La littérature sous caféine


Province anesthésiée (Littérature des Gilets jaunes, 2)

La production romanesque enregistre toujours avec retard, mais avec fidélité, les secousses telluriques de la société française, et de même qu’il existe désormais une véritable « littérature d’attentats », de même il existe une « littérature des Gilets jaunes ». Avant le roman « Rond-Point » (…, 2023), Daniel Rondeau mettait ainsi en scène avec « Arrière-Pays » (Grasset, 2021) une Aube qu’il connaît bien pour habiter non loin, sur la Côte des Blancs, une Aube secouée par le meurtre d’un routier, sur fond de crise sociale. L’écriture est habile, l’histoire bien troussée, et le narrateur nous livre comme il se doit quelques éléments d’analyse sur une séquence que personne n’a su anticiper.

A ce propos, la page qui suit recoupe un élément que je relevais dans « La révolte des Gaulois » (Léo Scheer, 2020), le profond sentiment que les campagnes françaises, à la veille de la révolte, étaient assommées par le fatalisme, vieillissante et pessimiste – ma thèse étant qu’elle se sentait aussi à l’écart d’une certaine modernité du métissage.

« Il ne se souvient pas avoir jamais rencontré une pauvreté et surtout un sentiment d’abandon aussi généralisés. Avec les French doctors, il a croisé des estropiés, des mutilés, des gens broyés par la guerre, mais ceux-là hurlaient, criaient, ils se débattaient, ils voulaient vivre. Ceux qu’il rencontre tous les jours restent silencieux et tétanisés. » (p 165)


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