Rentrée littéraire 2010 (5)

Vendredi dernier, je suis allé dans la librairie L’Arbre à Lettres (Paris 12) faire signer mon exemplaire du dernier roman de Don DeLillo, tout juste sorti, Point Oméga (Actes Sud), avec d’autant plus de curiosité que l’homme est connu pour être farouche et n’apparaître que rarement en public. Faut-il s’en étonner ? Les thèmes privilégiés de son œuvre ont toujours été la paranoïa, le culte du secret et l’impossibilité pour les mots de recouper la réalité…

En la matière, je n’ai pas été déçu. Je m’attendais naïvement à quelques échanges du libraire avec l’auteur (que j’aime placer parmi les dix plus grands auteurs vivants), au pire à la lecture d’une petite série d’extraits, mais le grand homme (de petite taille et d’allure chiche, quoique souriant et fort aimable) s’est contenté de faire savoir qu’il ne voulait pas qu’on le photographie, avant d’enchaîner la série des signatures – s'en tenant pour chacun à un modeste « To Untel »…

A propos de DeLillo, génial auteur cérébral et froid, j’aimerais d’ailleurs raconter une anecdote : un bon ami me disait avoir été touché par son avant-dernier livre, L’homme qui tombait – très bon titre pour un roman que l’on attendait au tournant, puisqu’il abordait le thème du 11 Septembre et que DeLillo s’était précisément fait une réputation internationale pour ses premiers livres obsédés par le thème des attentats sur le sol américain.

Surpris qu’on puisse être touché par un DeLillo (excellent à bien des égards mais, disons, peu porté sur le sentimentalisme), je m’étais résolu à acheter ce livre qui ne m’avait pas attiré jusqu’alors – j’avais la sensation que DeLillo tournait en rond depuis quelques temps déjà. Et j’ai retrouvé ses belles considérations glacées sur l’image ou le traitement de l’information, mais sans la moindre once de frémissement pathétique.

Revenant vers l’ami : « Avons-nous vraiment lu le même livre ? J’ai du mal à croire qu’on puisse être touché par ce roman… - Maintenant que tu le dis, je dois t’avouer que je ne l’ai pas fini. Je n’en ai même lu qu’une vingtaine de pages… Le thème me touchait, ces gens dont la vie est bouleversée par le 11 Septembre. Mais bon, disons que ça me suffisait de savoir que ça parlait de ça. Je n’ai pas eu le courage de poursuivre… »

Les mauvaises langues diront que nous venions de faire une bonne synthèse des romans de DeLillo : dix pages qu’on lit avec un certain sentiment de surprise, et puis un effort perpétuel par la suite, assez comparable à mes yeux à une ascèse – une ascèse qui peut être sublime, cependant, et assez génialement connectée à toutes les obsessions de l’époque. Mais j’y reviendrai…