Rentrée littéraire 2007 (4)

Un collègue au lycée, qui me paraît être un grand lecteur (il arbore notamment un William T. Vollmann dans la salle des profs), me voit avec le dernier Olivier Adam à la main, A l’abri de rien (Editions de l’Olivier, août 2007).

« Tu lis ce truc ? C’est de la littérature moyenne, y’a rien dedans, pas de style, qualité médiocre, formatée pour un cinéma médiocre… » (Référence à l’adaptation ciné de Je vais bien, ne t’en fais pas).

Jusqu’à maintenant, je trouvais pourtant qu’Adam réussissait un véritable exercice d’équilibriste : l’exigence littéraire d’une part, le souci du grand public de l’autre. Il était d’ailleurs l’un des très rares, me semblait-il, à réaliser ce grand écart. Le recueil de nouvelles Passer l’hiver, notamment, m’avait fait forte impression : tension des intrigues, épaisseur humaine, émotions palpables, avec juste ce qu’il faut d’effets de style.

Falaises renouvelait avec succès l’exercice, en l’étendant au format roman.

Adam tente une nouvelle fois le coup, mais il me semble qu’il perde un peu de sa force. Un peu comme Dan Chaon, jeune auteur américain, avait perdu de la puissance quand il était passé de son excellent recueil de nouvelles Parmi les Disparus (Albin Michel, 2004), au plus languissant roman Le Livre de Jonas (Albin Michel, 2006).

Avec A l’abri de rien, Olivier Adam tient un thème en or : cette histoire de jeune mère de famille qui tente de sauver sa propre vie en aidant des réfugiés kosovars est parfaitement dans l’air du temps. Mais elle sent légèrement la redite : on retrouve les mêmes personnages miséreux, les mêmes atmosphères d’alcool et de désespoir que dans les précédents opus. L’ensemble se lit bien, avec de belles pages tristes et d’autres assez saisissantes (notamment les quelques scènes de violence). Parfois le style lorgne méchamment vers Céline, lorsqu’il s’agit de dire la crasse et la pauvreté :

« Alors ces gamins quand je les regardais, ça me sautait à la gueule leur jeunesse et la mienne qui était bel et bien morte. » (p50)

En citant le passage suivant, j’adresse un clin d’œil à un ami dentiste :

« Des médecins pour les soigner gratis on en trouve toujours, elle avait dit, mais le problème c’est les dentistes. Ces gens-là ont un porte-monnaie à la place du cœur. De toute façon c’est impossible autrement. Pourquoi consacrer une vie à regarder dans la bouche des gens si c’est pas pour le pognon ? » (p111)