Dans la bibliothèque de la famille – pourtant peu susceptible de voter à l’extrême gauche – trônait en bonne place un livre de Simone de Beauvoir qu’on oublie toujours de citer parce qu’il fait tache à côté des splendides « Deuxième sexe » et « Mémoires d’une jeune fille rangée », un éloge en règle de Mao : « La longue marche » (Gallimard, 1957). Ouverture d’esprit d’une famille moins conservatrice qu’il n’y paraissait ? Véritable emprise sur l’époque d’une caste de penseurs radicaux ?

A ce propos, en lisant « Maos » de Morgan Sportès (Grasset, 2006), j’ai trouvé ce que je cherchais, quelques intuitions sur ce qui a nourri pendant si longtemps la puissance des réseaux maoïstes dans la vie intellectuelle française. L’intrigue policière est l’occasion de jolis développements sur les jeux politiques de l’époque et la psychologie profonde de certains milieux révolutionnaires.

« Les films de la période militante de Marin Karmitz et Jean-Luc Godard, « Coup pour coup », « Tout va bien », dénonçant les syndicalistes jaunes et appelant à la liquidation des patrons, les vieux numéros des « Temps modernes » où, dans des interviews délirantes, Michel Foucault et autres, plutôt astucieux dans leurs ouvrages universitaires, s’abaissaient à enfiler les syntagmes infects de la langue de bois marxistes-léninistes, sans parler de clowns intellectuels plus insignifiants. On eût dit qu’avec le gauchisme ces légions de professeurs Tournesol, lassés des bibliothèques et des chaires universitaires, eussent cherché chez les maos, et dans les médias, un second souffle, une jouvence, une nouvelle jeunesse, comme des adultes se mettant à quatre pattes au milieu d’écoliers, pour retrouver avec eux les plaisirs du jeu de billes ? » (Maos, p 150)