La littérature sous caféine


mardi 30 septembre 2025

Fantômes au goûter

Comme d'habitude au Cercle potache nous aurons des fantômes, d'autant plus attendus que nous célébrerons la chose au cimetière. Et comme d'habitude certains de ces fantômes seront légitimes, d'autres tout à fait arbitraires - c'est la belle et dure loi de la pataphysique.

Guignon

Cherchant à me composer un bouquet de mes poèmes préférés de Baudelaire - il est vraiment le "poète impeccable", comme il qualifiait lui-même Théophile Gautier - je réalise que sa tonalité globale est décidément la tristesse. Même ses peintures du bonheur sont nostalgiques. Cela me retient de choisir beaucoup de ses pièces puisque dans mon bouquet j'aimerais des couleurs vives, pourquoi pas cruelles, mais dénuées de reflets trop dépressifs (Houellebecq est un grand dépressif, aussi, mais il est drôle). Alors je privilégie les élancées mystiques et les élans d'amour quand ils ne sont pas trop grinçants. Pourquoi pas même un peu de noirceur quand elle est étincelante, comme dans cette fin du poème Le Guignon, dont j'aime l'idée toute spirituelle d'un beau secret enfoui :

"Maint joyau dort enseveli
Dans les ténèbres et l'oubli,
Bien loin des pioches et des sondes ;

Mainte fleur épanche à regret
Son parfum doux comme un secret
Dans les solitudes profondes."

Je citerai sans doute ce Guignon au Goûter au cimetière

Les éditions Diane du Selliers ont eu la bonne idée d'associer ce poème à Odilon Redon

mardi 23 septembre 2025

Un goûter un cimetière



Venez donc parler des ombres et des absences !

Un goûter au cimetière
Evénement potache 6

Dimanche 28 septembre, de 15h à 17h, Père-Lachaise
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vendredi 19 septembre 2025

Habits

Quand j'étudiais à la Sorbonne, j'écoutais avec beaucoup de surprise toutes ces filles qui se passionnaient pour la littérature médiévale. Je ne comprenais pas d'où venait leur fascination. L'une d'entre elles écrivait un mémoire sur la description des habits dans les romans de geste et cette ultra-spécialisation me paraissait un mystère. Aujourd'hui je lis avec le plus vif intérêt la page que consacre Chrestien de Troyes à la tunique de la princesse dans "Erec et Enide". J'aurai donc mis trente ans à comprendre la beauté de ces admirables vieilleries.

Artémis

J'embête beaucoup les étudiants avec la mythologie. Ils prennent ça pour une culture momifiée ! Quelle énergie pourtant, quelle folie dans la moindre légende, le moindre éclat visuel. Témoin, cette hallucinante Artémis d'Éphèse découverte à Naples. On dirait un délire d'auteur SF sous stéroïdes, à mi-chemin entre Moebius et William Gibson.

mardi 16 septembre 2025

Venus erotica

Ce n'est pas mon genre de souligner les côtés contestables de l'écriture masculine, mais force est de constater qu'en matière d'érotisme les auteurs hommes ont une fâcheuse tendance au culte de la performance. Sade, Louÿs, Apollinaire, pour ne considérer que ces références, rivalisent d'extrêmités et de violences. On quitte le plaisir pour le délire mental. Vous me répondrez que Catherine Millet n'a rien à envier à ces ogres et que Léo Barthe - le meilleur d'entre tous ? - rivalise d'intensité stylistique. N'empêche que la tendance est là, et que je trouve par exemple chez Anaïs Nin une vision subtile et riche, néanmoins sans fadeur, que je peine à trouver chez ses équivalents masculins. Ou alors, peut-être, chez HD Lawrence ou Philip Roth ? Mais on y décèle quelques ferments de vantardise...

Autres temps, mêmes moeurs

Livre difficile d'accès, ces Caractères. Mais quand on s'y est lancé, quel délice de s'amuser à y lire des correspondances avec notre époque. Contredisant son goût affiché pour la vérité, La Bruyère se laisse aller à la satire et ça nous donne une galerie de caricatures qu'on retrouve presque à l'identique aujourd'hui. Trois exemples : La Bruyère tance le goût des femmes de son temps pour les "hommes publics", ceux qui n'ont d'autre mérite que d'être sujet de conversation ; puis il déplore la vogue des directeurs de conscience, qui s'octroient le droit de faire la morale sans en avoir le mérite (Ne s'agit-il pas des influenceurs ? Des éditorialistes ? ) ; enfin, il se moque des dévotes, toutes ces femmes qui du jour au lendemain suivent la mode de la morale et de l'austérité... Autre temps, autres moeurs ? Lui l'affirme, mais iI semblerait que non.

samedi 13 septembre 2025

Gouffres de culture

J’admire Gustave Doré. Ses gravures sont évidemment les plus belles du 19ème, les plus expressives et les plus fortes, mais surtout le projet qu’il s’est donné d’illustrer les grandes œuvres rejoint mes obsessions de lecteur. D’une certaine manière, il accompagne mes découvertes et j’achète maintenant toutes les versions illustrées des chefs-d’œuvre auxquels il s’est attaqué – Rabelais, Cervantès, Dante… Dans l’incroyable volume « Fantastique Gustave Doré » des Editions du Chêne je découvre amusé qu’il se fixait ainsi des listes et j’annexe ces listes aux miennes. Je lirai par exemple Roland le furieux de L’Arioste puisque ce grand maître y a consacré du travail. Ce que j’aime avec Doré, c’est que l’image n’éteint pas l’imagination : elle la relance. Elle est si brillante et précise qu’elle complète et qu’elle enrichit. Doré devient mon guide, le Virgile qui me prend la main vers les gouffres de culture.