La littérature sous caféine


mercredi 11 juin 2025

De la famille à la société

"Vipère au poing" vaut bien mieux que son statut de classique de collège. Je découvre sur le tard la plume acérée d'Hervé Bazin, qui me rappelle celle de Jules Vallès. Tous les deux se ressemblent : d'une jeunesse sans amour ils tirent la volonté de combattre la société, le refus de se soumettre. Ce n'est pas d'abord le spectacle des injustices qui décide de leur engagement, mais une souffrance au sein de la famille. Ils auraient pu se contenter de détester leurs parents, ils étendent leur colère à la sphère sociale. C'est dire la force de ce qu'ils ont ressenti ! Et leur caractère obstiné... "Je suis une force de la nature. Je suis le choix de la révolte. Je suis celui qui vit de tout ce qui les empêche de vivre. Je suis la négation de leurs oui plaintifs distribués à toutes les idées reçues."

Saint-Gond

Chaque printemps je rends une visite cérémonieuse à un petit paradis vert, le marais de Saint-Gond. J'y évolue parmi les libellules et les rainettes, je guette les empreintes de cervidés, j'identifie les chants de pouillots véloces et de bergeronnettes, j'approche les fleurs d'aubépine et les iris des marais. L'eau repose mais elle grouille de vies secrètes. Je m'y fais de grands serments de lecture, notamment dans ce genre très américain du Nature writing - promis, cette année j'achève enfin l'imposant Walden de Thoreau !

jeudi 29 mai 2025

La dimension perdue

J'aime beaucoup l'inquiétante étrangeté telle que la définit Freud et telle qu'elle s'exprime dans un certain nombre d'œuvres, du cinéma (Lynch, Cronenberg...) à la littérature (McDowell, Lovecraft...) en passant par la bande-dessinée (Burns, l'eroguro japonais...). Et c'est précisément dans ce genre que Nicolas Le Bault frappe un grand coup avec sa série de bandes-dessinées "La dimension perdue", dont sort tout juste le troisième tome. Ici le sordide se laisse approcher par le bizarre. Le trait naïf et coloré compense la radicalité du propos - ce billet serait censuré si j'en énonçais les thèmes ! Cet art subtil en définitive accomplit une forme supérieure de poésie.

La convergence se dessinerait-elle ?

Le nouveau livre de Kevin Boucaud-Victoire, "Mon antiracisme ", me paraît frappé au coin du bon sens. Il s'agit pour lui de définir une position universaliste qui se distingue à la fois de SOS racisme et des mouvements décoloniaux, c'est-à-dire de tenir compte des réalités économiques tout en considérant que tout groupe, fût-il tenu pour majoritaire, a voix au chapitre. En somme, c'était ma position dans "Les petits Blancs" et dans "La révolte des Gaulois." J'ai écrit dans plusieurs articles que la fameuse convergence des luttes entre campagnes et banlieues n'était pas prête de survenir. Avec ce livre, elle pourrait commencer à se dessiner.

S'élever ou creuser

Parallèlement aux mystiques, je dévore le "Livre rouge" de CG Jung : celui-ci cherche moins à élever son âme qu'à creuser profondément en elle... Cependant les techniques sont proches, les visions comparables. Dans les deux cas il est question d'approcher puis de toucher un idéal. Qu'il soit au-dessus de nous, en-dessous, qu'importe ? À chaque fois il y a cette chose sublime qui constitue notre boussole. J'aime cette idée qui m'éloigne quelque peu de Freud, plus inquiet, plus inquiétant...

lundi 19 mai 2025

Diner des histoires de famille

Soirée potache 4

Nous avons souvent dérapé pour parler littérature (Nabe, Despentes, Millet, Aymé, Cormary, Patrice Jean, d’autres plus sulfureux encore) mais j’ai suffisamment secoué la cloche pour nous ramener à l’ordre du jour. Nous avons alors eu droit à un joli bouquet d’interventions : enfances heureuse avec parents aimants, enfances malheureuses avec parents narcissiques, enfances à fuir ou à prolonger, paternités secrètes, vols de biographies, naissances en camp de concentration… Une savante gradation vers le pire, ponctuée de citations bien senties. La parole a facilement circulé dans ce champ de mines. Certains redoutaient l’exercice ! Il y avait même eu des défections. Pour ma part, j’avais eu l’idée de ce dîner bien avant que ne survienne dans ma vie l’événement surprenant dont j’ai fait part. Comme quoi, le léger et le grave avancent main dans la main.

Anne-Alice Fontaine

Tournage du 4eme volet de mes (très amatrices) "Amitiés littéraires" avec Anne-Alice Fontaine. Nous avons parlé travail d'écriture, seuls-en-scène, métier d'enseignant, dans le cadre enchanteur du Musée des arts premiers.

mardi 13 mai 2025

Invités fantômes 4

Au dîner des histoires de famille, nous avons eu trois invités fantômes.