J’ai toujours admiré le travail de François Ozon – films sobres, denses, subtils, osés, produits avec une belle régularité. Avant d’écrire « La Viveuse », je n’avais pas vu « Jeune et jolie » (2013) dont le thème est pourtant voisin. J’ai rattrapé mon retard. Je me sens décidément proche de sa façon de décrire les choses sans fioriture mais avec une belle facture classique, et de ne pas juger les personnages. Ici, la protagoniste (jouée par Marine Vacth) est une jeune bourgeoise qui se prostitue par ennui, par goût de la sensation. Ma Viveuse partage en partie cette motivation, même si sa modestie sociale est également déterminante. Le cœur du film me paraît être la relation à la mère, qui réagit à la nouvelle avec beaucoup de brutalité. Ce seront des personnes plus lointaines (le beau-père, la femme du dernier client…) qui sauront faire preuve d’empathie. Pour la mère, le scandale tient au fait que la fille n'a aucune raison valable de se prostituer : elle est belle, elle est aimée, elle évolue dans un milieu aisé… Forcément, il faut aller consulter un psychologue ! Au fond, elle ne comprend pas que les rapports de séduction sont aussi recherches de limites, et qu’il y a quelque chose d’absurde à vouloir plaindre ceux qui vont apparemment trop loin. La toute fin du film laisse deviner une explication possible. On découvre l’épouse du dernier client de la jeune femme, qui est mort dans ses bras. Cette femme, journée par l’impeccable Charlotte Rampling (on ne pouvait rêver de casting plus approprié), pourrait en vouloir à la prostituée, mais elle avoue finalement qu’elle aurait aimé, elle aussi, plus jeune, se vendre pour de l’argent, mais qu’elle n’en a pas eu le courage. Pied de nez final de la part d’un réalisateur qui s’amuse à laisser le spectateur au-dessus d’un ultime vertige…