La littérature sous caféine


L'éloge des objets manufacturés (Colette/Houellebecq)



J'entame ma lecture intégrale de l'oeuvre de Colette, dont j'admire d'ores-et-déjà certains livres, suivant un ordre chronologique inversé : je commence par le tout dernier livre, Le Fanal bleu. J'y retrouve l'écriture si particulière de Sidonie-Gabrielle (prénom de Colette), à la fois précieuse et maniérée, mais si riche de mots précis, d'expressions colorées, de notations sensorielles baroques.

Dans cet ultime ouvrage, Colette se rapproche encore davantage de la prose poétique vers laquelle elle a toujours lorgné : moins de romanesque, moins de portraits, davantage de descriptions d'atmosphères et de lieux...

Le très beau passage suivant m'a fait penser à Houellebecq et au suprenant éloge qu'il fait, dans La Carte et le Territoire, des objets manufacturés. Dans une page assez drôle, le narrateur regrette que l'on prête davantage d'attention à certains animaux insignifiants en voie de disparition qu'à de magnifiques objets que l'on ne fabrique plus... (Avis que je ne partage d'ailleurs pas, toujours très touché par l'annonce de la disparition, chaque année, de centaines d'espèces animales). Comme Houellebecq, Colette s'émeut qu'on ne puisse plus trouver certains petits chefs d'oeuvres de savoir-faire - et cela donne de merveilleux paragraphes aussi ciselés que ce qu'ils s'attachent à décrire:

"Un étrange bien-être se peut donc puiser dans l'aspect, le contact de certaines "fournitures" que n'a jamais régies, ni modifiées, aucun souci d'esthétique ou de modernité ? Bien sûr. Mais c'est parce que je suis encore riche, je n'utilise pas à la manière ordinaire. Dans un sens magique de contemplation et d'évocation, je m'enrubanne de mercerie. Vous ne vous figuriez tout de même pas qu'elle a su, ma main droite un peu pelotonnée par l'habitude d'écrire, enfanter ce chef-d'oeuvre de régularité, de discret relief, de solidité : une boutonnière de vêtement masculin ? J'entends la boutonnière au point de festion, naturellement. L'autre, la boutonnière dite passepoilée, n'offre aucune poésie." (Le Fanal bleu, Livre de poche, page 20)

COMMENTAIRES

1. Le mardi 14 décembre 2010 à 10:28, par Hélène

Le raprochement Houellebecq /Colette est assez audacieux...Dans la série « les rencontres imaginaires », je ne sais pas ce que cela aurait pu donner entre eux.

Je suis hermétique à l’univers de Colette (sans doute lue trop jeune ); je suis largement passée à coté de « l’amour en herbe », des la série des « Claudine », etc… Et je n’ai pas envie d’y revenir.

C’était d’autant plus énervant qu’on la présentait comme l’écrivain « féminin », par excellence, et la jeune fille que j’étais ne se retrouvait pas du tout dans cette imposition pédagogique d’une écriture féminine que je trouvais mièvre et ampoulée. En réalité c’était des hommes qui nous projetait ce (leur ?) regard sur cette littérature « féminine », (dans une autre vie je ferais bien une thèse sur le « sexe » de la critique).

Quant Houellebecq, quoique formidable pellicule de la fin d’un certain 20eme siècle, je trouve qu’il écrit comme un pied. (À part quelques fulgurances par ci par là, ce qui est déjà pas mal)…

2. Le mardi 14 décembre 2010 à 13:06, par aymeric

C'est vrai qu'avec Colette, il faut faire un effort... Il faut se concentrer parce que sa prose est particulièrement dense, et alourdie parfois par de vraies préciosités, comme on n'oserait plus en faire aujourd'hui.
Quant au regard des hommes sur elle, je ne suis pas sûr que cela soit si déterminant dans l'éloge que l'on fait de son oeuvre... Non seulement les lecteurs que je connais de Colette sont en fait des femmes (je ne connais pas d'hommes qui en soient admirateurs!), mais le sexe de Colette peut donner lui-même bcp à réfléchir ! :-)
Elle considérait souvent qu'elle avait un esprit d'homme dans un corps de femme... Et c'est cette ambivalence, entre autres, qui me plaît bcp dans son oeuvre

3. Le mercredi 15 décembre 2010 à 09:01, par secondflore

Hum... M'en vais plutôt lire "Le pur et l'impur" que tu conseilles au Buzz ! ^

4. Le mercredi 15 décembre 2010 à 09:29, par aymeric

SecondFlore: oui, tu as bien raison... :) Hélène : A propos de la rencontre Colette/Houellebecq, je l'imaginerais bien sous la forme suivante: une Colette d'un âge mûr prenant sous son aile (sexuelle) le petit Michel en culottes courtes (sur le modèle du Blé en herbe)

5. Le mercredi 15 décembre 2010 à 11:04, par Hélène

Aymeric, tu es définitivement pervers ;-)) (sous ton air "bonasse" comme on dit par chez moi).

Sinon, pour revenir à Colette, en effet, ce sont souvent les femmes qui en parlent, mais, du point de vue de la femme qu'elle a été, pas de son écriture. La génération de ma mère (fin des années 20) a toujours parlé d'elle avec une point d'envie et les yeux brillants, mais pas spécialement de son oeuvre littéraire.
Il en a été de même pour Simone de Beauvoir: on me parlait de la femme, pas de l'oeuvre.

6. Le mercredi 15 décembre 2010 à 11:09, par aymeric

tu as sans doute raison, le personnage qu'elles ont incarné est finalement plus admiré, plus imité que ce qu'elles ont vraiment écrit
D'ailleurs je me dis souvent que le succès d'un écrivain dépend bcp, en fait, de ce qu'il incarne dans la "vraie vie"... D'une certaine manière, ils proposent un destin, un positionnement dans le monde. On les aime pour ce qu'il sont bien plus que pour ce qu'ils écrivent (à qq exceptions notables comme Céline ou Proust, dont les proses sont vraiment admirées pour elles-mêmes)
Mais quand je pense à Sartre, Beauvoir, Duras, ou même Camus, ce sont des visages, des attitudes, des postures, des voix, des engagements que l'on admire, plus peut-être que des fictions...

7. Le jeudi 16 décembre 2010 à 12:38, par Alexandra

Mais tous les chemins mènent à Houellebecq dis moi ! :-)
Pour en revenir à Colette, que j'aime tout particulièrement également, ces métaphores et autres périphrases sont en effet précieuses dans le bon sens du terme.
Cette auteur, parce qu'elle est une femme ? je n'en sais rien, est en effet souvent un peu prise de haut comme j'ai pu le remarquer, parce que ses sujets ne sont pas assez nobles ou "importants". Je te conseille de lire ce que dit Dantzig de Colette ds son dico de la littérature française, très intéressant (et symptomatique) même si très méchant !

Pour ma part, je crois que le roman que j'ai préféré d'elle serait Le blé en herbe finalement,( avec La chatte et La vagabonde).

8. Le jeudi 16 décembre 2010 à 13:51, par aymeric

Son roman "la chatte", je m'amuse toujours à imaginer que je le donne à lire à des élèves de lycée... J'imagine les cris épouvantés des élèves (voire des parents d'élèves!) :-)
Je vais aller voir ce que Dantzig a écrit... J'aime bcp la méchanceté littéraire, même si je ne suis pas d'accord avec tous les arguments !

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