La littérature sous caféine


Ces petites polémiques qui nous enchantent (Le cul de Simone / Les philosophes-dictateurs)

1) Samedi dernier, Libération se faisait l’écho de sévères polémiques sur le net à propos d’une récente couverture du Nouvel Obs, nous présentant un surprenant dénudé de Simone de Beauvoir, photographiée de dos par un ami de son amant américain. Plusieurs internautes (et ils ne sont pas les seuls) se sont indignés que la brillante Simone, féministe devant l’éternel, soient récupérée de cette manière par le système marchand, et qu’on fasse vendre avec son physique, alors qu’on ne se serait jamais permis d’exposer les fesses de Jean-Paul Sartre (si tant est qu’une telle photo existe…)

Je n’ai pas du tout pensé qu’une telle couverture pourrait susciter l’indignation ! Si l’on m’avait donné à voir Marguerite Duras en petite culotte, ou les seins de Françoise Sagan, là oui, j’aurais trouvé le procédé plus qu’indélicat… Mais dans le cas de Simone de Beauvoir, qui revendiquait une vie libertine, qui se targuait de son amant américain, qui courait le monde pour qu’on parle le plus possible de ses livres, et de son couple, est-il si terrible de présenter une nouvelle image de l’icône ? Je me fais sans doute l’avocat du diable, mais j’ai toujours du mal à plaindre ceux qui font de leur image publique leur fond de commerce (et ceci indépendamment de toute qualité de plume, celle de Simone étant grande).

2) J’ai été plus intéressé par le surprenant coup de gueule de Régis Jauffret, à la dixième minute du débat ci-dessous (débat plutôt confus, mais amusant par les saillies qui l’émaillent) :



« Ras le bol qu’on nous présente les années 70 comme une époque heureuse de bouillonnement créatif ! nous dit-il en substance. Les philosophes étaient de véritables petits dictateurs, ils vous ordonnaient de lire tel ou tel auteur, et vous ridiculisaient quand vous vous permettiez d’écrire des romans… » Je suis très tenté de le croire, même si je suis né en 75 et que je ne connais pas assez bien les années 70 pour protester de concert avec Jauffret...

COMMENTAIRES

1. Le mardi 15 janvier 2008 à 20:47, par Lirel

La révolte de Jeauffret me laisse perplexe... Sa citation de Barthes, auteur certes précieux, mais d'une honnêteté et d'une modestie toute protestante, est au mieux hasardeuse. Pour ce qui est des philosophes, je le trouve un peu léger. Que je sache, Deleuze cite Henry Miller, D.H Lawrence, analyse longuement Lewis Caroll, Kafka, Proust; Foucault propose une lecture très élégante de Raymond Roussel; George Bataille et Jean Baudrillard défendent l'échange symbolique contre le règne de la dénotation propre aux sciences. Bref, mis à part quelques fanatiques marxistes, vite oubliés, les philosophes français des années soixante dix n'ont pas tiré à vue sur l'oeuvre de fiction. Ils ont même parfois réduit la philosophie à un littéraire essai. Cf. Derrida.

2. Le mercredi 16 janvier 2008 à 10:01, par Olympe

Je partage ton point de vue sur la couv' du Nouvel Obs' : elle est belle, cette photo, esthétiquement réussie... Le Castor y apparaît en femme, ce qui lui donne une existence de chair et d'os qui ne peut pas lui faire du mal (et en plus, les mules, c'est plus sympa que le bandeau !) :)

3. Le mercredi 16 janvier 2008 à 10:08, par pat

Bien envoyé, Lirel ! J'aimais bien l'intervention iconoclaste de Jauffret, mais elle me surprenait car elle tranchait vraiment avec l'idée de bouillonnement intellectuel, tout azymut, que me suggéraient les années 70

C'est aussi ce que j'ai ressenti, Olympe, devant cette photo : je trouvais qu'elle servait plutot l'image de Simone, et qu'elle modernisait même carrément sa figure !

4. Le mercredi 16 janvier 2008 à 12:18, par drago

je me trompe ou l'image était retouchée ? en tout cas, ca fait tout drole de voir Simone, qu'on nous présentait toujours assez corsetée, dans la tenue d'eve. (de sacrés cuisseaux, d'ailleurs, non ? malgré l'image retouchée...)

5. Le jeudi 17 janvier 2008 à 10:31, par Olympe

Pour revenir sur la critique des années 70, j'ai rencontré les mêmes remises en cause de cette période souvent encensée, mais pour un autre sujet : les relations hommes/femmes : dans le livre "La plus belle histoire de l'amour" (titre un peu kitsh pour une somme d'entretiens plutôt intéressante !), P.Bruckner remet en cause le mythe du "tous égaux, tous heureux" à cette époque... C'est vrai que ça change des partis pris habituels, et étant née en 78, ça aide à faire la part des choses sur les fameuses seventies...

6. Le jeudi 17 janvier 2008 à 11:51, par pat

ce que tu dis me fait d'ailleurs penser au couple Beauvoir / Sartre, souvent présenté comme un modèle de couple moderne, ouvert, trouvant enfin la formule du couple idéal... J'ai toujours trouvé que ça sentait l'arnaque, et que les couples décrits par Sagan, Colette, ou d'autres, respiraient davantage la sincérité

7. Le jeudi 17 janvier 2008 à 12:28, par Olympe

Il semble en effet qu'il y avait beaucoup de souffrance et d'hypocrisie dans les relations Beauvoir/Sartre... Mais n'est ce pas le propre des couples compliqués ?(je lis en ce moment, les correspondances Anais Nin/Henry Miller... tout un programme aussi ! ;) )

8. Le jeudi 17 janvier 2008 à 20:16, par pat

je trouve ces deux-là plus sincères, justement ! et puis, question érotisme, ils sont quand meme beaucoup plus crédibles !!! (et quel souffle dans leurs écrits !)

9. Le vendredi 18 janvier 2008 à 11:29, par Olympe

C'est vrai qu'ils sont sincères : ils se l'écrivent si bien !

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