ordre du jour), autant les autres villes présentent quelques délicieuses ruelles témoignant d'un glorieux passé historique, bien entretenu (je pense par exemple à Agrigente).

- A cet égard, cependant, la seule chose à m'avoir vraiment déçu de ce que j'ai vu de la Sicile est l'aspect général des villages, même les plus appréciés : je n'ai pas vu de village vraiment beau, dans le sens où la plupart des maisons sont faites de parpaing et de béton ou sont couvertes d'enduits bien ternes. A quoi dont-on que les villes siciliennes paraissent si belles, de loin, mais qu'elles prennent un aspect relativement misérable quand on les approche ? Pénurie de belles pierres ? Caractère terne de la pierre sicilienne ? Coût de cette même pierre ? Pauvreté de l'île ? Catastrophes subies (guerres, tremblements de terre...) ayant nécessité des constructions rapides ? Les villages siciliens occupent souvent des sites spectaculaires, mais j'en ai pas vus qui soit aussi léchés que ceux de Toscane, par exemple, ou ceux de certains campagnes françaises.

- J'ai lu toute la semaine le somptueux roman de Lampedusa, Le Guépard, sur lequel je vais revenir bientôt...

mercredi 29 décembre 2010

Quelques jours...

Je pars quelques jours en Sicile, avec Mishima sous le bras...

jeudi 23 décembre 2010

J'ai rencontré le Surhomme, et c'est une femme ! (Le Journal d'Anaïs Nin)



Lecture stupéfiante que celle du Journal d’Anaïs Nin… Cette maîtresse d’hommes célèbres (au premier rang desquels Henry Miller) raconte dans Inceste trois années décisives pour elle, au cours desquelles sa passion pour Miller déclinera quelque peu tout en restant ardente – le livre s’achevant par sa relation avec son propre père et l’avortement qu’elle a subi.

Passions continuelles, perpétuelle exigence de l’amour et de la sensualité, conscience d’avoir à vivre un destin hors-norme, obsession pour toutes les formes d’art et de relations amoureuses… Le moins qu’on puisse dire, c’est que ce journal-là nous délivre une sorte de torrent émotionnel – parfaitement fluide, toujours touchant, même si l’on est parfois tenté de conseiller à l’auteur de se reposer un peu. Chardons ardents, du matin jusqu’au soir ! C’est admirable, cela fixe même comme une sorte d’horizon limite à tout ce qu’il est possible de vivre en termes d’accomplissement personnel et de passions humaines. Mais c’en devient intimidant. Comment arriver à la cheville de cette femme en termes de vie pure ? Comment même jamais arriver à écrire avec autant d’inlassable énergie ? En est-on seulement capable ? En a-t-on forcément envie ?...

Pour tout dire, je lis parallèlement, en ce moment, trois journaux : ceux d’Anaïs Nin, de Henry Miller et de Simone de Beauvoir (leur journal ou leur autobiographie, la frontière est parfois ténue). J’ai hâte de savoir si je parviendrai à établir des équivalences entre les équilibres artistiques (et psychologiques) des couples Beauvoir/Sartre et Nin/Miller…

lundi 20 décembre 2010

Les dealers sont des gens polis

1) Lu sur un grand livre dans l’église Saint-Jean Bosco (Paris 20ème) : « Cher Dieu, je prie pour que vous aidiez ma mère à arrêter de fumer, Merci Dieu. »

2) Une amie travaillant en CDI : « Ton roman Suicide Girls a beaucoup de succès… Il a déjà été volé ! »

3) Deux petites vieilles discutant au restaurant du BHV : « Moi, il y en a des dealers dans mon hall, mais je n’ai rien à leur reprocher ! Rien du tout ! Ils me tiennent la porte quand je passe, ils me disent bonjour… Ce sont des gens très polis, en général, mes dealers ! »

jeudi 16 décembre 2010

Le pudding de formules (Les Mots, Jean-Paul Sartre)


jean paul sartre 1sur4
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Sartre a été mon premier dieu littéraire. En classe de cinquième je découvrais la Nausée, expliquant dans un exposé devant mes camarades le dégoût qu’inspirait au narrateur la présence toute matérielle, impénétrable, d’une racine dans un jardin public ou même de sa propre main posée sur une table. Plus de vingt ans plus tard, je continue à tenir les analyses de Sartre sur la conscience, l’angoisse et la liberté pour certaines des analyses les plus éclairantes sur le comportement des hommes ou le sens que l’on peut donner à sa vie – bien que j’aie pris conscience de tout ce qu’elles devaient à quelques prestigieux prédécesseurs de Sartre.

Je relis en ce moment Les Mots, cette autobiographie concentrée que certains tiennent pour le meilleur livre de Sartre, son plus beau comme son plus touchant, et je suis frappé par trois choses.

Tout d’abord le sens de la formule. Le style de Sartre fait feu de tous bois pour gonfler chaque page d’impressionnantes séries de jeux de mots, de faux paradoxes, de figures de rhétoriques… C’est brillant, trop brillant, même, les premières pages notamment me faisant l’effet d’un véritable pudding de formules, relativement indigeste. La fluidité se perd quelque peu sous l’amas de traits d’esprit, Sartre donnant l’impression de jouer au grand écrivain. Que cherchait-il à prouver ici ? Les plus belles pages (et il y en a de magnifiques, comme la fameuse description de la bibliothèque du grand-père) sont aussi les plus simples, ou celles qui brodent joliment autour d’une idée unique.

Second sentiment, celui d’une grande force d’ironie… Sartre se moque de toute chose, et notamment de lui-même, fait la satire de tout ce qu’il voit, se montre très lucide sur la fausseté de certaines de ses postures d’enfant. Mais alors, je ne peux m’empêcher de regretter qu’il n’ait pas gardé cette distance vis-à-vis de lui-même tout au long de sa carrière. Pourquoi sourire autant en scrutant sa propre enfance et prendre un esprit de sérieux si plombant, si terrifiant, même, dans chacun de ses combats d’adulte ? Pourquoi ne pas avoir préservé ce réflexe de l’ironie vis-à-vis de soi-même ? Cette évocation de l’enfance sous le signe de l’humour n’est-elle pas la condamnation implicite de toutes les postures prises par la suite ? Si moqueur sur l’enfant, si peu moqueur sur l’adulte… Sartre me fait vraiment l’effet d’un champion de cette mauvaise foi qu’il dénonçait par ailleurs (on en connaît d’autres, des écrivains professant une ironie qu’ils n’appliquent jamais à eux-mêmes). Cela n’ôte rien à mon admiration pour le styliste ou le penseur, mais cela diminue considérablement mon admiration pour l’homme.

Enfin, je suis frappé par l’utilisation qu’il fait des deux points : quasiment une phrase sur deux. J’ai moi-même mis dix ans à me débarrasser de ce que je considérais comme un tic d’écriture, et je me rends compte que l’habitude m’en était peut-être venue après la lecture de Sartre, précisément. J’aurais vraiment tendance à penser qu’il s’agit d’une lourdeur, mais je comprends qu’on puisse défendre cela comme un trait de style. En tout cas, dans ce livre, la fréquence des deux points me semble liée à lavolonté de donner dans la formule que je soulignais plus haut. Démonstration perpétuelle, didactisme, heurts de l’intelligence dissèquant le réel… Dans le genre de l’autobiographie rehaussée de pensée, Beauvoir sera plus gracieuse me semble-t-il.

mercredi 15 décembre 2010

A propos des livres...

Sur le site Buzz Littéraire, j'ai répondu aux questions d'Alexandra Galakof à propos de mes lectures (avec quelques photos, en prime, de ma bibliothèque...)

A lire ICI ![...]

dimanche 12 décembre 2010

L'éloge des objets manufacturés (Colette/Houellebecq)



J'entame ma lecture intégrale de l'oeuvre de Colette, dont j'admire d'ores-et-déjà certains livres, suivant un ordre chronologique inversé : je commence par le tout dernier livre, Le Fanal bleu. J'y retrouve l'écriture si particulière de Sidonie-Gabrielle (prénom de Colette), à la fois précieuse et maniérée, mais si riche de mots précis, d'expressions colorées, de notations sensorielles baroques.

Dans cet ultime ouvrage, Colette se rapproche encore davantage de la prose poétique vers laquelle elle a toujours lorgné : moins de romanesque, moins de portraits, davantage de descriptions d'atmosphères et de lieux...

Le très beau passage suivant m'a fait penser à Houellebecq et au suprenant éloge qu'il fait, dans La Carte et le Territoire, des objets manufacturés. Dans une page assez drôle, le narrateur regrette que l'on prête davantage d'attention à certains animaux insignifiants en voie de disparition qu'à de magnifiques objets que l'on ne fabrique plus... (Avis que je ne partage d'ailleurs pas, toujours très touché par l'annonce de la disparition, chaque année, de centaines d'espèces animales). Comme Houellebecq, Colette s'émeut qu'on ne puisse plus trouver certains petits chefs d'oeuvres de savoir-faire - et cela donne de merveilleux paragraphes aussi ciselés que ce qu'ils s'attachent à décrire:

"Un étrange bien-être se peut donc puiser dans l'aspect, le contact de certaines "fournitures" que n'a jamais régies, ni modifiées, aucun souci d'esthétique ou de modernité ? Bien sûr. Mais c'est parce que je suis encore riche, je n'utilise pas à la manière ordinaire. Dans un sens magique de contemplation et d'évocation, je m'enrubanne de mercerie. Vous ne vous figuriez tout de même pas qu'elle a su, ma main droite un peu pelotonnée par l'habitude d'écrire, enfanter ce chef-d'oeuvre de régularité, de discret relief, de solidité : une boutonnière de vêtement masculin ? J'entends la boutonnière au point de festion, naturellement. L'autre, la boutonnière dite passepoilée, n'offre aucune poésie." (Le Fanal bleu, Livre de poche, page 20)