Week-end pluvieux, quoi de meilleur pour approfondir son blues que d’écouter en boucle le merveilleux titre de Tom Yorke, Black Swan, sur son dernier album solo – riffs légers de guitare pour mélodie sombre – et de ressasser l’excellente première page de cet étincelant bijou qu’est Mars, de Fritz Zorn (ça ne s’invente pas) (Folio 2006), histoire d’essayer de faire aussi bien pour les premières lignes du prochain opus – un opus solennel et grave, autant que faire se peut…

« Je suis jeune et riche et cultivé ; et je suis malheureux, névrosé et seul. Je descends d’une des meilleures familles de la rive droite du lac de Zurich, qu’on appelle aussi la Rive dorée. J’ai eu une éducation bourgeoise et j’ai été sage toute ma vie. Ma famille est passablement dégénérée, c’est pourquoi j’ai sans doute une lourde hérédité et je suis abîmé par mon milieu. Naturellement j’ai aussi le cancer, ce qui va de soi si l’on en juge d’après ce que je viens de dire. Cela dit, la question du cancer se présente d’une double manière : d’une part c’est une maladie du corps, dont il est bien probable que je mourra prochainement, mais peut-être aussi puis-je la vaincre et survivre ; d’autre part, c’est une maladie de l’âme, dont je ne puis dire qu’une chose : c’est une chance qu’elle se soit enfin déclarée. Je veux dire par là qu’avec ce que j’ai reçu de ma famille au cours de ma peu réjouissante existence, la chose la plus intelligente que j’aie jamais faite, c’est d’attraper le cancer. » (Mars, Fritz Zorn)