La littérature sous caféine


Ne négligeons pas la scatologie ! (Calet / Littell)



(Photo : Topheman)

J’achète La Belle Lurette de Henri Calet, dans la collection L’Imaginaire Gallimard : d’un air malicieux, la libraire me confirme qu’il s’agit d’un excellent choix – ce livre a donné son nom à la belle librairie qu’elle tient, et qui vient de réouvrir sur la rue du Faubourg-Saint-Antoine.

Depuis quelques jours je me plonge dans la prose de cet auteur méconnu, mais apprécié d’un petit cercle de fans, et je découvre une plume alerte, très dense, assez proche de celle de Céline par sa vigueur, sa description de milieux populaires, sa gouaille.

J’ai été saisi par le passage suivant :

« Dans un beau mouvement de charité chrétienne, la mère, la brodeuse, vint voir sa fille, l’enfermée. A l’intérieur de la cage obscure, la visiteuse ressentit une grande effervescence intestinale due à la vive émotion. Elle murmura les premiers mots du discours moralisateur et minutieusement préparé :
- Ma pauvre fille, je ne te ferai pas de reproches…
La suite ne passa pas entre les grillages fins. Il y eut un déchirement, un brouhaha de pets et de soupirs. La maman éclatait du derrière.
Le tête-à-tête, en ce parloir empuanti, dura le temps réglementaire : une demi-heure.
- Oh ! Mon Dieu… Mon Dieu…, disait la vieille dame, par instants et au comble, sans aucun doute, de la confusion.
La fille ne disait rien.
Et la mère partit avec sa harangue rentrée et son caca dans ses jupons blancs et nombreux. Pour ne plus jamais revenir
. » (p25)

Phrase d’anthologie que cette « La maman éclatait du derrière » !

Cela me rappelle d’ailleurs ce sommet que représente en la matière Les Bienveillantes, que je suis sur le point d’achever (décidément, le livre le plus important de ces dix dernières années ?), dans lequel la scatologie joue un rôle constant. Je n’en veux que pour preuve cet autre passage d’anthologie, parmi de nombreux autres :

« Je défis mon pantalon et m’accroupis ; lorsque j’eus finis, je cherchai du papier, il ne semblait pas y en avoir ; alors je sentis quelque chose me toucher le derrière ; je fis un bond et me retournai, tremblant, cherchant déjà mon arme de service, la culotte ridiculement baissée : une main d’homme était tendue par un trou dans le mur et attendait, la paume en l’air. Un peu de merde fraîche tachait déjà le bout des doigts, là où ils m’avaient touché. « Va-t’en ! hurlai-je. Va-t’en ! » Lentement, la main se retira du trou. J’éclatai d’un rire nerveux : c’était immonde, ils étaient vraiment devenus fous, à Lublin. » (p532)

Ce « Ils étaient vraiment devenus fous, à Lublin » fait d’ores et déjà partie de mes phrases préférées de ce livre (et, accessoirement, de la littérature…)

COMMENTAIRES

1. Le mardi 4 décembre 2007 à 20:16, par aimée

Je n'arrive pas à lire "Les bienveillantes" je me perds dans tous ces noms de capitaines, commandants allemands ( oui je n'ai pas réussi à aller plus loin que les 30 premières pages :-( ), pourtant j'aimerais bien pouvoir le lire jusqu'au bout.


2. Le mardi 4 décembre 2007 à 20:58, par pat

tiens, le retour d'aimée ! merci de passer dire bonjour !
Bcp sont comme toi, bcp ne passent pas la rampe des 30 premieres pages... En fait, ce sont les plus dures à lire ! apres ca va mieux... Mais tu as été courageuse de te lancer dans la lecture des bienveillantes ! Tu dois en etre la plus jeune lectrice de france !

3. Le mercredi 5 décembre 2007 à 10:57, par drago

on a bcp critiqué ce coté scato dans les Bienveillantes. je ne sais pas quoi en penser. Provocation ? humour caca boudin ? Plaisir pathétique de se vautrer dans la fange ?

4. Le mercredi 5 décembre 2007 à 17:12, par hélène

d'henri CALET ,je dois avoir "monsieur paul" quelque part....je ne sais même plus si je l'ai fini..en fait j'avais un copain qui n'arretait pas de me parler de ce livre, me le racontant, mimant, etc..quand je l'ai lu , j'ai été très déçue, je crois que j'aimais surtout la narration qu'il m'en faisait..

5. Le mercredi 5 décembre 2007 à 18:40, par Aimée

Ce serait flatteur d'être la plus jeune lectrice des "Bienveilantes". Mais là, il faut absolument que je lise Harry Potter 7 et interrompre ma lecture des "raisins de la colère", :D pour l'instant je ne fais que d'apprivoiser "les Bienveillantes" me demandant quand est ce que je reprendrais sa lecture.
Sinon, on ne lit plus rien au sujet de la rédaction de votre prochain livre, mais j'ai lu qu'il y en avait eu un autre avant Azima la Rouge : Gingember Bluuuuuuues !!! ^^ D'ailleurs, je suis certainement la dernière à le savoir . ^^

6. Le jeudi 6 décembre 2007 à 10:20, par pat

c'est marrant, "monsieur paul", j'ai l'impression que c'est un titre qui est souvent utilisé... J'ai une BD, qui s'appelle monsieur paul, et je crois connaitre un autre roman du meme nom... C'est vrai que le peu que j'ai lu de calet, c'était sympathique, mais ca manquait peut etre un peu de structure...

aimée, je ne vois vraiment pas de quoi tu parles... ;-) Ginger quoi ?... Non, je n'étais pas au courant... Ca ne doit pas etre tres bon, en tout cas, parce que je ne m'en souvient pas...

7. Le jeudi 6 décembre 2007 à 17:45, par Aimée

ahh ! Oups, XD pardon, c'est certainement parce que je me suis trompée ...

8. Le jeudi 6 décembre 2007 à 19:08, par pat

non, je plaisantais ! Oui, j'ai écrit un précédent roman (et meme deux), publiés chez un tout petit éditeur (une éditrice, au demeurant...) Mais je n'en recommanderais pas forcément la lecture !

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