La littérature sous caféine


mercredi 25 janvier 2023

Les livres paysages

Il y a des livres qu’on dévore parce qu’ils nous paraissent évidents, drôles, et qu’ils visent une sorte de point essentiel, comme ça m’est récemment arrivé avec le « Blabla et le chichi des philosophes » de Frédéric Schiffter (Puf, 2001).

Et il y a des livres dans lesquels on se promène, des livres paysages qui prennent le temps de s’étendre et nous invitent à baguenauder, virevoltant autour d’un sujet qu’ils entourent de mille attentions.

« Aurora Cornu » de Pierre Cormary, publié par Etienne Ruhaud chez Unicité (2023), préfacé par Amélie Nothomb, précédé d’une rumeur flatteuse voulant que Houellebecq l’ait recommandé, est de ceux-là. L’auteur y détaille son obsession pour Aurora Cornu, l’actrice et poétesse roumaine, égérie de Rohmer, et raconte leur improbable rencontre. Dialogues savoureux, digressions autobiographiques, situations cocasses… Le livre grandit avec l’ambition de tout cerner de la femme aimée, d’autant qu’il s’agit ici d’un amour sans sexe, longtemps fantasmé. Rêve de fusion par la présence et par les mots… Il y a de la courtoisie dans ce projet, de l’hallucination par la parole.

Mais le ton reste léger, l’écriture fluide, et le volume permet une curieuse expérience, proche de l’amitié : c’est avec patience qu’on suit longuement un homme dans la spirale émotive qu’il nous offre en spectacle. Ce qu’il ressent nous paraît familier. On dirait un partage mystique, en somme, d’autant qu’il se place sous le signe d’une personnalité qui ne rechignait pas à l’occultisme.

« Vampiriser Aurora Cornu pour en être digne et comme elle-même a voulu être digne de cet homme à qui elle doit sans doute ce tempérament de guerrière qui faisait dire à sa mère nucléaire que lorsqu’elle était enceinte d’elle, elle avait eu l’impression d’avoir un garçon furieux dans les entrailles. C’est qu’elle n’a peur de rien, cette adolescente aventurière qui va gambader pieds nus dans la forêt au risque de se laisser surprendre par un orage à la tombée de la nuit et se perdre dans la gadoue. » (page 243)

mercredi 18 janvier 2023

Jacquou le Gilet jaune



Étrange et splendide roman que ce « Jacquou le Croquant » (Eugène Le Roy, 1899), construit sur un impeccable canevas de vengeance- une rareté dans le domaine français, et d'une efficacité toute moderne- mais réservant des pages splendides sur les forêts, la faune, les mœurs paysannes du 19ème...

Étrange histoire, aussi, que cette vengeance d'un paysan contre l'arbitraire d'un noble, alors que la Révolution française est passée... On dirait la lutte contre un mort qui persiste à vouloir vivre. Et c'est un autre spectre qui se dessine alors, celui d'un vieux fonds de révolte perpétuelle du peuple français contre ses élites, quel que soit le régime en place...

« J’entrevis, à travers les âges, la triste condition du peuple de France, toujours méprisé, toujours foulé, tyrannisé et trop souvent massacré par ses impitoyables maîtres. Comparant mon sort avec celui de nos ancêtres, pauvres pieds-terreux, misérables casse-mottes, soulevés par la faim et le désespoir, je le trouvais quasi semblable. Etait-il possible, plus de trente ans après la Révolution, de subir d’odieuses vexations comme celles de ce comte de Nansac qui renouvelait les méfaits des plus mauvais hobereaux d’autrefois ! »

mercredi 11 janvier 2023

Fils ou voyou (Les contes noirs du Paris moderne, 2.3)

mercredi 4 janvier 2023

Toute personne se présentant avec une image...

lundi 2 janvier 2023

Colette païenne

L’année dernière, mon pèlerinage au pays de Colette a failli tourner court. J’ai d’abord trouvé ennuyeuses ces « Vrilles de la vigne » qui me lassaient avec leur délire d’images et de mots datés… Et puis, je me suis souvenu qu’avec Colette il fallait ralentir le rythme et rester conscient qu’il s’agissait, avant tout, de poésie. Alors, j’ai pu goûter à nouveau sa plume sensuelle. Et je suis tombé sur plusieurs passages essentiels à la compréhension de son œuvre, comme cet autoportrait en véritable déesse de la nature :

« Tu crois qu’elle dort ? Elle cueille en ce moment, au potager, la fraise blanche qui sent la fourmi écrasée. Elle respire, sous la tonnelle de roses, l’odeur orientale et comestible de mille roses vineuses, mûres en un seul jour de soleil. Ainsi immobile et les yeux clos, elle habite chaque pelouse, chaque arbre, chaque fleur – elle se penche à la fois, fantôme bleu comme l’air, à toutes les fenêtres de sa maison chevelue de vigne… » (Dialogue de bêtes)