La littérature sous caféine


La littérature comme fonction médicale

1) A des élèves que j’entraîne pour l’épreuve du Face-à-face aux concours d’entrée d’HEC : « Alors, si vous deviez trouver des arguments pour contrer celui qui défend la Révolution Française ? – Euh… La Révolution Française… Elle n'a pas donné ses idées au Front National ? – Oh là ! Je crois qu’il va falloir revoir certaines bases… »

2) Un homme allègre, dans un bistrot parisien :
« Un ice-tea chaud ! »

3) Parmi les phrases qu’il est désagréable d’entendre à propos de ses propres livres, outre le classique « Mais pourquoi donc écris-tu ce genre de roman ? », il existe celle-ci, non moins insidieuse : « Ça a dû te faire beaucoup de bien de l’écrire. »

Un peu comme si, à un ami qui vient de retrouver du travail, je disais : « Ça doit te faire du bien de pouvoir enfin gagner de l’argent et exercer du pouvoir sur des subalternes. » Ou, à une amie qui vient d’accoucher : « Ça doit te soulager, toi qui prenais conscience de la vacuité de ton existence. »

COMMENTAIRES

1. Le mercredi 15 février 2012 à 16:07, par TimeForTea

Je suis un peu en désaccord avec vous sur votre dernière affirmation. On peut, je crois, reconnaître parfois à l'écriture une fonction carthatique sans lui enlever tout son intérêt esthétique. C'est un exercice auquel je me livre fréquemment moi-même, et qui souvent me soulage (que le résultat soit de qualité est une autre affaire... ^^). Je ne crois pas qu'il faille interdire à la littérature d'être "utile' en ce sens... Mais peut-être que cette position différe selon chaque individu ? Je suis pour ma part parfaitement incapable d'être neutre face à ce que j'écris, et justement, on m'a déjà posé cette question qui vous agace tant... J'avais répondu oui. :)

2. Le jeudi 16 février 2012 à 21:36, par aymeric

oui, bien sûr, je suis le premier à reconnaitre que "ca fait du bien" d'écrire certains textes ! Mais ça fait du bien, en général, d'écrire n'importe quel texte, et quand le thème abordé se rapporte à la douleur, au traumatisme, le regard de l'interlocuteur peut devenir compassionnel ou légèrement condescendant... C'est comme dans la vie en général: quand on parle de ses faiblesses, il y aura la tentation chez l'autre de se placer légèrement en surplomb et d'éprouver de la pitié. C'est rare, l'échange qui reste pur échange, sans l'instauration d'un rapport de force implicite

Cela dit je dis ça sans colère particulière, je constate juste une certaine tournure que peuvent prendre les conversations à propos des textes que l'on écrit. Compassion ou compréhension (sans parler de l'agacement que ressentent ceux qui estiment que "l'on se plaint et qu'on ne devrait pas"), il y a une petite différence mais qui fait de grands effets

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