Le succès foudroyant de la belle réédition chez Monsieur Toussaint Louverture l’année dernière de Blackwater (1983), le classique de Michael McDowell, m’a donné envie de le lire, et j’ai découvert une pépite fantastique, facile à lire mais à l’écriture élégante, flirtant avec l’horreur – une histoire de femme mystérieuse apparaissant après un déluge. Tout y est finement dessiné, sans délayage, donnant à rêver qu’il puisse exister un jour un Stephen King à la française.

J’y ai découvert aussi un texte étonnamment marqué par l’obsession de l’impuissance des hommes, dans le sens où leurs faux privilèges cacheraient une faiblesse par rapport aux femmes, plus intelligentes et manipulatrices. Sans doute l’auteur, homosexuel mort du Sida, par ailleurs scénariste de Beetlejuice, y a-t-il investi sa vision très personnelle des rapports hommes-femmes. Je serais curieux de savoir ce qu’il aurait à dire sur la notion si prisée aujourd’hui de patriarcat… 😊

« Voilà la plus grande méprise au sujet des hommes : parce qu’ils s’occupent d’argent, parce qu’ils peuvent embaucher quelqu’un et le licencier ensuite, parce qu’eux seuls remplissent des assemblées et sont élus au Congrès, tout le monde croit qu’ils ont du pouvoir. Or, les embauches et les licenciements, les achats de terres et les contrats de coupes, le processus complexe pour faire adopter un amendement constitutionnel – tout ça n’est qu’un écran de fumée. Ce n’est qu’un voile pour masquer la véritable impuissance des hommes dans l’existence. Ils contrôlent les lois mais, à bien y réfléchir, ils sont incapables de se contrôler eux-mêmes. (…) Parce qu’ils se complaisent dans leur pouvoir immense mais superficiel, les hommes n’ont jamais tenté de se connaître, contrairement aux femmes qui, du fait de l’adversité et de l’asservissement apparent, ont été forcées de comprendre le fonctionnement de leur cerveau et de leurs émotions. »