La littérature sous caféine


La littérature "In your face"



La bloggueuse Wrath vient de publier une nouvelle de ma plume, L’Enfant liquide, dans sa revue on-line Sans Soirée (lire ICI la nouvelle, + les commentaires des internautes). J’aime bien le qualificatif qu’elle utilise pour décrire la nouvelle : c’est de la littérature « In your face », d’après-elle, et nul doute que j’aie souvent voulu, plus ou moins consciemment, saisir l’attention du lecteur par un thème particulièrement dur, ou par des histoires qui tournaient autour de la notion de traumatisme.

En tant que lecteur, j’ai d’ailleurs été longtemps fasciné par les romans (souvent américains) qui exploraient l’extrême violence, ou l’extrême sexualité. Je pense au saisissant Livre de Jérémie, de J.T. Leroy, ou aux livres de Kathy Acker.

J’essaye d’ailleurs de me détacher de ce type de littérature, en faisant l’effort d’imaginer des histoires plus douces, ou de dénicher des romans plus tendres. A cet égard, celui que je suis en train de finir, et qui se passe au Japon, se veut moins in your face que les précédents – même si, et cela me paraît maintenant une fatalité dans la construction d’un roman, les quelques scènes clés du livre sont fondées sur des sortes de points critiques très proches, justement, de traumatismes (et qu’est-ce que la littérature, finalement, si ce n’est la gestion des traumatismes, plus ou moins décelables, qui ponctuent nos existences ?)

(Photo : Les Grands Moulins de Pantin (friches industrielles le long du canal de l'Ourcq, que j'ai découvertes ce week-end à vélo...)

COMMENTAIRES

1. Le samedi 8 septembre 2007 à 19:15, par Hoplite

En bon français, on dit "style coup de poing", non ? ;-)

Je ne sais pas si le "in your face" (brrr... les anglicismes faciles, c'est un peu bas de gamme, non ?) est vraiment un genre à part entière : il naît de l'histoire, des personnages, des situations, etc...
La violence pour la violence, l'obscénité pour l'obscénité, etc... ça lasse rapidement et ce n'est rien d'autre qu'une incapacité à structurer un récit.

A noter, dans le genre "coup de poing", John King (éditions de L'Olivier) qui traite des hooligans et des prolos londoniens. Là, la violence est omniprésente et se justifie par la langue, le vécu des personnages et la découverte d'un milieu naturellement violent.

Questions purement théoriques : est-ce que la tendresse et les sentiments ne sont pas également violents ? Ou inversement est-ce que la violence n'est pas également une forme de tendresse dans certains cas particuliers (sans plaisanterie sado-maso, bien sûr...) ?

Cordialement ! ;-)

2. Le dimanche 9 septembre 2007 à 10:50, par Marco

C'est vrai que la littérature semble toujours aimantée par l'excessif, l'obsur et le douloureux.
Même des écrivains croyants qui rêvaient d'écrire une oeuvre "lumineuse" n'en finissaient plus d'explorer le Mal: "La joie" de Bernanos est un roman déprimant, Mauriac ne croyait pas lui même à la conversion finale de son héros amer du "Noeud de vipères", et Dostoievski considérait "L'Idiot" , tentative de représentation de la bonté absolue, comme son plus grand échec. D'accord avec toi, la "gestion des traumatismes" passe bien avant la peinture d'un bonheur possible (et même les romans "gentils" apparaissent souvent comme une autre manière de gérer le traumatisme...)
Pour ce qui est du label "in your face", je suis plus perplexe: les oeuvres-limites sont puissantes, dérangeantes... quand elles ne sont pas simplement des opérations marketing pour époque voyeuriste et blasée. Beaucoup (trop) de romans "coups de poings" sont construits sur le modèle du cinéma gore, sans personnages, sans
sensibilité, sans enjeux, juste des sensations dites "fortes". Ce n'est pas nouveau, du reste: le jeune Zola admettait qu'il avait cherché avec "Thérèse Raquin" (descriptions sordides de cadavres putréfiés à la morgue etc.) un "succès de scandale"...
"L'enfant liquide", par ses interrogations et sa pudeur, échappe à ces facilités. Bravo, donc! :)

3. Le lundi 10 septembre 2007 à 11:04, par mister pat

Ca me plait, cette idée que la douceur puisse être aussi violente... En tout cas, qu'elle contienne en germe le fantasme de la violence, ou qu'elle cache une violence trop refoulée pour ne pas surgir un jour...

A propos de L'Idiot, de Dostoeivski, ca fait longtemps que je veux le lire, et maintenant que tu me dis qu'il le considérait comme un échec, j'ai le sentiment que je vais encore retarder ma lecture... Bizarrement, on est moins tenté, c'est vrai, de lire le portrait d'un homme pur... Je pensais pourtant, vu de loin, que ce livre était un chef d'oeuvre, comme les autres de D. ! Je connais des lecteurs qui n'ont pas été déçus

On attend surement des romans qu'ils nous permettent d'assouvir, indirectement, des tentations de notre vie quotidienne... La tentation de pureté doit être moins pregnantes que les autres, apres tout...

4. Le lundi 10 septembre 2007 à 13:11, par Marco

"L'Idiot" est un chef d'oeuve, tu ne seras pas déçu! Dostoievski le considérait comme un échec par rapport à son projet initial, mais le résultat final est autrement plus intéressant que la représentation de la bonté absolue: il s'agit du coup du naufrage et des ravages de la bonté absolue dans notre monde... Encore un roman qui aurait pu être édifiant... et qui est terrifiant!

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