Retravaillant un manuscrit pour Flammarion, et cherchant à gommer le côté heurté du style qui pouvait faire mouche dans Azima, mais qui peut lasser dans un roman de 300 pages (surtout lorsqu’un seul personnage prend la parole), je me replonge dans trois types d’écritures dont je pourrais m’inspirer :

- L’écriture puissamment sereine (quoi qu’un peu longuette parfois) de l’excellent bouquin de Russel Banks, Affliction (Babel, Actes Sud) adapté dans le superbe film éponyme de Paul Schrader (photo ci-dessus), avec Nick Nolte notamment.

« Il n’y avait pas de problème, à l’époque, aucun, ou du moins c’était ce qu’il semblait. Et Wade, revoyant les choses à vingt ans de distance puis observant ce jeune couple devant lui, était encore d’avis qu’il n’y avait alors pas de problème. Ç’avait été une époque magnifique, pensait-il, absolument magnifique. Après cette période les choses avaient soudain commencé à tourner mal. » (p46)

- L’écriture ciselée, brillamment classique, et pourtant terriblement horrifique de JC Ballard, par exemple dans son chef d’œuvre de sadisme urbain Crash (adapté au cinéma par Cronenberg, et récemment sorti en Folio) :

« Rondeur des cuisses d’Helen contre mes hanches, son poing gauche frappant mon épaule, sa bouche happant la mienne, moiteur de l’anus que vrillait mon annulaire – tout cela répondait point par point au catalogue d’une technologie complaisante : courbes du tableau de bord coulé dans un moule, carapace saillante de la colonne de direction, extravagante poignée de pistolet du frein à main. Je palpais le vinyle chaud du siège, puis le périnée moite d’Helen. Sa main serrait mon testicule droit. Les plastiques laminés qui m’entouraient avaient une couleur d’anthracite mouillé, pareille à celle du rideau de poils pubiens entrouvert à l’entrée de sa vulve. L’habitacle nous enserrait comme une machine chargée d’engendrer à partir de notre coït un homoncule fait de sperme, de sang et de lubrifiant. » (p81, Editions Denoël)

- Le souffle noir et chirurgical de l’auteur autrichien Thomas Bernhard, à l’œuvre par exemple dans ce long monologue plein de fiel, Oui (Folio) :

« … j’avais justement fait irruption chez Moritz – qui était sans doute à ce moment-là l’être dont je me sentais le plus proche – pour lui déballer tout à trac et sans le moindre ménagement la face cachée, pas seulement entamée, mais déjà totalement dévastée par la maladie, de mon existence, qu’il ne connaissait jusque-là que par une face externe pas trop irritante et donc nullement inquiétante pour lui, ne pouvait par là que l’épouvanter et le choquer… »