En ce moment, une affaire passionnante secoue le petit monde de l’édition : Flammarion cherche à contrer l’internaute qui souhaite diffuser le texte de Houellebecq au prétexte que Houellebecq lui-même puise sans vergogne sur le fond de Wikipedia (un résumé de l’affaire ICI). C’est un argument d’une terrible mauvaise foi, me semble-t-il, dans la mesure où Wikipedia refuse précisément que les auteurs des articles soient identifiés, ce qui n’est pas le cas des romans publiés chez Flammarion. Je n’ai guère de doute sur l’issue du procès, s'il y en a un (j’imagine difficilement que Flammarion ne puisse gagner), mais je redeviens pessimiste vis-à-vis de l’avenir de la plupart des maisons d’édition françaises, sans parler des revenus des écrivains. A l’ère du tout numérique, comment empêcher que la plupart des textes ne circulent gratuitement ? Comment empêcher le même genre d’effondrement économique que celui de l’industrie du disque ? Je n’entends que des discours rassurants, mais je n’arrive pas à m’en laisser convaincre.

Un moment, je me disais que le chiffre d’affaire global du livre baisserait, mais que la part allouée aux auteurs augmenterait, dans le cas du livre numérique, dans la mesure où les intermédiaires (distributeurs, libraires) disparaîtraient en partie. Pour le dire plus crûment, la part qui reviendrait aux auteurs passerait, bon an mal an, d’une dizaine de pour-cent pour le « livre-papier » à une cinquantaine pour le livre numérique (ce qui s’est passé aux Etats-Unis).

Malgré sa logique et son bien-fondé, cette évolution reste en fait loin d’être acquise en France, comme en témoigne cet excellent article que je me permets de reproduire ici, signé par Paul Fournel, Cécile Guilbert, Hervé Le Tellier, Gérard Mordillat et Gilles Rozier dans l’édition du 2/12/2010 du Monde :

« Inéquitables droits du livre numérique

Nous tombons bien souvent d'accord, cher éditeur et ami, lorsque nous discutons littérature, mais je dois te parler ici d'une chose qui fâche : l'argent. En France, le sujet est tabou et le mot indécent dès qu'il ne s'agit pas d'un titre de Zola. C'est que je viens de recevoir ton "avenant au contrat" concernant les "droits numériques". Pour ceux qui viendraient à tomber sur notre échange (que je tiens à garder confidentiel), je précise que les droits numériques sont ceux que je perçois lorsque mon livre quitte le monde du papier pour celui de l'écran, et qu'il est lu sur un iPad ou un Kindle.

Interrogé, tu m'as répondu, rassurant, que ce marché est embryonnaire. C'est vrai. Mais qui peut présager de l'avenir ? Regarde l'univers du disque : il a laissé place en dix ans à celui, fort immatériel, de la musique. Bref, tu m'engages, en attendant d'y voir plus clair, à signer ce satané avenant où tu m'accordes 10 % du prix net du livre, comme sur le papier. Je vais donc devoir parler pourcentage. Pardonne-moi d'avance cette vulgarité.

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