Lecture stupéfiante que celle du Journal d’Anaïs Nin… Cette maîtresse d’hommes célèbres (au premier rang desquels Henry Miller) raconte dans Inceste trois années décisives pour elle, au cours desquelles sa passion pour Miller déclinera quelque peu tout en restant ardente – le livre s’achevant par sa relation avec son propre père et l’avortement qu’elle a subi.

Passions continuelles, perpétuelle exigence de l’amour et de la sensualité, conscience d’avoir à vivre un destin hors-norme, obsession pour toutes les formes d’art et de relations amoureuses… Le moins qu’on puisse dire, c’est que ce journal-là nous délivre une sorte de torrent émotionnel – parfaitement fluide, toujours touchant, même si l’on est parfois tenté de conseiller à l’auteur de se reposer un peu. Chardons ardents, du matin jusqu’au soir ! C’est admirable, cela fixe même comme une sorte d’horizon limite à tout ce qu’il est possible de vivre en termes d’accomplissement personnel et de passions humaines. Mais c’en devient intimidant. Comment arriver à la cheville de cette femme en termes de vie pure ? Comment même jamais arriver à écrire avec autant d’inlassable énergie ? En est-on seulement capable ? En a-t-on forcément envie ?...

Pour tout dire, je lis parallèlement, en ce moment, trois journaux : ceux d’Anaïs Nin, de Henry Miller et de Simone de Beauvoir (leur journal ou leur autobiographie, la frontière est parfois ténue). J’ai hâte de savoir si je parviendrai à établir des équivalences entre les équilibres artistiques (et psychologiques) des couples Beauvoir/Sartre et Nin/Miller…