Il y a quelques mois, lors d’un festival du polar donné sur la plage havraise, j’avais entendu l’un des écrivains présents glisser à son voisin de table, Didier Daeninckx, une anecdote concernant la traduction des polars anglo-saxons :

« Figurez-vous que la première phrase de la version française de ce roman, je dis bien : la première phrase, était celle-ci : « La pluie pleuvait… » Mais où donc recrutent-ils leurs traducteurs ? »

Toute la table s’était marrée, tandis qu’au loin passait le troisième porte-container de l’après-midi, et c’est presque un an plus tard que je mets la main, tout à fait par hasard, sur le fameux roman : cherchant quelques bonnes pages de polar pour accompagner ma réécriture d’un récent manuscrit, j’entame l’illustre Get Carter, de Ted Lewis, (Rivages/Noir) ayant inspiré le petit bijou du cinéma britannique du même nom, starring Michael Caine, mis en scène par Mike Hodges (le titre français : La Loi du Milieu) (le remake avec Stallone est moins bon).

En première page nous trouvons effectivement la phrase, bien mise en évidence par la séparation d’avec le second paragraphe :

« La pluie pleuvait. »

C’est tellement gros que je me demande si la version anglaise ne présentait pas un jeu de mot. La suite du passage, d’ailleurs, n’est pas tellement plus convaincante :

« Elle n’avait pas cessé depuis Euston. A l’intérieur du train, il faisait lourd, le genre de lourdeur qui vous salit les ongles… »

Je ne vois pas trop ce que ça peut être, une lourdeur qui vous salit les ongles… N’abandonnez pas tout de suite la lecture ! La suite est brillante…