La littérature sous caféine


Les écrivains qui nous apprennent des mots



Adolescent, au cours de mes lectures, j’établissais la liste des mots que je ne connaissais pas, avant de noter soigneusement leur définition sur des feuilles volantes, glissées dans les volumes. Bien sûr, la pêche était particulièrement fructueuse chez Proust et chez la plupart des auteurs du dix-neuvième siècle. Il m’arrivait d’essayer d’apprendre ces listes. Quand je retombe sur elles, vingt ans plus tard, je me rends compte que je connais maintenant ces définitions. Mais les avoir apprises adolescent ne m’a sans doute pas aidé : ce sont mes retrouvailles avec ces mots, régulièrement, de livres en livres, qui m’ont familiarisé avec eux.

Ce goût pour les mots, considérés en tant que tels, a d’ailleurs influencé mes pratiques de professeur, puisque j’ai pris l’habitude de débuter chaque cours par ce que j’appelle « Le mot du jour » (un mot que j’annonce, puis dont je donne la définition, que les élèves consignent dans un carnet). C’est vraiment par ces sortes de petits noyaux langagiers qu’il me paraît judicieux d’essayer de donner goût à la littérature – démarche complémentaire de celle qui consiste à prendre l'écriture "par l'autre bout", celui du récit, celui du souffle romanesque, celui qui fait oublier les mots, précisément, au profit des images qu'ils suggèrent.

Je continue moi-même à apprendre de nouveaux mots, bien sûr, et mes découvertes sont naturellement plus nombreuses chez les auteurs de langue française (les traductions hésitant davantage à recourir à des archaïsmes ou des raretés ?). Lisant par exemple le dernier roman en date de Philippe Le Guillou, Le Bateau Brume (Gallimard, 2010), majestueuse plongée dans les destins croisés de jumeaux dont l’un, peintre rêveur et mélancolique, et l’autre, tourné vers la politique, vont vivre des moments de fusion fantasmatique, avant de se séparer puis de se retrouver, d’années en années (sur fond de Bretagne hantée par les mythes et par la religion chrétienne), je note le mot ondin, page 167 (génie des eaux dans la mythologie germanique) et le mot étier page 163 (chenal étroit). Plaisir non négligeable, qui compte désormais dans mon choix d'approfondir ou non la connaissance de certaines oeuvres...

COMMENTAIRES

1. Le mercredi 27 octobre 2010 à 07:59, par manue

amoureuse des mots aussi, j'etudie dans chaque pays ou je vis la mythologie locale. ce qui me fait decouvrir de nombreux mots, intraduisibles, puisque souvent les mots contiennent tout un concepte. les philosophies asiatiques ouvrent tout un nouveau dictionnaire dans ma tete. philosophies trop souvent tres mal traduites.

toi qui est amoureux des mots aussi, et anglophone, regarde la difference de certains mots dans wiki en francais puis en anglais. c'est fascinant. teste en particulier des mots/conceptes hindu ou bouddhistes et observe la difference.
et oui, pour faire des recherches sur ces cultures asiatiques, mieux vaut parler anglais.

juste pour rire, regarde anarchie en francais, puis la page anglaise pour le meme mot.

des petits mots font bien des differences:)

2. Le mercredi 27 octobre 2010 à 13:19, par aymeric

C'est vrai qu'en politique, les mêmes mots prennent des sens très différents d'un pays à l'autre. Tu évoques "anarchie", mais j'ai toujours été fasciné, par exemple, par l'ampleur de la différence pour le mot "libéralisme" entre la France et les Etats-Unis...

3. Le vendredi 29 octobre 2010 à 08:26, par romain

Pour voir quelques très beaux étiers, toi l'amoureux des paysages, je t'invite à découvrir la Vendée et un peu plus bas les deux sèvres et la fameuse Venise verte.
Certes je n'ai pas découvert ce mot en lisant mais en découvrant la terre de mes aïeux.

4. Le vendredi 29 octobre 2010 à 14:16, par aymeric

La Venise verte ? S'agirait-il par hasard d'une zone au sud de La Rochelle ? Très surprenant, en effet! et tres beau !

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