La littérature sous caféine


mardi 28 janvier 2014

"Les Blancs sont-ils toujours coupables ?"



De l'inconvénient de publier un article le lendemain de l'interdiction du spectacle de Dieudonné et le jour même de l'affaire Gayet... Ou comment passer complètement inaperçu sur la Toile. Cet article de ma part sur le Huffington Post n'a pas suscité le moindre commentaire, contrairement aux précédents billets publiés sur le net à propos des "Petits Blancs".

Les Blancs sont-ils toujours coupables ?

Lorsqu'il est blanc, un SDF mérite-t-il notre mépris ? C'est au fond la question à laquelle se proposent de répondre deux livres parus cet automne, deux livres qui partagent en partie leur sujet d'étude mais diffèrent par leur méthode et leurs réponses.

Dans le premier, "Les petits Blancs" (Plein jour, octobre 2013), je cherche à cerner une figure assez nouvelle sur l'échiquier social français, celle du Blanc pauvre, prenant conscience de sa couleur de peau dans un contexte de métissage. Véritable angle mort de notre sociologie politique, il a le défaut d'être blanc pour les partis de gauche et d'être pauvre pour les partis de droite. Du point de vue social, il est difficile de le tenir pour un privilégié. C'est d'ailleurs en partie le constat de Barack Obama lui-même qui a su faire place aux Etats-Unis, dans ses discours, à la question de la rancœur, parfois légitime, des classes modestes blanches. Et j'ai cherché à recueillir, sur le terrain français, un certain nombre de discours et de ressentis chez ces personnes qui se sentent "petits Blancs" ou que l'on désigne comme tels.

Dans le second livre, "De quelle couleur sont les Blancs ?" (La Découverte, novembre 2013), un aéropage de sociologues, d'auteurs et d'artistes se sont également interrogés sur l'identité paradoxale du Blanc dans la France d'aujourd'hui. Le volume entend faire le point sur une notion que l'on croyait périmée mais que l'actualité récente a remis sur le devant de la scène, et c'est en creusant notamment dans le passé colonial que les auteurs cherchent des pistes. Il est d'ailleurs frappant que cette publication ait suivi de quelques jours celle des "Petits Blancs". Cela révèle quelque chose, me semble-t-il, des bouleversements à l'œuvre dans la société française.

Certes, il y beaucoup de choses passionnantes dans ce volume. Les articles de Sylvie Laurent, notamment, dont j'ai d'ailleurs cité dans ma bibliographie le très beau livre "Poor white trash", établissent un certain nombre de constats sur la notion de white trash aux Etats-Unis. Ils décrivent par exemple la situation complexe qui est faite à ces Blancs considérés comme dégénérés à la fois par les minorités ethniques et par l'establishment blanc.

Historiens, sociologues, écrivains dressent par ailleurs dans le livre un assez vaste tableau de ce que la notion de Blanc a pu charrier de fantasmes dans les colonies françaises et en métropole. Ils rappellent à bon escient comment la France a racialisé bon nombre de rapports sociaux, parfois jusqu'à l'absurde, et qu'il est difficile de réfléchir à cette notion aujourd'hui sans faire appel à l'histoire. Je partage avec ces auteurs la conscience qu'il devient urgent de parler de ces thèmes-là, ainsi qu'un certain nombre de considérations, par exemple sur le fait que la notion de "blanchitude" varie avec les sociétés, les époques, et sur le privilège qui peut être parfois celui des Blancs. Ce privilège, étudié depuis quelques années par les whiteness studies américaines, donnerait aux Blancs le droit de faire abstraction de leur couleur de peau et de se croire porteurs de valeurs universelles - un privilège, cela dit en passant, que s'arrogent précisément certains auteurs du volume.

Il y a cependant des partis pris dans ce livre qui le distinguent assez nettement du mien, et qui me paraissent pouvoir être discutés.

Tout d'abord, le point de vue adopté par le volume de La Découverte est surtout celui de l'histoire. Il fait le pari d'évoquer rapidement la question des "petits Blancs" d'aujourd'hui sans prendre la peine de donner la parole à aucun de ceux qui se sentent appartenir à cet embryon de communauté, ni même à aucun désigné comme tel par les médias. Le point de vue est réellement surplombant. Il interroge l'expression mais surtout il la remet en cause : il ne serait pas juste de l'utiliser car elle relèverait d'une stratégie d'inversion, renversant le racisme institué par le système colonial en victimisation des descendants de criminels.

Ensuite, à ce point de vue surplombant, le livre ajoute quelques textes militants qui, par leur virulence, donnent leur sens à l'ensemble. Selon ces textes, il n'y aurait d'une part de "blanchitude" que coupable. D'autre part la seule posture digne pour un Blanc serait, selon l'un des auteurs, d'être "traître à sa race". Le vocabulaire est excessif, proche de la révolte, et des expressions comme "domination blanche" y sont perpétuellement utilisées. Or elles ne me semblent pas rendre justice de la situation réelle de la France contemporaine. Si les discriminations ne sont pas à sous-estimer, il est en revanche impossible d'associer la République française actuelle à un système d'apartheid ou de ségrégation, l'Etat lui-même prenant à bras le corps, avec des résultats certes à discuter, la question des inégalités. Dans ces conditions, proférer qu'il faut, quand on est blanc, se montrer "traître à sa race", c'est à la fois s'interdire de penser la réalité dans toute sa complexité et faire preuve d'un esprit d'intransigeance qui, je dois l'avouer, me fait froid dans le dos.

Et puis, qu'est-ce que cela signifie au juste qu'être "traître à sa race"? Comment se comporterait l'auteur de cette expression, par exemple, face à un SDF blanc ? Lui signifierait-il qu'il doit faire un acte supplémentaire de contrition ? Qu'il devrait expier davantage encore le racisme d'ancêtres qui ne sont d'ailleurs pas forcément les siens ? J'ai du mal à me dire que ce SDF reste un privilégié. C'est pourtant ce que sous-entendent - et parfois, expriment - la plupart des auteurs du volume de La Découverte. A leurs yeux, le SDF blanc ne serait pas à plaindre par rapport au bourgeois métissé ; la "domination blanche" voudrait qu'un Blanc, aussi pauvre soit-il, reste détenteur d'un pouvoir symbolique dont serait dépourvu tout membre, aussi riche soit-il, d'une minorité. Mais ce pouvoir symbolique me paraît bien maigre, à moi. Comment ne pas voir que des brimades quotidiennes en font un piètre privilège ? Qu'on se rappelle une récente affaire de groupe de visiteurs "défavorisés" refoulé du Musée d'Orsay à cause de leur odeur : sinistre inversion d'anciennes obsessions racistes.

Si je m'en tiens à l'une des hypothèses de mon livre - hypothèse que d'autres auteurs publiés par La Découverte font eux aussi depuis des années, notamment Eric et Didier Fassin dans leur passionnant livre "De la question sociale à la question raciale" -, à savoir que depuis le milieu des années 2000 il est venu s'ajouter en France à la question sociale une question raciale, alors "être traître à sa race" revient à réduire toute question sociale à la question raciale. Inversement, il arrive à certains de vouloir "diluer" toute question raciale en réduisant par exemple tout conflit à des questions économiques. Il me paraît plus juste d'essayer de tenir compte, en général, et autant que les circonstances nous y autorisent, dans la société française d'aujourd'hui, de ces deux grilles d'analyse.

Dans le livre de La Découverte un chanteur du groupe Zebda parle avec une candeur stupéfiante des coups de poing que recevait dans son école un fils d'ouvrier blond. "C'était un fils d'ouvrier, modeste comme nous, mais il nous semblait parfait: beau, blond, blanc.On était sous sa botte. Jusqu'au moment où quelqu'un de notre bande est venu l'affronter; quand le blond a pris son premier coup de poing dans la gueule, il a été démystifié. Il est tombé, il a demandé pardon..." Eh bien c'est lui, le Petit Blanc ! Ce fils d'ouvrier qui se fait tabasser sans que personne n'y trouve à redire, pas même des sociologues qui se contentent d'opiner de la tête : "Retour de bâton..." Certes, on comprend d'où vient cette violence ; elle n'en reste pas moins inacceptable, surtout quand elle s'abat sur des enfants.

Je me demande ce que répondrait Eminem, habituellement tenu pour un archétype du white trash, aux auteurs de La Découverte, s'il arrivait dans une France sur laquelle on aurait soufflé davantage encore sur les braises de la rancœur. Peut-être répéterait-il un discours tenu dans une chanson de 2002, une chanson qu'il adressait à l'"Amérique blanche" - entendez, non pas celle des white trash en caravane mais celle de l'establishment, "White America", qui disait en substance : "Fuck you ! Vous me crachez à la figure mais vous avez peur de moi. Vous dîtes que nous n'existons pas ! Mais vous pourriez avoir une mauvaise surprise, bourgeois : un jour nous débarquerons dans vos salons pour vous mettre une raclée."

mercredi 15 janvier 2014

A la rencontre des "gueules cassées de la misère"

Un bel article de Laurence Biava sur le site BSC News :

Aymeric Patricot a publié son dernier livre en octobre 2013. Il s’agit d’un essai, ponctué d’analyses, de témoignages, de portraits, et de monologues livrés sans tabous. Patricot est allé à la rencontre des « petits blancs » les blancs pauvres oubliés qui évoluent dans un contexte de métissage et il se demande tout au long du livre si comme aux Etats-Unis, on peut ou non parler de «White Trash», c’est-à-dire évoquer ces personnes dont l'angoisse être d’être pris entre deux feux: entre d’une part, historiquement parlant, « les anciens esclaves », qui se font un malin plaisir de lui cracher dessus parce qu'il représente, par sa couleur de peau, l'ancien maître; et d’autre part, les « bourgeois blancs » qui le méprisent pour son comportement et sa saleté. L’auteur réfléchit à ce que peut être la «situation du jeune homme blanc» dans la société française d'aujourd'hui et à cette nouvelle misère qui se dresse devant lui comme un mur impossible à escalader. Le tableau ou plutôt les tableaux protéiformes dépeints dans l’essai évoluent au gré des situations personnelles à chacun ; ils sont souvent chaleureux, parfois froids, tristes, déprimés, saisissants de réalisme divers, d’où filtre parfois de la violence, celle-ci s’exprimant avec des mots crus. Le récit plonge donc dans la France d’en bas, celle des quartiers pauvres de la République, où le racisme, les préjugés, la haine des autres et la haine de soi, se concentrent autour de la tentation permanente de rompre, de basculer, d’en finir.. Fort de ses expériences personnelle et professionnelle d’enseignant en banlieue, l’auteur s'intéresse à la double peine souvent ressentie par ceux qui sont méprisés des élites et se sentent quelquefois étrangers dans leur propre pays. Il raconte ces gueules cassées, humiliées souvent et le texte, au-delà des exemples qu’il cite (l’auteur « pioche » dans la musique et le cinéma) se souvient de ces témoignages télévisuels ou ruraux parmi les plus émouvants. Les jeunes, méprisés, retranchés à regret dans leur campagne, traités de « beaufs » et de « bouseux », complexent à l’idée de venir « en ville », et s’ils ne sortent pas, c’est parce qu’il n'y a rien, pas d'offre culturelle quand il y en a beaucoup dans les quartiers populaires. L’enquête d’Aymeric Patricot est passionnante en ce qu’elle aborde l’évolution des discriminations depuis les années 70, l’accroissement de la brutalité physique et morale, la cristallisation des rancoeurs de jeunes gens littéralement coupés des mondes économique et politique, l’aspect politisé du débat, ou plutôt de tous les débats, sans jamais tomber dans le rigorisme fragile, l’approximation ou la mésinterprétation. Il est d’abord question d’« identité » et de sa dimension universelle mais également de problématiques « raciales » surajoutées aux questions déjà soulevées, c’est-à-dire « sociales», ainsi que des tensions nouvelles entre les communautés nées dans un climat délétère. Au-delà de la description de l’aspect sociologique de tous ces désirs et ces frustrations croisés, au-delà de la fantasmagorie qui les incarne, est ensuite mis en relief une autre forme de mépris: celui qui s'exerce dans les élites, en ce que la fracture et la discrimination qui existent désormais entre la bourgeoisie blanche et les «petits Blancs» sont si ancrées qu'elle relève d'une différence raciale: Aymeric Patricot précise que certains membres autoproclamés de l'élite n'hésitent pas à voir dans les plus pauvres des gens dégénérés, pour lesquels on ne pourrait plus rien.

L’opus livre quelques pistes de réflexions à partir de ces éléments qui contribuent à forger la prise de conscience d'une classe pauvre et blanche, blanche parce que «n'appartenant pas aux publics qui intéressent la classe politique». L’auteur énonce : « De même que le Noir était auparavant le Non-Blanc, le petit Blanc est aujourd'hui le «non-minoritaire. Une conscience « raciale » est-elle en train de se substituer à une conscience de classe ?». Il est important de lire sans hésitation ce livre acéré et très littéraire qui fait également la part belle à quelques écrivains parmi lesquels Aimé Césaire, Jean-Paul Sartre, Norman Mailer, Dany Laferrière. Ou comment essayer sans faux fuyants de cerner des approches inattendues, des visages bouleversants, des réalités méconnues qu’il est urgent d’appréhender, pour éviter l’escalade de la violence.

dimanche 5 janvier 2014

"Les Français ne croient plus en leur avenir" (Echo belge)

Cette semaine, une page sur le thème "Les Français ne croient plus en leur avenir" dans L'Echo belge signée Isabelle Repiton, qui m'a interviewé à propos des Petits Blancs:

Qui sont ces «petits Blancs» sur lesquels vous venez de publier un livre, mi-essai, mi-recueil de témoignages?

En enseignant 10 ans en France dans des quartiers très métissés, j’ai constaté que la question raciale est venue s’ajouter à la question sociale. Les «petits Blancs» sont divers comme les témoins de mon livre: ancien ouvrier, paysan, SDF, chômeuse, gardien d’immeuble, employé… Le trait commun, c’est qu’ils se sentent abandonnés, exclus. Ils ne rentrent dans aucune case, ils sont dans un angle mort. La pauvreté n’intéresse pas la droite. La gauche socialiste a délaissé les questions sociales, pour celles des minorités ethniques et sexuelles. Cela génère une rancoeur: «je suis pauvre mais je passe pour un privilégié (parce que je suis Blanc)». Aux Etats-Unis, la notion de white trash (déchet blanc), dont le chanteur Eminem est un représentant, a pignon sur rue. Des universités ont des cursus de whiteness studies.. En France, il y a un déni, c’est un thème interdit.

Quelles conséquences politiques?

Certains votent pour les extrêmes, Front National ou extrême gauche, mais beaucoup ne votent plus. Les «petits Blancs» se sentent pris entre deux fronts: les minorités ethniques d’une part, et la bourgeoisie bien pensante d’autre part. Celle-ci leur fait la morale, les accuse de racisme, bien qu’ils se métissent plus qu’elle. Le spectre du déclassement hante une partie des classes moyennes, qui a peur de retomber dans la pauvreté dont leurs parents avaient pu s’extraire. D’où leur mépris pour les petits Blancs.

Pourquoi parlez-vous de «déculturation» des petits Blancs?

J’ai été frappé lors d’une visite au Louvre, que des élèves musulmans connaissent Jésus, sa place dans le Coran, et se sentent plus à l’aise avec la présence du Dieu chrétien dans la peinture, qu’un «petit Blanc» élevé sans religion. Celui-ci n’a pas «d’épaisseur culturelle», face à des gens qui revendiquent des traits culturels affirmés. Or il est censé représenter le pays d’accueil: cette inversion des schémas provoque un déséquilibre, une angoisse existentielle. La Nation, la République, sont des notions disqualifiées, qui ne comblent plus ce vide culturel.

samedi 4 janvier 2014

"N'avoir sa place nulle part"

Bel article d'Ariane Charton sur son blog Les âmes sensibles à propos des Petits Blancs :

J’ai lu le livre Les Petits Blancs d’Aymeric Patricot en partie dans le métro, profitant de longs trajets que j’avais à effectuer. Une fois, station place d’Italie, station où se croisent « petits blancs » et immigrés de différentes origines, je suis tombée sur cette affiche. D’abord j’ai pensé que ces tags allaient bien avec Cocteau parce qu’ils symbolisaient une sorte de spontanéité qui plaisait à Cocteau. Hélas, ces tags n’avaient rien de créatif. Je suis restée devant cette affiche pour tout lire. Quelques passants se sont arrêtés pour regarder à leur tour, notamment une vieille dame en manteau de fourrure qui avait une mine un peu outrée par ce qu’elle devait considérer comme une dégradation. Certains se sont étonnés de me voir photographier l’affiche (d’autant que je n’avais pas l’allure d’un photographe reporter travaillant sur un sujet de société ni d’une touriste). Je me suis dit que cette affiche était une illustration possible de mon billet.

L’ouvrage Les Petits Blancs d’Aymeric Patricot a été commenté par plusieurs journalistes et chroniqueurs sans doute plus compétents que moi pour juger du livre du point de vue sociologique et politique. Je ne dirais pas que le monde actuel ne m’intéresse pas, au contraire, je l’observe. Mais j’ai du mal à ne le considérer que dans son immédiateté. Je le relis généralement à la lumière de l’Histoire voire dans une perspective intemporelle. Ce qui m’intéresse dans le présent c’est ce qui éternel ou qui a déjà existé. En lisant donc le livre d’Aymeric Patricot, j’ai songé que ces petits blancs de 2013 dont il rapporte avec intelligence et sensibilité les propos éprouvaient des sentiments ressentis par bien des hommes avant eux. Sauf que ces hommes d’hier n’avaient pas eu un écrivain pour les écouter et traduire le récit de leurs états d’âme. Que ressentent ces petits blancs dans les banlieues ou zones sinistrées telles certaines campagnes désertées et villes industrielles ? Un sentiment de vide, de non existence. Le malaise de l’homme qui ne se sent accepté nulle part et qui craint la même chose pour sa progéniture. Tous ces « petits Blancs », ces pauvres qu’on n’écoute guère sauf s’ils ont recours à la violence (hélas mauvaise conseillère), ces pauvres qui ne se sentent pas légitimes dans leur propre pays ne se plaignent pourtant pas tous, soit parce qu’ils sont résignés, soit parce qu’ils tentent de garder espoir.original

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jeudi 12 décembre 2013

"Eric Zemmour a encore franchi le mur du çon" (article de Philippe Corcuff sur Rue89)

Un article de Philippe Corcuff, sur Rue89, qui attaque zemmour et tacle le livre au passage, mais pas pour les mêmes raisons. Zemmour taclait le livre également, mais pas pour les mêmes raisons non plus... Vous me suivez ?

"La dernière chronique d’Eric Zemmour dans Le Figaro du 5 décembre, « Petits Blancs et bonnes consciences », a dépassé de nouveau le mur du çon.

Le niveau d’insanitude du gourou médiatique des temps qui puent, dans une double diabolisation dont il a le secret (des « femmes » en général et de « l’immigration arabo-africaine » en général), a été encore une fois explosé.

Dans cette chronique, Zemmour commente le récent livre de l’écrivain et enseignant Aymeric Patricot, « Les petits Blancs. Un voyage dans la France d’en bas » (éd. Plein Jour, octobre 2013). Il écrit ainsi :

« Patricot laisse parler ses interlocuteurs qui lui confient leurs malheurs, leur sentiment de déchéance, leur haine des autres et de soi ; jusqu’à la misère sexuelle des jeunes prolétaires blancs qui, éduqués dans l’univers du féminisme occidental, ne peuvent rivaliser avec la virilité ostentatoire de leurs concurrents noirs ou arabes, qui séduisent nombre de jeunes femmes blanches, blondes de préférence, comme le prouve le succès du site Blanchablacks.com, que Patricot interprète comme la revanche symbolique de la colonisation, sans voir qu’il exprime aussi l’antique attrait des femmes pour le mâle dominant, le vainqueur, à l’instar de ces Françaises qui couchèrent pendant la Seconde Guerre mondiale avec des soldats allemands puis américains. »

Zemmour, qui a été condamné le 18 février 2011 par la XVIIe chambre du tribunal correctionnel de Paris pour provocation à la discrimination raciale suite à une plainte de la Licra, emboîte ses habituels stéréotypes xénophobes et sexistes.

Sachant tout de la prétendue « nature féminine » à travers les âges, il nous explique en un claquement d’idées choc le lien nécessaire entre leur supposée attirance pour les soldats allemands et américains hier et pour les Noirs aujourd’hui.

Aucun ethnologue, historien ou sociologue n’y reconnaîtra la complexité de faits changeants au cours des siècles et des civilisations ? Que diable ! Zemmour lutte justement contre « les œillères idéologiques et la légèreté médiatique » des « pseudo-savants » s’efforçant de « nier la réalité »… au moyen d’œillères idéologiques et de légèreté médiatique à la manière d’un pseudo-savant prenant ses fantasmes pour la réalité.

Dans le passage cité, Zemmour fait d’ailleurs endosser à Patricot ses propres obsessions. Certes, ce dernier ne convainc pas, dans ce qui se présente comme un essai impressionniste et non une enquête rigoureuse de sciences sociales, de la pertinence explicative de la notion de « petit Blanc », à cause de l’amalgame d’expériences disparates opéré dans une catégorie générale à partir d’un nombre de cas fort restreint.

Suite à lire ici :[...]

mardi 10 décembre 2013

"Une réflexion intègre et sincère" (Entretien avec Karine Papillaud pour Lecteurs.com)

A lire sur le site Lecteurs.com (Orange) :

"Un sujet qui dérange : le petit Français blanc qui rame, selon Aymeric Patricot

Le nouveau livre d’Aymeric Patricot n’a pas fini de faire parler. Dans Les Petits Blancs (ed Plein Jour), il dessine le portrait d’une catégorie « socio-ethnique » dont ni les sociologues ni les historiens ne se sont encore sérieusement emparée, « le petit blanc ». Une réflexion sincère et intègre, appuyée sur des témoignages les plus divers possibles. Une manière de se faire une idée nouvelle des transformations sociologiques du pays, en s’armant fermement contre les inévitables récupérations à venir.

Il fallait un profil atypique comme celui d’Aymeric Patricot pour oser un tel sujet et savoir le décrire tout en nuances, sans aucun refrain idéologique. Professeur de lettres, ainsi qu’il le décrit dans Autoportrait du professeur en territoire difficile (Gallimard), romancier subversif parfois (L’Homme qui frappait les femmes (Leo Scheer)), Aymeric Patricot est un ancien HEC, qui, au retour d’une mission à l’ambassade de France au Japon, décide de passer l’agrégation de Lettres. Le reste se lit dans sa bibliographie, peu nombreuse mais sans futilité. Les Petits Blancs sont son dernier texte en date, entre document, récit et essai.

Entretien.

-Vous consacrez un livre à ce que vous appelez « Les Petits Blancs ». Qui rangez-vous dans cette catégorie ?

J'appelle "petits Blancs" des gens qui sont à la fois pauvres et blancs. Mais j'insiste sur le ressenti : il est difficile, voire impossible, de définir des critères objectifs pour ce genre de choses. Je me base sur ce qu'on appelle une définition "constructiviste" de la race, c'est-à-dire qu'elle est avant tout perçue comme une construction sociale. Les "petits Blancs" seront donc des Blancs qui se perçoivent comme tels ou bien que l'on désigne comme tels - que ce soit pour les valoriser ou les stigmatiser.

-Il faut beaucoup de subtilité pour prendre en compte cette population qui n’est pas homogène, y a-t-il un socle commun à ces petits Blancs et quelle part de la population française représentent-t-ils ?

Il me semble que l'émergence d'une conscience "petit Blanc" pourrait être identifiée dans trois groupes, au sein de la société française actuelle : les paysans pauvres, les ouvriers ou anciens ouvriers, les citadins en grande précarité. Trois groupes évidemment très différents, très éloignés parfois. Mais qui partagent néanmoins certains ressentis, certaines difficultés. Par exemple, le sentiment d'une certaine misère qui vous menace ou qui vous rattrape. Ensuite, celui d'avoir une histoire distincte de celle de ce qu'on appelle les "minorités ethniques". Le petit Blanc ne s'oppose pas forcément aux membres des minorités. Souvent, même, il vit dans une précarité comparable et se sent solidaire. Mais, par la force des choses, il ne vivra pas les mêmes expériences. Les regards croisés, les vécus forgeront une expérience particulière. C'est un simple effet mécanique : si l'on admet que les populations d'origine immigrée vivent des parcours singuliers (par exemple dans le sentiment d'être parfois relégué), alors il faut admettre que l'expérience des "non-immigrés" est également distincte.

Suite à lire ici :[...]

lundi 9 décembre 2013

Un petit rouge pour les "Petits Blancs"

Signature du livre "Les Petits Blancs" au café-librairie LA BELLE HORTENSE (31 Vieille du Temple, Paris 4) le mercredi 11 décembre à partir de 20h.

jeudi 5 décembre 2013

"Petits Blancs et bonnes consciences" (Eric Zemmour, Le Figaro)

Article d'Eric Zemmour dans le Figaro du 5/12/2013, à propos des "Petits Blancs" et "De quelle couleur sont les Blancs ?" (La Découverte, novembre 2013) :

"Un voyage dans la France d'en bas des petits Blancs et un voyage dans la France d'en haut des consciences antiracistes. Entre souffrance et arrogance.

Traduire, c'est trahir. Et se trahir. Là où les Américains parlent de White trash, les Français traduisent « petit Blanc ». Là où les Américains assument deux fois, et la race et la déchéance, les Français adoucissent, euphémisent, aseptisent. Là où les Américains décrivent un des effets majeurs de la modernité multi-culturelle, les Français se croient obligés de passer par un terme désuet de la période coloniale. Tout au long de son « voyage dans la France d'en bas », écrit dans un style soigné d'agrégé de lettres et une prudence politiquement correcte de prof, Aymeric Patricot décrit avec empathie mais sans fard la condition désespérée de ces chômeurs, précaires, femmes élevant seules leurs enfants, vivant d'aide sociale et d'ex-pédients, tout cet univers que les œillè-res idéologiques et la légèreté médiatique ont exclusivement accolé aux populations issues de l'immigration arabo-africaine.

Misère financière, misère sociale, misère psychique, misère familiale, misère sanitaire même, Patricot laisse parler ses interlocuteurs qui lui confient leurs malheurs, leur sentiment de déchéance, leur haine des autres et de soi ; jusqu'à la misère sexuelle des jeunes prolétaires blancs qui, éduqués dans l'univers du féminisme occiden-tal, ne peuvent rivaliser avec la virilité ostentatoire de leurs concurrents noirs ou arabes, qui séduisent nombre de jeunes femmes blanches, blondes de préférence, comme le prouve le succès du site blanchablacks.com, que Patricot interprète comme la revanche symbolique de la colonisation, sans voir qu'il exprime aussi l'antique attrait des femmes pour le mâle dominant, le vainqueur, à l'instar de ces Françaises qui couchèrent pendant la Seconde Guerre mondiale avec des soldats allemands puis américains.

Quand on quitte Les Petits Blancs et qu'on ouvre De quelle couleur sont les Blancs ?, on change d'univers. On passe des dominés aux dominants, des ignorants aux sachants ; le ton humble devient arrogant ; certains se vantent de leur statut de « traître » à la France, traître aux « Blancs » ; d'autres veulent poursuivre le combat de la décolonisa-tion cinquante ans après les Indépen-dances. Brusquement, on vire de la réalité à l'idéologie, du témoin au militant.

Qu'ils soient historiens, sociologues, journalistes, tous les intervenants nous expliquent que le blanc n'est pas une couleur, que les races n'existent pas, mais que les racistes sont haïssables, qu'un Blanc, même petit, peut être un opprimé, mais est condamné pour l'éternité à être un dominant, alors qu'il est la grande victime de l'époque, que c'est sur son dos que s'est faite la mondialisation, ses emplois ayant été délocalisés en Inde ou en Chine, qu'il doit supporter la promiscuité de familles d'immigrés vivant comme « là-bas », pour lequelles il n'est plus un modèle à suivre, et qui lui imposent l'incroyable condition d'être minori-taire dans son propre pays ; et qu'il subit de surcroît les leçons de morale des bourgeois antiracistes qui ont seu-lement les moyens de se protéger, eux et leurs enfants, des ravages du multi-culturalisme. La triple peine.

Mais aux yeux de nos brillants esprits, tout cela n'existe pas ; ou plutôt, tout cela existe au niveau individuel (on peut se faire traiter de sale Français et de sale Blanc) mais pas au niveau idéologique et politique, car le Blanc est à tout jamais le colon raciste qui fait suer le burnous à l'Arabe et met des fers à l'es-clave noir. On sim-plifie ? Non, on synthétise. Chacun son style, chacun son discours. Mais ces pseudo-savants s'obstinent à voir dans la colonisation un universalisme blanc, alors que c'était un universalis-me français ; une domination qui préfi-gure la hiérarchie raciale des nazis, alors que c'était un Empire romain, où tous avaient vocation - un jour mais pas à n'importe quel prix - à endosser la toge. Même Charles Maurras a toujours rejeté avec dédain les délires racistes des nazis. Trop catholique, trop romain, trop politique.

Mais ils sont tellement enivrés d'idéologie qu'ils croient tout le monde à leur image ; ils ont tellement l'habitude de « déconstruire » pour nier la réalité, qu'ils prêtent aux autres leurs propres turpitudes. Les lire l'un après l'autre, c'est plonger dans notre malheur. D'aujourd'hui et de demain.

L'obsession de la colonisation - encore un passé qui ne passe pas - a entraîné le refus véhément de l'assimilation, vue comme un insupportable héritage de cette période, et une preuve indélébile du racisme des « Blancs » à l'égard des « basanés », alors qu'elle fut - il faut relire Braudel - le moyen le plus efficace pour favoriser « l'intégration sans douleur » de générations de Belges, Italiens, Espagnols, Polonais, et même de Kabyles ou de Sénégalais. Le rejet de l'assimilation entraîna l'échec de l'intégration - et non l'inverse -, puis la multiplication des discours victimaires et l'émergence des politiques de discrimination positive, c'est-à-dire une préférence accordée uni-quement en raison de ses origines : le retour du principe aristocratique dans la République.

Enfin, le refus de l'assimilation, joint à l'effet de masse de la démographie, provoquait dans de nombreux quartiers l'instauration d'un mode de vie étranger sur le territoire français, forçant les petits Blancs à se soumettre (jusqu'à la conversion à l'islam) ou à se démettre (c'est-à-dire fuir dans le fameux pé-riurbain). En clair, la référence obsessionnelle à la colonisation - de ses injustices, de ses souffrances, et de ses humiliations - a conduit à une contre-colonisation sur le territoire français menée au nom d'un projet « décolonisateur ». Des militants arabes d'extrê-me gauche ont même eu le culot de se qualifier d'« indigènes de la Républi-que », comme si les descendants des colonies nord-africaines de la France étaient à jamais des « indigènes » -c'est-à-dire des victimes - confinant les Français, même sur leur propre sol, celui de leurs ancêtres, dans le rôle éternel de colons - c'est-à-dire des exploiteurs racistes. Rien n'aura été épargné aux petits Blancs
."