La littérature sous caféine


Cynisme, please ! (Houellebecq, "La carte et le territoire")



Rentrée littéraire 2010 (3)

J’entame ma lecture du dernier roman de Michel Houellebecq, La carte et le territoire, tout juste paru, très attendu par la critique et beaucoup célébré depuis sa sortie (à l’exception notable de Tahar Ben Jelloun, membre du Jury Goncourt). Je vais égrener sur ce blog quelques impressions de lecture au fur et à mesure que j’avancerai dans le livre.

A propos des 50 premières pages :

- Dans l’ouverture du roman (les 30 pages précédant la première partie), on retrouve un thème à peine esquissé mais que je trouve très frappant chez Houellebecq parce qu’il existait déjà en filigrane dans la première partie de Plateforme (et des Particules élémentaires, si mes souvenirs sont bons), et que peu de critiques, peu de lecteurs ont abordé dans leurs commentaires : le thème de la violence urbaine, omniprésente dans les environs de Paris. Ce sont des allusions que Houellebecq développe peu, théorise à peine, mais qui donnent à ses romans une étrange tonalité de tragédie triste, de fatalité sordide. Je suis curieux de voir s’il va pousser plus loin dans ce roman le traitement de cette thématique (il semble que oui, si l’on se fie au dénouement du livre annoncé dans tel ou tel article).

« Il avait d’abord fallu renforcer le mur d’enceinte, le surmonter d’un grillage électrifié, installer un système de vidéosurveillance relié au commissariat, tout cela pour que son père puisse errer solitairement dans douze pièces inchauffables où personne ne venait jamais, à l’exception de Jed, à chaque réveillon de Noël. Depuis longtemps les commerces de proximité avaient disparu, et il était impossible de sortir à pied dans les rues avoisinantes – les agressions contre les voitures, même, n’étaient pas rares aux feux rouges. » (Page 18)

- On retrouve le ton bien rôdé par Houellebecq d’ironie dérisoire, d’humour pince-sans-rire, de cynisme soft, de désinvolture sexuelle. Cependant cette attaque du roman peut désarçonner le fanatique de Houellebecq qui la trouvera singulièrement apaisée. Les quelques aperçus de la vie du protagonsite, Jed, un artiste peintre, se déroulent sans logique apparente, sans coup d’éclat, sans désespoir marqué, avec une relative banalité (ce qui fait son charme). On pourrait parler d’une tonalité mineure. J’espère que la suite s’écrira dans un registre plus affirmé, plus contrasté, sans quoi le roman prendrait le risque d’être le roman le plus fade de l’auteur. Mais je reste confiant.

« Après son entrée en maison de retraite médicalisée, l’ancien senior – devenu, de manière enfin irréfutable, un vieux – se retrouve un peu dans la position de l’enfant pensionnaire. Parfois, il a des visites : c’est alors le bonheur, il peut découvrir le monde, manger des Pépito et rencontrer le clown Ronald MacDonald. » (page 25)

- Autre clin d’œil, me semble-t-il, à ses romans précédents : la brève évocation de l’atmosphère cruelle des cours de récréation. C’est très drôle, comme d’habitude, mais c’est aussi déjà lu…

- L’aspect le plus convaincant de ces 50 premières pages, ce sont les développements sur le travail de Jed et sur le rôle de l’art dans la société. De bonne tenue, ces considérations préparent, je l’espère, quelques-unes de ces éclairantes digressions mi-sociologiques, mi-philosophiques dont Houellebecq a le secret.

COMMENTAIRES

1. Le mardi 14 septembre 2010 à 10:49, par christian

Impayable, houellebecq ! Et nul, comme d'habitude, elkabach!

2. Le vendredi 17 septembre 2010 à 11:24, par libellule

heureusement qu'on nous bassine avec le bouquin parce que la 4eme de couverture franchement ca donne pas envie

3. Le dimanche 26 septembre 2010 à 11:12, par valentini

Comment se faire appeler Arthur?

La sagesse est la sottise très-élevée d'une minorité qui s'adresse, pour du beurre, à une immense majorité et même s'en félicite, généralement sous forme d'auto-citations, pour la plupart empruntées, qu'elle nomme des « aphorismes ». Il y a bien une vie heureuse, qui demeure raide et immobile. Comme un lot de consolation, en échange de ces fuites calculées. La terre, en effet, étant peuplée d'imbéciles, quelques-uns au moins sont heureux. Mais tous ne sont pas férus de démonologie bonne et méfiants à l'endroit de Desdémone, non! Cet endroit, dit-on, soit dit en passant, met le monde à l'envers, pire même, le satellise. Mais nombreux sont ceux, parmi ces quelques-uns, qui ont, sur le sujet, le même avis que la masse sus-citée, pensant que la chose n'est pas si terrible, au fond! Car, parmi ces quelques-uns, peu sont de langue allemande. Et peut-être seulement un de ces peu, après 45, a considéré qu'il était heureux qu'il fut philosophe. J'en vois plusieurs et d'avantage qui restent de marbre. La beauté particulière, qui est la leur et seulement la leur, ne doit rien à l'arraisonnement de la nature par le botox. Reste une question: être heureux d'avoir réussi sa vie empêche-t-il d'avoir le sens de l'humour? N'étant pas philosophe, je laisse cette question en suspens et au-dessus de qui veut s'interroger sur le sens du bonheur.

4. Le jeudi 30 septembre 2010 à 07:02, par manue

Qui est philosophe , qui ne l'est pas? Peut etre est ce aux autres de repondre a cette question. Il y a bien des vieux grecs qui repondraient "que l'on philosophe ou que l'on ne philosophe pas, on a pas d'autres choix que de philosopher".

Ah, cette chere Sophie aime a nous faire parlez. Ou plutot, est ce bien cela son grand secret. Peut etre bien qu'elle s'en fout, elle aime peut etre tout simplement discuter un peu, ca distrait, ca passe le temps. Mais dans le fond, y a t'il quelquonque verite chez Sophie? D'apres mes soiree passees en sa compagnie, elle ne semblait pas vouloir partager quoi que ce soit, mais plutot elle semblait pointer le doigt vers des experiences pour que je les fasse par moi meme, pour que j'en tire ma propre conclusion. Je dis bien "sembler", car je ne pense pas qu'elle aie vraiment de desir ou autres demandes chez cette dame. Dans le fond, Elle s'en fout, Elle vie dans le bonheur beat d'avoir reussie sa vie, et cela parait assez pour Dame Sagesse. Si son bonheur peut sembler "raide et immobile" a certains, Elle peut sourire a ce qu'Elle voit comme une agitation perpetuelle et bien futile face aux changements constants de la vie. Cela ne veut pas dire que son bonheur ne change pas avec les jours qui passent, juste qu'elle a la sagesse de regarder passer les choses, sans les laisser affecter son bonheur. Une forme de detachement des choses. Elle reste dans le monde sans vraiment en faire partie.

Quand a la question sur le bonheur? Je ne vois pas en quoi le sens de l'humour ne ferait pas partie du bonheur. Bien au contraire, l'humour est une grande partie d'une vie heureuse. Il y a que les cons qui ne peuvent rire de cette tragedie qu'est la vie. Certains disent que le bonheur est un des symptome de la paix. Et la paix, bien entendu, est souvent confondue avec l'ennuie...lui bien raide et immobile.

Ah, savourer le bonheur est un grand art, en effet, un reel apprentissage. Comme le the japonais, son gout est si simple, si leger, qu'il semble n'avoir aucun gout, surtout a nous, homosapiens modernes, toujours a la recherche de gouts nouveaux... Cela me rapelle le jour ou j'ai demandee a Dame Sagesse ce qu'est le bonheur. Elle de repondre "la simplicite", alors qu'elle me tendait une tasse de the...

5. Le jeudi 30 septembre 2010 à 19:50, par aymeric

pas mal, la comparaison du bonheur avec le thé vert... Je note ! En tout cas je suis d'accord avec le fait que le bonheur soit une tentative de saisir des choses très légères, voire évanescentes...

6. Le mardi 23 novembre 2010 à 19:55, par valentini

Oeuf de Colomb, boeuf

(aux chasseurs d'autruches qui trempent leurs propres plumes dans du goudron)

Je n'ai pas d'opinions sur les hypermarchés,
s'ils sont le ventre mou de sociétés à chier,
les panzer-divisions du crédit revolving,
néo-roman du docteur Pong et mister Ping!
Arrêtons d'éditer d'aussi tristes aveux,
une bonne idée est d'y foutre le feu.

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