Ne négligeons pas la scatologie ! (Calet / Littell)
Par admin, mardi 4 décembre 2007 à 18:38 :: Littérature française :: #314 :: rss
(Photo : Topheman)
J’achète La Belle Lurette de Henri Calet, dans la collection L’Imaginaire Gallimard : d’un air malicieux, la libraire me confirme qu’il s’agit d’un excellent choix – ce livre a donné son nom à la belle librairie qu’elle tient, et qui vient de réouvrir sur la rue du Faubourg-Saint-Antoine.
Depuis quelques jours je me plonge dans la prose de cet auteur méconnu, mais apprécié d’un petit cercle de fans, et je découvre une plume alerte, très dense, assez proche de celle de Céline par sa vigueur, sa description de milieux populaires, sa gouaille.
J’ai été saisi par le passage suivant :
« Dans un beau mouvement de charité chrétienne, la mère, la brodeuse, vint voir sa fille, l’enfermée. A l’intérieur de la cage obscure, la visiteuse ressentit une grande effervescence intestinale due à la vive émotion. Elle murmura les premiers mots du discours moralisateur et minutieusement préparé :
- Ma pauvre fille, je ne te ferai pas de reproches…
La suite ne passa pas entre les grillages fins. Il y eut un déchirement, un brouhaha de pets et de soupirs. La maman éclatait du derrière.
Le tête-à-tête, en ce parloir empuanti, dura le temps réglementaire : une demi-heure.
- Oh ! Mon Dieu… Mon Dieu…, disait la vieille dame, par instants et au comble, sans aucun doute, de la confusion.
La fille ne disait rien.
Et la mère partit avec sa harangue rentrée et son caca dans ses jupons blancs et nombreux. Pour ne plus jamais revenir. » (p25)
Phrase d’anthologie que cette « La maman éclatait du derrière » !
Cela me rappelle d’ailleurs ce sommet que représente en la matière Les Bienveillantes, que je suis sur le point d’achever (décidément, le livre le plus important de ces dix dernières années ?), dans lequel la scatologie joue un rôle constant. Je n’en veux que pour preuve cet autre passage d’anthologie, parmi de nombreux autres :
« Je défis mon pantalon et m’accroupis ; lorsque j’eus finis, je cherchai du papier, il ne semblait pas y en avoir ; alors je sentis quelque chose me toucher le derrière ; je fis un bond et me retournai, tremblant, cherchant déjà mon arme de service, la culotte ridiculement baissée : une main d’homme était tendue par un trou dans le mur et attendait, la paume en l’air. Un peu de merde fraîche tachait déjà le bout des doigts, là où ils m’avaient touché. « Va-t’en ! hurlai-je. Va-t’en ! » Lentement, la main se retira du trou. J’éclatai d’un rire nerveux : c’était immonde, ils étaient vraiment devenus fous, à Lublin. » (p532)
Ce « Ils étaient vraiment devenus fous, à Lublin » fait d’ores et déjà partie de mes phrases préférées de ce livre (et, accessoirement, de la littérature…)
COMMENTAIRES
1. Le mardi 4 décembre 2007 à 20:16, par aimée
2. Le mardi 4 décembre 2007 à 20:58, par pat
3. Le mercredi 5 décembre 2007 à 10:57, par drago
4. Le mercredi 5 décembre 2007 à 17:12, par hélène
5. Le mercredi 5 décembre 2007 à 18:40, par Aimée
6. Le jeudi 6 décembre 2007 à 10:20, par pat
7. Le jeudi 6 décembre 2007 à 17:45, par Aimée
8. Le jeudi 6 décembre 2007 à 19:08, par pat
9. Le vendredi 24 mai 2013 à 04:29, par payday loans
10. Le dimanche 26 mai 2013 à 11:45, par online payday loans
11. Le mardi 28 mai 2013 à 02:22, par vancouver payday loans
Ajouter un commentaire
Les commentaires pour ce billet sont fermés.