Réaction à chaud après avoir vu Entre les Murs, le film de Laurent Cantet tout juste lauréat de la Palme d'Or à Cannes, adapté du roman de François Bégaudeau (qui joue d'ailleurs dans le film) :

Tout d'abord, évidemment, l'effet d'exotisme n'a pas joué pour moi : j'ai travaillé dans des collèges sensibles du 94 et j'enseigne maintenant à la Courneuve (93), aussi j'ai déjà fait face, à peu de choses prêt, à toutes les situations présentées dans le film. Je n'étais pas l'objet de cet étonnement, de cette surprise qui tenaient en haleine toute la salle, mais j'étais impatient de mesurer sur l'écran, scène après scène, les éventuelles différences avec ma propre perception du métier.

J'avais surtout peur qu'au simple compte-rendu des faits soit superposé tout un discours sur l'école, et qu'on veuille nous inculquer quelques principes bien sentis.

J'ai vite été soulagé : bien sûr, des points de méthode ou de comportement du professeur incarné par Bégaudeau diffèrent de ce que je peux moi-même mettre en oeuvre, mais dans l'ensemble je me suis retrouvé dans le point de vue donné sur la vie d'un professeur en collège. On a vraiment l'impression d'un journal en images, sans pathos, sans commentaire, sans même de musique, le tout serti dans une forme qui laisse place au doute, à la suspension du jugement. Parfois certains personnages (notamment parmi les profs) frisent le ridicule, mais ils n'y tombent jamais tout à fait.

En sortant de la salle j'ai pensé à la fameuse blue note, en jazz, cette note si juste qui fait la fierté des improvisateurs quand ils mettent le doigt dessus... Je me suis dit que Cantet et Bégaudeau avaient peut-être trouvé leur blue note - et celle de pas mal d'enseignants ou d'élèves...

J'ai même trouvé le film assez courageux, parce qu'il nous présente un prof en porte-à-faux, responsable de quelque dérapages qui suscitent des remous. On le voit souffrir, encaisser, louvoyer dans un univers semé d'embûches, et sans avoir toujours le beau rôle. C'est ce pari-là qui fait la valeur du film à mon goût, cette prise de risque.

Mais j'y reviendrai...