La littérature sous caféine


jeudi 22 avril 2021

S'habituer à la prison

Cela fait longtemps que j’ai envie d’être professeur en prison – quelques semaines, quelques mois –, pour préparer certains détenus pour le bac ou simplement proposer un atelier d’écriture. Je ne sais pas au juste ce qui m’intéresse dans cette expérience. Sans doute quelque chose comme la fascination pour la chute, l’approche de cette chute et le fantasme de s’en relever.

Dans cette perspective, j’accueille les fictions se déroulant dans le monde carcéral comme un véritable travail préparatoire. C’est une atmosphère à laquelle je m’habitue. « Le miracle de la Rose », « Midnight Express », « La ligne verte »… Et maintenant, ce « Laissez-nous la nuit » (Grasset, 2020) de Pauline Clavière, à vrai dire une vraie surprise, tant ce vaste roman ménage à peu près tout de ce qu’on attend du genre : les effets de réel, les morceaux de bravoure, la dimension documentaire, la sensation de désespoir et de temps qui passe… On referme le livre en se demandant si les choses peuvent réellement se passer de cette façon – c’est le signe qu’il vous a pris dans ses griffes.

vendredi 16 avril 2021

Une année virile avec Tolstoï

Soucieux de lire l’essentiel de ce qu’on considère comme « les classiques » (que je définirais volontiers comme ces livres qui passent à la postérité), à la fois par goût et par penchant assez puéril à la collectionnite, j’ai décidé il y a quelques temps déjà de lire chaque année un « gros pavé classique », et d’échelonner la lecture sur plusieurs mois pour être sûr de ne rien en rater.

Il y a deux ans, j’ai plongé dans les antres de l’enfer avec Dante. L’année dernière j’ai poursuivi Moby Dick sur toutes les mers du monde. Cette année, je pars en campagne contre Napoléon avec Tolstoï et son « Guerre et Paix ». Nul doute, connaissant l’effet que m’a toujours fait la littérature russe du 19ème, que je pars là pour une équipée virile et marquante.

mardi 13 avril 2021

Misogyne, Roth ?

J’ai souvent entendu dire que Philip Roth était misogyne, et que ce défaut lui avait coûté le Prix Nobel. Curieusement, je n’avais jamais senti cette chose-là chez lui. Découvrant un peu tardivement son « Professeur de désir » (1977), je me suis dit que c’était dans ce roman, qui met en scène l’un de ses alter ego en prise avec la difficulté de vivre avec une femme, que je trouverais les passages licencieux. Or, je n’ai pas décelé de page misogyne, tout juste de longs chapitres sur les affres de la vie de couple. Certains portraits au vitriol mais ne me paraissent pas viser les femmes en général.

Les détracteurs de Philip Roth lui reprochent en fait de ne peindre que des femmes antipathiques. Mais je me souviens de très beaux personnages féminins dans « Que la bête meure ». J’en arrive à me demander s’il ne suffit pas aujourd’hui de pointer du doigt les écueils des rapports hommes-femmes pour passer pour misogyne.

(Sur la photo, Roth et sa première femme)