La littérature sous caféine


"Une méditation nostalgique sur la fin de l'âge industriel en Europe" (Michel Houellebecq, La carte et le territoire)



Quelques remarques sur le dernier roman de Houellebecq (Flammarion, septembre 2010) (premières remarques ICI) :

- Les première et deuxième parties donnent toute leur ampleur au roman. On y suit les étapes de la carrière du peintre Jed Martin (de l’invention de Houellebecq, semble-t-il, et constituant ce qu’on pourrait appeler une autobiographie par projection). Deux phases notamment ont fait son succès : son travail photographique à partir des cartes Michelin, ses grands tableaux consacrés aux métiers contemporains et aux grandes figures de l’art et de l’économie.

Ces pages-là sont d’une excellente facture, et l’on retrouve l’ironie de l’auteur de Plateforme, son désespoir latent, son « manque d’attache à la vie », souvent évoqué dans le roman, mais dilués dans une vaste série de digressions sur le sens de l’art, l’évolution économique de la France, l’importance des objets manufacturés dans nos vies… A cet égard, comme on peut le lire en abyme dans la dernière page du roman, une page qui fait la synthèse du travail de Jed Martin mais dont on devine qu’il pourrait s’agir du travail de Houellebecq lui-même, « l’œuvre (…) peut être ainsi vue comme une méditation nostalgique sur la fin de l’âge industriel en Europe ».

Et c’est la grande force de ce roman que de traiter d’un sujet aussi peu glamour, en apparence, que le déclin industriel, mais de le faire avec un sentiment si poignant de désespoir. Peut-être un Houellebecq plus jeune n’aurait-il pas osé s’attaquer à ce thème-là. Peut-être a-t-il fallu quinze ans de carrière sulfureuse, de scandales divers et d’installation progressive dans le paysage littéraire pour qu’une audience maximale puisse être réservée à un projet si audacieux.

- A cet égard, j’ai du mal à ne pas penser à DeLillo (que j'ai récemment vu en signature à la librarie L'Arbre à Lettres), dont l’écriture et les thèmes sont différents, bien sûr, mais qui a lui aussi le culot d’aborder des thèmes à première vue rebutants, ou bien étonnamment sérieux et cérébraux – je pense par exemple au traitement des déchets abordé dans Outremonde.

- Autre tour de force : le portrait de quelques figures du paysage médiatique français, comme l’éloge de Jean-Pierre Pernaud, génialement à contrepied de tout ce qu’il est en usage de penser dans les « milieux de bon goût ».

- A propos de goût, Houellebecq commet d’ailleurs quelques fautes, comme on en a l’habitude. Je pense par exemple à ce court passage, « Jed décida, finalement, de sortir les profiteroles. (…) Il en prit une, la fit tourner entre ses doigts, la considérant avec autant d’intérêt qu’il l’aurait fait d’une crotte de chien ; mais il la mit, finalement, dans sa bouche. » Ou bien à une scène de beuverie chez TF1, qui s’achève par la vision d’un Patrick Le Lay rampant au sol, le front en sang, à laquelle on a du mal à croire (page 247).

- Je me suis amusé à relever deux occurrences du mot « pénible », mot si fréquent dans les précédents romans de Houellebecq, et qui me semble être le mot le plus représentatif de son œuvre (désignant non pas l’effet sur le lecteur, bien sûr, mais un certain mal de vivre dont tous les personnages de Michel sont emprunts).

- En revanche, je suis nettement moins convaincu par la troisième et dernière partie, qui bascule dans le roman policier (l’atroce assassinat du personnage Houellebecq lui-même). J’avais déjà remarqué la difficulté qu’avait Houellebecq à finir ses romans, et son plaisir à proposer des conclusions sanglantes, voire apocalyptiques : la pathétique tentative de meurtre raciste dans Extension du domaine de la lutte (peu crédible), l’attentat islamiste de Plateforme (inutile ?). Là nous avons droit à une enquête, à l’apparition d’un nouveau personnage sous les traits d’un policier désabusé, comme il se doit, et je trouve que cela donne des pages plus banales et qui souffrent de la comparaison avec les maîtres du genre. Je me suis surpris à être tenté de passer des paragraphes, un comble pour un auteur dont je quête par ailleurs fébrilement chacune des interventions. Je serais très curieux de savoir ce que Houellebecq lui-même, dont je trouve par ailleurs le goût littéraire très sûr (il est souvent brillant dans ses analyses), dirait des chutes de ses propres romans. De quelle manière les justifierait-il ?

- Attendre cinq années pour le prochain opus (l’écart entre La possibilité d’une île et La carte et le territoire), ce sera long…

COMMENTAIRES

1. Le mercredi 29 septembre 2010 à 13:15, par miranda

franchement, ce jamel me débecte, tjrs dans l'agressivité, la haine de la france, la haine de tout ce qui bouge, la haine du pays qui l'a vu grandi et qui lui a donné le succes, pourquoi toujours cracher dans la soupe alors que tout le monde le venere, lui la petite racaille impliquée dans une affaire de meurtre, ca personne ose trop le dire, et apres il se permet de se moquer de gens honnetes comme pernaud, franchement c'est se foutre de la gueule du monde mais personne ose le dire de crainte de paraitre raciste mais c'est lui le raciste

2. Le jeudi 30 septembre 2010 à 11:29, par manue

J'aime bien Mr Pernaud. Si je ne me trompe pas, c'est lui le journal du midi, avec un des seuls journaux national qui a une section sur des petites nouvelles de departement. C'est un des seul journal que je regarde quand je visite la france.
J'aime bien Pernaud, parce qu'il semble sans pretention, et on a meme l'impression qu'il aime bien les petits gens dont il donne des nouvelles. Je l'ai meme entendu parler de son amour pour le jardinage dans un interview radio, ce qui lui gagne 10 points a mes yeux. Il est bel homme aussi Pernaud, comme ses nouvelles, sans pretention, c'est calme, et ca suffit.
des petites nouvelles de petits gens, qui font leurs petites vies sans bruit, loin du brouhaha des sois disant quelqu'un... et Pernaud en parle bien, avec respect meme, et ca j'aime bien. il a mon respect pour sa belle simplicite.

3. Le jeudi 30 septembre 2010 à 19:51, par aymeric

Eh bien tu es une houellebecquienne sans le savoir ! :-)

4. Le vendredi 1 octobre 2010 à 18:37, par mathieu

Allez plutôt voir l'article qu'a rédigé claro pour se moquer de Houellebecq, une compilation de phrases tirées de la presse, des phrases élogieuses, mises en regard de phrases de houellebecq. on est frappé par la médiocrité du style de houellebecq.le procédé est criticable, je l'avoue, mais ça nous donne un article succulent et ça a pas mal changé l'idée que je me faisais de houellebecq. est il vraiment le génial auteur qu'on proclame sur tous les toits ? http://towardgrace.blogspot.com/2010/09/houellebecq-un-consensus-dur-avaler.html

5. Le dimanche 3 octobre 2010 à 13:48, par manue

ahah! Et c'est peut etre exactement la raison pour laquelle je n'aime pas ce Monsieur. Je n'aime pas ce cote de moi qui voit tout du mauvais cote, qui critique, qui crache sur tout, qui s'emmerde a mourir. Non, je n'aime pas ce cote de ma personalite, c'est le cote chiant qui vit en chacun de nous.
C'est pour cela que Houillebeck m'ennuie, pour cela que je ne trouve aucun interet a essayer un autre livre de ce Mr. Un livre cela m'a suffit pour voir que decidement je m'ennuie assez moi meme quand je me complaint dans le degout de tout, le dedain, sans avoir besoin d'en lire des pages.
Parce que voila, c'est trop facile, et j'aime bien un petit peu de challenge. C'est trop facile de trouver le monde moche, mais a quoi bon? La polemique pour le seul but de faire cracher des journaux? a quoi bon?

Challenge, que dans son degout permanent, Houillebeck ne me donne pas... parce que justement, on est tellement d'accord sur trop de truc.
C'est trop facile de donner toute liberte a notre cote ados argneux, mais a quoi bon... et puis chacun ses gouts, on peut meme aimer le meme presentateur tele;)

6. Le dimanche 3 octobre 2010 à 18:24, par aymeric

C'est vrai que c'est facile de trouver le monde moche, comme tu dis ! C'est d'ailleurs parfois déprimant de cotoyer des gens qui ont tendance à se plaindre de tout... Curieusement, j'ai cependant du plaisir à lire des livres un peu noirs parfois, et même complètement blasés comme ceux de houellebecq. Exercices d'exorcisme !!

7. Le dimanche 3 octobre 2010 à 18:49, par Pierre du club

un véritable écrivain sait montrer le visage de son temps - qu'il soit couperosé, abêti, magnifique ou boutonneux. peut-être que Houellebecq insiste un peu trop sur certains aspects peu reluisants; peut-être aussi est-ce ce qui gêne la plupart de ses détracteurs.
n'oubliez jamais ses poèmes - comme certains très brefs passages de ses romans - où l'on peut distinguer des nuances de salut et de foi, de beauté et de rachat.
'entre toi et le monde, choisit le monde' disait kafka. sinon il n'aura pas la parole. Houellebecq part de ce visage si laid et trace quelques pistes incongrues, encore trop inconnues...

je compte bien lire son roman, mais soit en poche, soit en attendant que quelqu'un me le prête (trop cher faut pas déconner).

8. Le samedi 25 mai 2013 à 16:00, par cheap jordans

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