La littérature sous caféine


Le Maupassant japonais (Nagaï Kafu)



Il y a chez Mishima des airs de Sartre dans ses longs développements philosophico-psychologiques, des airs de Radiguet dans sa préciosité.

Chez Kawabata je respire des parfums d’une Colette plus macabre, avec le même goût des atmosphères lentes et des pointes d’une sensibilité presque excessive.

Et je viens de trouver le Maupassant japonais : dans les nouvelles de Nagaï Kafu (mort en 1959), qui déclarait d’ailleurs son admiration pour le romancier normand, nous trouvons le même art de l’histoire bien troussée, la même coloration sociologique, le même souci de la chute cruelle, pathétique ou surprenante – avec des touches plus marquées de réalisme et une mélancolie plus typiquement japonaise (celle-là même qu’on trouve chez Kawabata d’ailleurs), comme dans le dernière page de cette courte nouvelle du très beau recueil Voitures de Nuit (chez 10/18), décrivant les quartiers de plaisir dans un Japon troublé par les guerres successives :

« « Vous connaissez mon existence à partir de ce moment-là. J’ai passé le temps à observer d’un œil curieux les modifications de ce monde en perpétuelle transformation, prenant de temps en temps le pinceau pour me distraire, mais me lassant très vite même de cette occupation. Cette année j’aurai cinquante ans. Je songe maintenant sans aucun regret aux notes que j’avais rassemblées avec tant d’ardeur, dans le but de laisser une trace de mon passage sur la terre, et qui ont été réduites en cendres dans l’espace de quelques minutes. C’est même pour moi un sujet de plaisanterie. J’ai appris qu’il n’y a pas de plus grand plaisir que de se laisser vivre sans aucun souci, s’adaptant aux circonstances, et d’échanger librement de temps en temps avec un ami des souvenirs du temps passé. »
Ayant terminé son récit, il fit un grand bâillement et s’essuya les yeux du revers de sa manche
. » (p 258)

J’aime beaucoup cette touche finale où le personnage a l’air de contredire par un geste tout le discours qu’il vient de tenir.

COMMENTAIRES

1. Le mardi 24 juillet 2007 à 09:09, par bachelor

kawabata et colette: assez d'accord. je ne connaissais pas kafu, je vais m'en procurer un. s'il parle des quartiers de plaisirs, comme vous dites, ca peut m'interesser parce que je trouve que le japon est interessant de ce cote là

2. Le mardi 24 juillet 2007 à 18:12, par vince

toujourss tres elegants les ecrivains japonais

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