La littérature sous caféine


Le sexe ridicule

J’oubliais de préciser, à propos d’Une saison blanche et sèche, qu’il y avait une scène particulièrement ratée dans cet ensemble très bien tenu de réalisme impeccablement scénarisé. Et c’est la seule scène de sexe du roman.

Il y a bien sûr deux écueils à éviter pour ce genre de scène : le lyrisme (vocabulaire fleuri, métaphores filées, ponctuation qui s’affole…) et le cynisme (crudité exagérée, commentaires déplaisants…). Il me semble que Brink n’arrive pas à éviter le premier…

"Nous n'avons pas remonté les draps. Elle n'a même pas voulu que j'éteigne. Comme deux enfants jouant le jeu pour la première fois, nous voulions tout voir, tout toucher, tout découvrir. Une nouveauté, comme celle de la naissance. Doux mouvement de ses membres, odeur de ses cheveux qui recouvraient mon visage, emplissaient ma buoche, frottement de ses seins sur mes joues. Tétons qui se raidissent entre mes lèvres. Ses mains expertes. Son sexe qui se distend, s'ouvre sous mes doigts, dans sa chaleur humide et secrète. Nos deux corps qui se fondent au bord de notre précipice. Merveille et mystère de la chair. Sa voix dans mon oreille. Sa respiration affolée. Ses dents qui mordillent mon épaule. Mont de Vénus proéminent et frisé. Poing de chair qui s'avoue vaincu sous ma pression et m'avale." (Edition de poche, page 329)

COMMENTAIRES

1. Le mercredi 1 décembre 2010 à 04:29, par Guy Philippe

J'admets que c'est definitivement mauvais a partir de "merveille et mystere de la chair" (!). Ceci etant, le derapage dans le mievre pour un auteur comme Brink a quelque chose, justement, de "merveilleux et mysterieux":).. timidite incontrolable? incapacite a offrir un regard pose et incisif sur un geste trop charnel, meme pour un ecrivain? J'avoues que ce n'est pas facile a traiter. A mon avis, il ne faut pas sortir l'objet "scene de sexe" du contexte du livre, mais au contraire en faire l'une des expressions du sujet, themes.. du recit, le plier en fait au recit. Sinon, pose en tant que tel, ca n'a strictement aucun interet. J'avais justement trouve tes scenes de sexe tres reussis dans Azima pour cette raison la. (desole je n'ai pas encore lu suicide girl, c'est pour ce noel !!). Cheers, Guy-Philippe

2. Le mercredi 1 décembre 2010 à 07:22, par manue

c'est interressant ce que dit Guy Phillippe a propos du contexte. c'est vrai que quand on sort les mots de leurs contextes ils peuvent devenir tout autre chose. pour ecrire des scenes de cus, ou meme des mots d'amour, sans aucune histoire derriere, c'est plutot facile. si facile qu'a un moment j'ai etais payee pour ecrire des lettres d'amour a des collegues de travail. les scenes de cus c'est encore plus facile.
par contre, les mettre dans un contexte, j'ai jamais essayer encore, mais je suis sure que c'est tout autre chose. comme si le cus, l'amour romantique, seuls, ne sont que des choses disons techniques, mechaniques. et le technique, la mechanique, ben ca passe, alors qu'une belle histoire reste longtemps plus souvent...un peu comme les effets speciaux au cinema. les effets speciaux c'est facile, comme une scene de cus, mais sans belle histoire derriere, c'est que du vide.

3. Le mercredi 1 décembre 2010 à 13:41, par aymeric

tu as raison, guy-philippe, ca n'a pas grand sens d'extraire une scène de son contexte, et dans le cas de brink, à l'écriture si platement réaliste (dans le bon sens du terme), cela peut prendre un relief particulier, presque touchant

je me rappelle à ce propos sollers expliquant que les scènes sur lesquelles on se rue sont en général les scènes de sexe... Idée amusante au premier abord, mais en fait assez fausse me semble-t-il... Je n'ai pas le souvenir d'avoir guetté une seule fois les scènes chaudes dans un livre ! (peut etre parce qu'elles sont, au fond, assez rares !)

logiquement, tu devrais préférer Suicide Girls à Azima... Ne serait-ce que pour les scènes "chaudes", justement ! :-)

4. Le mercredi 1 décembre 2010 à 13:44, par aymeric

Manue, tu tiens là un véritable pitch pour l'écriture d'un roman ! etre payée pour écrire des lettres d'amour, ca a dû etre instructif !! (j'ai le souvenir d'un film abordant le sujet...) Quqnt aux scènes de cul, malgré le coté mécanique, je suppose qu'il faut en fait faire preuve de bcp d'imagination, justement, pour se renouveler

5. Le vendredi 3 décembre 2010 à 06:29, par manue

ca, l'imagination n'est pas ce qui me manque. pour moi, c'est la boite de pandore, une fois que c'est ouvert, c'est un travail d'une vie a refermer. l'imagination semble se renouveller par elle meme, elle est cannibale. mon travail au contraire, est de minimalizer cette imagination, pour pouvoir en faire des choses concretes.

gamine, les scenes de cus, ben oui, j'etais une de celles qui sauter les pages pour les trouver. de nos jours, dans les livres, je prefere la masturbation intellectuelle. par exemple, ton livre, si je voyais juste la couverture ds un magazin, je ne l'ouvrirais meme pas. je n'aime pas le titre, etant familiere avec les suicides girls depuis mes jours a portland, oregon (si je me souviens bien, lieu de naissance du theme, ou bien SF?), et les annees goth sont finies ya bien longtemps. de plus, la photo ne me donne aucune envie, a cause de son cote ados, sauf si d'humeur a aller voir des photos a la mappletorph au musee. Mais, malgre cela, je lirais ton livre ce noel, quand tranquille en france, vue que c'est mon temps pour lire des auteurs francais. rien que de l'acheter dans un magazin, ce sera aussi inconfortable que d'acheter un truc dans un magazin de cus. ben, oui, desoler mais pour moi, de decorer le cus sous les fards de "l'art", ne retire pas le fait que ben c'est du cus, racoleur et cheap tactic...

une bonne scene de cus, ou juste une reference a ce sujet, est encore, et bien malheureusement, le best seller de par le monde, que ce soit pour pubs tv, livres, films etc. cela montre bien a quel niveau l'humanite en est encore. la cervelle dans la culotte... heureusement qu'il y a de beaux textes pour nous elever un peu.
un beau texte me donne du plaisir pour des annees entieres, alors qu'une scene de cus, ca passe si vite...

6. Le vendredi 3 décembre 2010 à 22:57, par aymeric

"racoleur", mais qui ne marche en fait pas si bien ! C'est même plutot répulsif, en fin de compte ! Ce qui marche vraiment, ce sont les bons sentiments ! :-)

7. Le dimanche 5 décembre 2010 à 07:44, par manue

ben je pourrais paraitre cucu pour dire cela, mais oui, je pense que les bons sentiments ca marche aussi bien, et peut etre mieux que les trucs grossiers. au long terme aussi. regarde le nombres de best sellers pour "etre mieux", "se trouver" et toutes ses niaiseries qui se vendent comme des petits pains. les papillions et le bien etre se vendent tout aussi bien qu'une paires de saints;) et franchement, le monde est assez chiant comme cela, pourquoi ne pas lui offrir quelques fleurs pour alleger le tout? et oui, je suis a l'eau de rose, et oui je lirais ton texte, parce que je sais que la couverture ne fait pas le livre.

pour continuer avec un de tes themes, quand on peut dire des choses comme "vie de merde", c'est agreable de lire/voir/ecouter, des belles choses. des trucs qui nous elevent, des trucs qui touchent notre ame, pour vraiment utiliser des mots demodes, surtout dans des pays comme la france...ou l'ame est une vieille fable. une vieille fable qui fait encore rever, et que je pense les gens continuent de rechercher, parce que l'eternel, ca repose l'esprit fatigue de toutes ses questions inutiles. et la psyche, elle aime l'eros, tout ce qui la nourrit, ce qui est beau, noble, classique. ce qui dure, ce que certains osent appeler verite..la mode, elle s'en fout royalement, parce que ca passe comme le vent.

8. Le lundi 6 décembre 2010 à 16:48, par aymeric

je suis d'accord, dans l'ensemble, à la seule nuance près que je trouve aussi du plaisir à voir la littérature disséquer ce qu'il y a de plus noir ou de plus faible en nous... Et que cela me renforce, au lieu de m'abaisser ! Houellebecq défendait cette idée dans l'une de ses interviews... La littérature cul-cul serait plutôt pour me filer un coup de blues ! :-)
Ca me fait penser au dernier film de Woody Allen, que je trouvais revigorant précisément parce qu'il défendait une morale cynique et désespérée. D'autres trouvent le film très triste ! Question de points de vue...

9. Le vendredi 10 décembre 2010 à 10:49, par manue

je n'ai rien contre dissequer le noir. mais je trouve que dans le noir, on ne trouvera et ne produiront que plus de noir. alors, je tente de ne pas trop le dissequer. il existe, c'est tout. ma question est plus: que faire de ce noir qui nous bouffe tous de l'interieur?
houellebeck m'ennuie justement a cause de son manque de nuance, il n'est que noir, et les gris sont tellement riche.
peut etre que j'ai peur de tout ce noir, peur de le mettre a la lumiere, ou il fond automatiquement, parce que incapable de vivre dans la lumiere. ce noir, certains sages l'appellent le "self", c'est tout, on s'y accroche, c'est confortable d'avoir une identite.
la litterature cucu, en fait je connais pas, cela n'a jamais fait partie de mes lectures, etant ennuyeux a mourir. je sais juste que le niais vends bien. moi, je suis une chainte. je lis les dicos et scriptures anciennes.

je n'ai pas vue le nouveau W Allen. je me le ferais en france. Woody m'a toujours fait beaucoup rire, un peu a la Bukowski en plus classe. il reste reel sans sombrer dans le lugubre. un grand talent que j'apprecie beaucoup.

10. Le vendredi 10 décembre 2010 à 12:12, par aymeric

a propos de bukowski, j'ai récemment découvert une phrase de lui qui me plait beaucoup - je la retranscris de mémoire, sans être sûr de son exactitude au mot près: "J'ai un projet - devenir fou"
Ca pourrait constituer un bon résumé de ce que représente la littérature - une certaine forme, tout au moins, particulièrement exigeante et très "prométhéenne", à la recherche d'un véritable feu sacré

11. Le samedi 11 décembre 2010 à 04:58, par manue

ah ce bon vieux Bukowski:) ces grands fous, si fous qu'ils en sont les sages. comme on dit, seulement quelqu'un de saint d'esprit peut se demander si il est fou ou non. le vrai fou pense qu'il a raison sur tout, d'ou sa folie..

les traditions de meditations, je pense ici au grand pere hindu et a son rejeton bouddhiste, disent que si l'on dissequent tout le mal, il disparait...parce qu'il n'a d'autre logique, que l'attachement a son petit etre personel.
mais bon parlant de chose noir, les philos asiats sont aussi belles qu'elles sont une horreure quand on observe ces applications quotidiennes sur le peuple. mais bon, ca c'est pour une autre discussion, tres noir celle la.

on ne peut pas trouver le feu prometheen, parce qu'il est deja la, il n'y a qu'a fondre dedans. comme tout ceux qui recherche et travail dur pour trouver le "bonheur". il est la, c'est tout, y'a qu'a le vivre. mais voila, en le cherchant, on le travestie. aahhh. s'assoir tranquille devant la cheminee de promothee :)

12. Le dimanche 12 décembre 2010 à 19:52, par aymeric

je serais très curieux de savoir ce que donne, effectivement, l'application de "philo asiatique" sur le peuple, comme tu dis...

13. Le lundi 13 décembre 2010 à 05:49, par manue

le premier mot vient a l'esprit: le mensonge...avec un jolie sourire, bien entendu:)

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